Sur Twitter, on se suit sans trop comprendre

Plusieurs études aux résultats proches montrent que malgré son audience exceptionnelle, Twitter reste flou pour ses utilisateurs, et encore peu adopté en France.
par Alexandre Hervaud
publié le 15 juin 2009 à 16h42
(mis à jour le 18 décembre 2009 à 12h34)

Avec ces 1382% d'augmentation d'audience en un an, Twitter, le service de microblogging (rappel et mode d'emploi sur Ecrans par ici ), fait figure de carton absolu du Web 2.0., à tel point que les médias en font leur coqueluche, parfois jusqu'à la frénésie (cf la récente couverture du Time , avec ce titre : «Comment Twitter va changer notre manière de vivre »). La success-story de Twitter a tout de même quelques bémols. Récemment, nous évoquions les chiffres de Nielsen selon lesquels 60% des nouveaux membres cessent d'utiliser le service dans le mois qui suit leur inscription. L'affirmation a été critiquée dès sa publication pour sa méthodologie, avant d'être revue et confirmée par Nielsen qui assume totalement le résultat .

Début juin, l'école de commerce de Harvard publiait une étude intéressante sur le comportement des utilisateurs de Twitter . Etude qui inspira au site Techcrunch le titre «sur Twitter, la plupart des gens sont des moutons» . La raison de cette comparaison ovine ? A en croire les étudiants de Harvard, qui ont analysé 300000 microblogueurs, 80% des comptes sont suivis par moins de 10 followers (près d'un tiers n'ont d'ailleurs pas un seul follower), et les utilisateurs les plus actifs du service (10% de ses membres) sont responsables à eux seuls de 90% des tweets postés ! Certains observateurs y verront la confirmation des commentaires décrivant Twitter comme un média à part entière, avec la sempiternelle hiérarchie «rédacteur / lecteur», malgré l'ambition affichée de réseau social et communautaire.

Plus de 80% des utilisateurs postent en moyenne...zéro tweet par jour

Une nouvelle étude , que l'on doit cette fois-ci au cabinet Sysomos et basée sur l'analyse de 11,5 millions de comptes Twitter, tend à confirmer l'analyse de Harvard, et malmène à son tour plusieurs idées reçues sur ce service. Plutôt complète, l'étude distille quelques données plutôt anecdotiques (du style : l'activité de Twitter en fonction du jour de la semaine, de l'heure dans la journée, etc.). Sysomos prouve avant tout que le service, bien que lancé en 2006, n'a vraiment décollé que très récemment : 72,5% du total des utilisateurs se sont inscrits au cours des cinq premiers mois de 2009. Les résultats abondent également dans le sens de Harvard quand on découvre que 10% des comptes Twitter sont responsable de 86% de l'activité totale du site, et que 21% d'entre eux n'ont jamais posté un seul tweet. Sans surprise, la horde de spécialistes du marketing social inscrits sur Facebook est plus productive que celle des utilisateurs lambda. Preuve de leur forte présence sur le réseau, le terme «marketing» est très représenté dans la capture ci-dessous qui recoupe les mots les plus utilisés dans les mini-biographies des utilisateurs Twitter :

Les données proposées par l'étude en ce qui concerne Twitter en France relativisent encore plus la portée du service au pays de Copains d'avant , même si Paris est pour l'instant la première ville européenne en termes d'utilisateurs juste devant Londres.

D'après l'étude, les utilisateurs français représenteraient 0,90% des comptes Twitter, soit à peine 126000 utilisateurs (si on considère que Twitter en compte 14 millions, mais ce chiffre datant de mars 2009, il est à relativiser...). Quand on sait que plus de 10 millions de français sont inscrits sur Facebook, on serait presque tenté, horreur, d'approuver Frédéric Lefebvre, qui déclarait il y a peu : «Les minimessages de Twitter, c'est pour faire chic, mais c'est pas là que ça se passe» . Le micro-trottoir ci-dessous, capté par Buzzman TV en avril dernier, illustre assez bien le relatif anonymat du service dans l'hexagone :

Evidemment, il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives et définitives (à la Lefebvre, justement) sur le sort de Twitter dans le monde et en France en particulier. Difficile malgré tout de ne pas remettre en question l'utilité – ou du moins l'accessibilité- du service, visiblement incompris par la grande majorité des utilisateurs. On peut légitimement se demander si l'emballement autour de Twitter n'est finalement pas dû au fait que l'outil en question est particulièrement prisé des journalistes, blogueurs, et autres représentants divers du monde merveilleux de l'information et la communication. Sans doute parce que pour eux, l'utilité de Twitter va clairement au delà de l'aspect social et communautaire, le service relevant avant tout de l'outil professionnel. On comprendra donc aisément pourquoi le commun des mortels semblent autant intéressé par Twitter que nous le sommes par les fraises de dentiste et les DVD de formation en menuiserie . Du moins pour l'instant.

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