Sur le Web, le Barbier Show fait mousse

Presse. Le directeur de la rédaction de «l’Express» se met en scène dans des éditos vidéo.
par Alexandre Hervaud
publié le 29 juin 2009 à 6h53
(mis à jour le 29 juin 2009 à 6h53)

Un clic, cinq notes pénibles jouées à l’orgue Bontempi, le logo de l’Express.fr, et le spectacle commence. Tous les jours ou presque depuis 2006, Christophe Barbier, directeur de la rédaction du magazine, réagit à chaud et à show sur l’actualité politico-sociale (ou, dès vendredi, la mort de Michael Jackson dans son édito vidéo).

Comédien. L'espace de trois minutes, l'homme à l'écharpe rouge improvise face à la caméra sur un sujet donné. Loin de la sobriété, sur le fond comme sur la forme, d'une conférence filmée du Collège de France, Barbier se plaît à varier les plaisirs : décors, prise de vues… Quitte à faire bien rire les internautes. Lui-même le reconnaît : «J'ai du mal à savoir si les gens regardent pour ce que je dis vraiment, ou juste pour savoir à quoi ça ressemblera aujourd'hui.»

Dans son bureau, Barbier nous explique sa méthode. Pour le choix du sujet, il tâche, dans la mesure du possible, de ne pas faire doublon avec sa chronique matinale sur LCI. Si le lieu de tournage peut être dicté par son agenda («quand on tourne en marchant dans la rue, c'est souvent parce que j'ai un métro à prendre»), il essaie toutefois de trouver un décor qui fait sens. Exemple avec le sujet du jour, la probable reconduction de José Manuel Barroso à la présidence de la Commission européenne. «Tournons ça au sous-sol, ça donnera un côté kafkaïen compatible avec l'image que les gens se font de l'Europe», s'enthousiasme le Stanley Kubrick de l'Express, qui avoue s'accorder «une toute petite marge de cinéma». Ni une, ni deux, Barbier, journaliste comédien (et vice versa), bientôt à l'affiche d'une pièce de Molière (où il interprétera cinq rôles), se dirige vers l'ascenseur non sans avoir préalablement crâné avec sa nouvelle minicaméra («on ne la trouve qu'à New York»). Grâce à son nouveau jouet, il a notamment immortalisé deux figures de la pop culture française en action (Johnny Hallyday au Stade de France, Jean-Louis Boorlo dans son ministère).

Pour ses éditos, il délègue le cadrage aux petites mains de l'Express.fr, sauf durant ses vacances, où le fiston le filme depuis ses lieux de villégiature (la baie d'Along, son pied-à-terre savoyard…) En passant devant la rédaction web, il soupire : «Tenir un blog, c'est long. J'envisage la reconnaissance vocale pour éviter de taper mes billets.» Une fois aux archives, discussion rapide avec la cadreuse. Ce sera un plan séquence en caméra fixe, étroitesse du couloir glauque oblige, avec un léger zoom arrière. Basique. On est loin du déferlement d'effets spéciaux d'un de ses fameux éditos qui voyait le gaillard se démultiplier à l'image, quelque part entre Méliès et Garcimore. La chose est emballée en cinq minutes, et sera mise en ligne une heure plus tard.

Retour au bureau où l'on tente de décrypter l'aura de ses éditos. En terme de visibilité, rien de honteux mais pas de quoi pavoiser non plus : les 5 000 vues sur Dailymotion sont rarement dépassées. Assez tout de même pour qu'une série (Reporters, Canal +) s'inspire de lui pour sa saison 2, et pour motiver des pastiches, comme récemment celui d'un partisan de Dieudonné. «C'était plutôt drôle», concède l'intéressé, surpris d'apprendre l'existence du groupe Facebook «je fantasme sur Christophe Barbier» (27 membres).

Métaphore. Les critiques régulièrement émises à son encontre l'étonnent beaucoup moins. Elle seraient dues selon lui à ses activités télévisuelles. «Visible, donc visé», explique-t-il. On se souvient encore du billet assassin du blogueur Maître Eolas, spécialiste de la question judiciaire, qui s'achevait par un définitif «faites comme Christophe Barbier : arrêtez de penser, lisez l'Express». D'aucuns raillent surtout le côté café du commerce de ses interventions. «Non, le café du commerce, c'est la sensation brute, la première marche de réflexion par rapport à un sujet. L'édito, c'est trois ou quatre marches derrière.» Du film de hauteur, donc.

Sur la forme, certains opus ont marqué, comme celui tourné dans une rue enneigée, en janvier, avec un Barbier encapuché façon Jack London de Notre-Dame-de-Lorette. Le tout pour évoquer la situation au Proche-Orient. «Mon idée, c'était la métaphore de la tempête, l'accablement des éléments. Le déluge de feu à Gaza, le déluge de neige chez nous.» C'est peu de dire que la symbolique aura échappé à tout le monde. Connaissant la passion de l'homme pour le théâtre, on s'enquiert de ses éventuelles velléités cinématographiques. «Aucune envie, je préfère la mise en scène fragile, sur scène, à celle dictatoriale du cinéma. La caméra c'est un scalpel, c'est froid.» D'où la capuche, l'écharpe, etc. ça y est, on a compris.

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