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Libération

Tablettes : l’iPad à petits pas

par Yann Philippin
publié le 6 janvier 2011 à 10h15

L'iPad aurait fait un four à Noël. Le bruit a envahi la Toile depuis qu'Orange a indiqué avoir vendu seulement «près de 30000» tablettes internet en décembre, dont un peu plus de 20 000 exemplaires du dernier joujou d'Apple, et le reste pour la Galaxy Tab du coréen Samsung. L'opérateur a beau se dire «plutôt satisfait» , il n'a pas convaincu grand monde. Surtout vu l'incroyable matraquage médiatique (oui, y compris Libération ) qui prédisait une déferlante de tablettes sous les sapins.

Alors, top ou flop ? «C'est un bon début, mais pas excellent» , résume Jean-Philippe Illarine, chez Samsung. Selon l'institut GFK, il s'est vendu «environ 100000» tablettes en décembre en France et «environ 450000» sur l'année 2010 (hors boutiques des opérateurs mobiles), dont une grosse majorité d'iPad. Un score conforme aux prévisions. Et très honorable pour un produit aussi jeune (sept mois), déroutant (à la fois ordinateur, navigateur internet, livre électronique, console de jeux, etc.) et surtout très cher (550 euros en moyenne l'an dernier). Bref, un gadget plébiscité dans un premier temps par les technophiles urbains et plutôt aisés.

«Après le buzz, il faut calmer les esprits ! lance-t-on chez GFK. L'engouement est bien là, mais ce n'est pas le casse du siècle. Il faut 15 millions de pièces vendues pour qu'un produit technologique représente un marché de masse. On va y venir, mais ce n'est pas encore le cas.»

Par contre, le bide a bien été au rendez-vous pour les opérateurs mobiles. Ils espéraient toucher le jackpot en transposant leur recette miracle héritée du téléphone : subventionner l'appareil (le prix de l'iPad à 600 euros descendait jusqu'à 279 euros), à condition de souscrire un abonnement à l'Internet mobile qui permet de surfer n'importe où grâce à la technologie 3G. Pas très alléchant lorsqu'on veut offrir l'objet pour Noël. «C'est un cadeau empoisonné , raille un expert. Cela revient à offrir l'obligation de payer 30 euros par mois pendant deux ans.» Soit plus que le prix d'un iPad non subventionné.

Les consommateurs ne s'y sont pas trompés. «Les 30000 exemplaires d'Orange, c'est clairement pas beaucoup» , raille un concurrent, qui a toutefois constaté lui aussi l'absence d' «engouement exceptionnel» pour les tablettes. Il faut dire que l'iPad, du fait de sa grande taille, est essentiellement utilisé à la maison ou au café, où l'on peut surfer gratuitement en wifi. Ce qui limite l'intérêt d'un abonnement 3G. Les tarifs exorbitants des opérateurs n'ont rien arrangé : à l'exception de l'offre découverte de SFR (8,90 euros mensuels), les forfaits coûtent entre 25 et 39 euros par mois, en plus de la facture de téléphonie mobile. Pas facile à avaler en période de crise. D'autant plus qu'Orange, SFR et Bouygues ont eu la main beaucoup plus lourde qu'aux États-Unis, où les plus gros forfaits pour tablettes ne dépassent pas 19 euros par mois.

Samsung a été victime de cette politique, puisque sa Galaxy Tab, très compacte et dotée d'une fonction téléphone, était vendue exclusivement chez les opérateurs. «Il y a du travail à faire chez nous et chez eux» , indique très diplomatiquement Jean-Philippe Illarine. Le coréen va d'ailleurs lancer le mois prochain des modèles plus grands, qui seront cette fois-ci disponibles «nus», sans abonnement obligatoire.

Ces erreurs de jeunesse ne devraient toutefois pas entraver l’essor de ces drôles d’objets connectés. D’abord parce que les consommateurs auront enfin le choix (il n’y avait que quatre marques de tablettes à Noël). Plusieurs dizaines de nouveautés sont attendues dont, prévues au printemps, les luxueuses iPad 2 et la tablette Blackberry. Mais surtout l’arrivée en masse des casseurs de prix, dont le roi taïwainais des ordinateurs, Acer. Comme la plupart des concurrents d’Apple, ils misent sur Androïd, le logiciel libre et gratuit de Google. Et ils comptent bien accélérer la démocratisation des tablettes, déjà engagée l’an dernier par le français Archos et ses modèles à 250 euros. GFK prévoit ainsi que les ventes vont doubler en France cette année avec 960000 exemplaires vendus et 420 millions d’euros de chiffre d’affaires. Pas si mal pour un début.

Paru dans Libération du 5 janvier 2011

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