TF1 : la roue de la fortune tourne

Crise. La chute des recettes publicitaires fait plonger la Une dans le rouge.
par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 6 mai 2009 à 6h51
(mis à jour le 6 mai 2009 à 6h51)

Ouch. A une semaine de présenter ses (mauvais) résultats trimestriels, TF1 a préféré prendre les devants et annoncé hier que ce serait pire encore. En clair, et c’est très rare, la Une sera dans le rouge. Foufous, les analystes financiers évaluaient le résultat opérationnel à 16 millions d’euros. Macache : non seulement ce sera entre 10 et 15 millions d’euros, mais en négatif, encore. Ouch et re-ouch.

La faute à qui, ma pauv’ dame ? La pub, qui ne rentre plus, et chute de 27 % sur TF1 par rapport au premier trimestre de 2008. Certes, la crise publicitaire est mondiale, qui ferme les journaux et grève les bénéfices des télés de toute la planète. Mais tout de même, TF1 morfle. Beaucoup. En comparaison, M6 qui, en tant que chaîne privée dépendant des réclames, devrait être autant touchée que la Une, perd 11 % de recettes pub au premier trimestre 2009, loin des 27 % de TF1. Canal + pour sa part est en hausse, tandis qu’à périmètre comparable, France Télévisions - oui, même privée de pub après 20 heures - est dans le positif.

«Cercle vicieux». Alors quoi ? Comme les autres chaînes, TF1 souffre de la TNT qui lui grignote sérieux ses parts de marché. Cette fichue TNT que la Une n'a pas su anticiper. Résultat, son audience baisse, et notamment chez celle qui est le nerf de la guerre des chaînes, la ménagère de moins de 50 ans. Conséquence : «C'est un cercle vicieux, explique un analyste, les audiences baissent. Du coup, les recettes pub baissent. Pour faire des économies, TF1 taille dans son coût de grille : du coup les audiences baissent, puis les recettes pub, etc.»

Déjà au début de l’année, TF1 a annoncé un plan de réduction des coûts de 60 millions d’euros, autant dire peanuts. Mais ces cacahuètes se gagnent chèrement en rognant un peu partout et notamment sur les programmes. Et revoilà TF1 dans son cercle vicieux, à se débattre avec une grille vieillie que l’équipe de Nonce Paolini, arrivé en mai 2007, ne parvient pas à lifter, et une audience qui a une fâcheuse tendance à la patte-d’oie itou.

Mais ces économies se font aussi dans le fonctionnement de la chaîne. Un grand classique : les bouteilles d’eau mises à disposition des salariés ont été remplacées par des fontaines collectives. «Mais il n’y a plus de gobelets», souligne une employée. Même tabac pour les machines à expresso désormais dépourvues de dosettes. Et pour certaines vedettes, les taxis sont remplacés par des voitures de fonction. Les notes de frais sont épluchées : pas plus de 50 euros par invité (oui, c’est la crise, mais on est à TF1 quand même…), et surtout les départs - qui se multiplient - ne sont pas remplacés. «Ça n’a l’air de rien mais c’est un message», commente un salarié.

Et les cadeaux offerts en rafale par Nicolas Sarkozy à TF1, alors ? «TF1 a été trop gourmande», risque un analyste. Souvenez-vous, en janvier 2008, Nicolas Sarkozy décidait ex abrupto de supprimer la pub sur France Télévisions. D’où lui venait cette brillante idée ? Notamment d’un Livre blanc envoyé juste avant par… TF1. Et bam : suppression de la pub sur le service public donc, mais aussi augmentation du volume de réclames, deuxième coupure… Oui mais, une crise financière mondiale plus tard, les marques n’ont plus un sou vaillant pour remplir les vastes espaces publicitaires de TF1.

Taxe. Et voilà qu'hier, l'Association des chaînes privées (ACP) qui rassemble TF1, M6 et Canal +, a annoncé qu'elle étudiait toutes les «actions qui pourraient être entreprises» au niveau européen contre les aides versées à France Télévisions pour compenser l'arrêt de la pub. Le but ? Faire retoquer la taxe de 1,5 % de leurs recettes publicitaires destinée à très légèrement compenser le cadeau de la fin de la réclame. D'ici à penser que TF1 noircit le tableau de ses finances…

Si ça ne marche pas, il restera pour TF1 une poire pour la soif. En mars 2010, la Une pourra mettre en vente les 10 % de Canal + qu’elle détient depuis que le groupe crypté s’est emparé du bouquet TPS. Combien, pour ce minuscule pourcentage ? Oh, trois fois rien, une paille : 747,5 millions d’euros, la moitié de ce que vaut TF1.

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