TVA : Et encore Bercy pour le triple play !

par Alexandre Hervaud
publié le 9 septembre 2010 à 13h07
(mis à jour le 9 septembre 2010 à 17h31)

Mauvaise nouvelle pour les 20,37 millions d'abonnés à Internet en France, la facture risque de grimper un peu dans les prochains mois, taxation oblige. En janvier dernier pourtant, le premier ministre appelait de ses vœux une baisse des tarifs d'abonnements à Internet, ou plutôt la mise en place de formules permettant de s'équiper à bas prix. «Je souhaite que d'ici six mois, tous les opérateurs qui le souhaitent puissent proposer une offre sociale spécifique pour permettre aux foyers les plus modestes d'accéder à Internet dans des conditions attractives» , déclarait ainsi François Fillon. Neuf mois plus tard, pas de révolution pour les plus démunis en matière d'offre attractive (comprendre à moins de 20 euros pour un vrai triple play), sauf chez Numericable sous conditions , et une augmentation des tarifs qui s'annonce suite à changement de régime fiscal pour les fournisseurs d'accès à Internet.

La faute à un régime initial plutôt favorable aux FAI taxés à 5,5% pour le service TV de leurs offres triple-play. Pourquoi pareil coup de pouce ? Parce que depuis 2003, année à laquelle la télévision commence à transiter sur l'ADSL, le pionnier Free a profité d'un régime déjà en place et dont bénéficiait notamment Canal+, en contrepartie d'une contribution au COSIP (le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels), que gère le CNC, ainsi qu'à d'autres sociétés de gestion collective (SACD, SACEM, etc...). Probablement une conséquence directe: la télévision arrive donc dans les freebox sans supplément de prix dès décembre 2003. Les autres opérateurs suivront. La contribution est par ailleurs une manne non négligeable pour l'industrie culturelle française qui ne semblait pas poser de problème avant qu'une plainte d'un particulier déclenche le courroux de Bruxelles.

Comme on l'écrivait en avril dernier , ce régime privilégié des FAI français viole sept articles de la directive européenne sur la TVA, qui stipule entre autres que la réduction de cette taxe sur les «services fournis par voie électronique» est interdite. L'aspect multi-service des offres triple-play, qui se contentent à la base de fournir du haut débit par la suite divisé en trois services (télévision, téléphonie fixe et Internet) par les appareils fournis aux consommateurs empêche également de considérer les FAI comme des diffuseurs culturels. Canal+, un temps menacé de voir sa taxation à 5,5% remise en cause, s'est vu finalement épargné par un Nicolas Sarkozy étrangement cinéphile (ou fortement influençable par les lobby culturels, c'est selon).

Résultat : le taux de taxation des FAI va être revu à la hausse (à 19,6% sur l'ensemble du forfait) comme l'a encore confirmé Christine Lagarde, la ministre de l'Economie, ce matin sur Radio Classique. Pour le consommateur, si les FAI répercutent cette hausse sur leurs tarifs, l'augmentation concrète devrait se chiffrer entre 2 et 3 euros. Pour l'UFC que choisir , «ce rétropédalage risque de bouleverser l'équilibre du marché.» . L'association de consommateur relativise au passage la responsabilité de Bruxelles (qui avait d'ailleurs défendu les FAI français il y a plusieurs mois, jugeant la taxe pour financer la suppression de la pub sur France Télévisions injuste) dans cette affaire, accusant sans détour le gouvernement qui «suite à l'avertissement européen, plutôt que de remettre à plat l'ensemble du compromis, préfère (...) n'actionner que le seul lever fiscal, faisant des consommateurs les grandes victimes de la réforme !» . La raison de tout ça : la crise, les caisses vides, et le budget à boucler. Et de craindre que cette hausse des tarifs français des forfaits ADSL, extrêmement compétitifs (quasiment les moins chers au niveau international, à l'inverse de ceux du mobile), nuise à l'économie numérique.

A l'heure où Hadopi est dans les starting blocks, difficile de ne pas voir une pique d'exaspération de l'UFC à la lecture de cette phrase sévère : «c'est quand même un comble de faire du consommateur cybernétique le pompier d'une économie dépassée puisqu'il subventionnera, encore et toujours, des secteurs en déclin comme la vieille industrie de la culture qui refuse de s'adapter à la révolution numérique au mépris de son public.»

NB : à retrouver dans Libération de vendredi, une double page sur le sujet.

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