TVA et Triple-Play : la France prise en excès de zèle

par Alexandre Hervaud
publié le 13 septembre 2010 à 12h20

La semaine dernière, on évoquait la hausse future (mais pas encore définitivement officialisée) des tarifs d'abonnements Internet, plus particulièrement des offres tripe-play. La raison de cette hausse probable : une augmentation de la TVA pour les fournisseurs d'accès concernant la partie «télévision» de leurs offres. Prompt à réagir, le gouvernement par l'intermédiaire de François Baroin avait déclaré que la totalité de la TVA des offres passerait à 19,6% (quand la partie TV n'est taxée qu'à 5,5%).

Pour justifier cette augmentation, le Gouvernement et ses représentants accusaient Bruxelles, qui s'interrogeait sur ce régime privilégié en désaccords avec de nombreux points d'une directive européenne. On savait déjà que la France n'avait guère cherché à protéger ce régime de faveur. Ainsi, vendredi dernier, Libé rappelait que face aux questions de Bruxelles, «la pugnacité de l'Etat français est aux abonnés absents» . Et de citer Yves Le Mouël, directeur général de la FFT (Fédération française des Télécoms) et avocat des opérateurs, plutôt sceptique sur la défense (ou plutôt l'absence de défense) du gouvernement : «Le gouvernement aurait pu faire valoir toute une série d'arguments. Que la France est le premier pays au monde pour l'utilisation de la télévision sur l'ADSL, et que cela justifie le taux réduit sur la moitié de la facture.»

Ce week-end, la Commission européenne a confirmé ces doutes en déclarant à l'AFP n'avoir jamais demandé à Paris d'augmenter la TVA sur les offres triple play. «Le taux de TVA réduit de 5,5% pourra continuer de s'appliquer pour la partie télévision de l'offre» , a ainsi affirmé un porte parole de la Commission. Ce que Bruxelles demande, c'est que les services de haut débit ADSL et de téléphonie fixe illimité soient eux bien taxés à 19,6%. Et pour la Commission, ces deux services ne représentent logiquement que deux tiers de la facture, pas la totalité.

Avec cette hausse globale et non segmentée (représentant un «bonus fiscal» que d'aucuns estiment entre 350 et 450 millions d'euros annuels), le gouvernement en profite donc pour amasser un pécule supplémentaire dont la première conséquence pourrait être la fin des forfaits Internet triple play à 29,90 euros par mois, l'une des offres les plus attrayantes d'Europe. Rien n'est joué cependant : l'ARCEP (l'autorité de régulation des télécommunications) a ainsi invité les FAI à rester raisonnables, lors d'une conférence de presse. Jugeant une flambée des prix contre-productive, Jean-Ludovic Silicani a par ailleurs déclaré : «si un opérateur augmente ses tarifs, il risque de perdre des clients. Et s'il répercute sur ses tarifs la hausse de la TVA, la facture affichera 2,5 euros supplémentaires» .

Même la Sacem s'y est mis par la voix de son président, Bernard Miyet : « Face à l'augmentation probable du coût de l'abonnement à l'ADSL, les consommateurs seront tentés de faire des arbitrages qui pénaliseront le développement des offres légales en ligne. Alors que la lutte contre la piraterie est balbutiante et incertaine, ce secteur économique qui cherche encore ses marques risque d'être regrettablement fragilisé, et avec lui les rémunérations des créateurs. » D'autant que la société d'auteur n'a jamais caché sa volonté de prélever aussi sa part sur les abonnements haut-débit. Mais avec la taxe de 0,9% sur le chiffre d'affaire pour compenser la fin de la pub sur France Télévision et l'augmentation de la TVA, pas sûr qu'il reste la moindre miette du gâteau à se mettre sous la dent.

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