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Libération

Télé : la taxe qui excède Bruxelles

France Télévisions . Le système de compensation de la pub élaboré par l’Etat pourrait être retoqué.
par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 29 janvier 2010 à 0h00

Grande promo sur la boîte à gifles. Vlan ! Hier, Bruxelles en a retourné une à la France en entamant une procédure officielle contre la taxe de 0,9 % sur les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) qui compense la majeure partie de la suppression de la pub après 20 heures sur France Télévisions. Et ce - revlan ! -, alors que le Conseil d'Etat devrait lui aussi y aller de sa claque au gouvernement au motif que la publicité a été supprimée avant même que la loi soit votée (Libération de mercredi). Deux gifles en deux jours sur l'une des réformes les plus symboliques de Sarkozy, ça fait beaucoup.

Juré-craché. Concernant la taxe des FAI, la commissaire européenne Viviane Reding n'y va pas de main morte. «Non seulement cette nouvelle taxation des opérateurs ne semble pas compatible avec les règles européennes, mais elle vient frapper un secteur qui est aujourd'hui un des principaux moteurs de la croissance économique.» C'est la première étape d'une procédure longue (jusqu'à deux ans) qui peut se terminer devant la Cour européenne de justice. A l'origine, une plainte de la Fédération française des télécoms (FFT). «Les Etats membres ne peuvent taxer les FAI pour une activité qui est autre que la leur», explique à Libération Yves le Mouël, directeur général de la FFT. En clair : on ne pique pas au téléphone pour financer la télé. Le gouvernement avait pensé contourner cet écueil en ne reversant pas directement la taxe à France Télévisions, mais au budget de l'Etat qui ensuite réinjecte une dotation à la télé publique. Peine perdue. «On leur a dit depuis le début que leur taxe ne tenait pas la route juridiquement» rappelle Yves le Mouël. A Bruxelles, on avait une solution pour financer France Télévisions : «La France aurait dû augmenter la redevance.» Oui, mais Nicolas Sarkozy avait juré-craché de ne pas le faire… Et il fallait bien compenser la perte de la pub décrétée par un certain Sarkozy Nicolas.

Consternés. Au ministère de la Culture, on minimise le revers : «On est sereins et on va plaider la recevabilité de notre taxe auprès de Bruxelles.» Et d'expliquer que la dotation de France Télévisions est garantie par la loi. Mouais, si la procédure allait au bout, c'est un trou de 350 millions d'euros par an dans le budget de la télé publique que l'Etat devrait combler. Une nouvelle preuve de la fragilité de l'édifice sans pub construit à la hâte pour satisfaire le caprice présidentiel.

A France Télévisions, les syndicats sont consternés, mais pas surpris. «On dit depuis 2008 que ça peut arriver», soupire Dominique Pradalié, du SNJ. La présidence de la télé publique rebalance la patate chaude à l'envoyeur : «C'est d'abord le problème de l'Etat.» C'est que syndicats et direction sont occupés à s'empoigner sur une autre conséquence de l'arrêt de la pub : la transformation de France Télévisions en une entreprise unique. Hier une grève à ce sujet, à l'appel notamment du SNJ, de la CFDT et de Sud, a perturbé les antennes. «Face au refus de la direction d'informer pleinement», ces syndicats ont quitté les négociations.

Hotline. C'est que la réforme entraîne à la fois la renégociation de la convention collective ainsi qu'une réorganisation interne monstre. Chacun des salariés de France 2, France 3, etc, doit être réaffecté dans France Télévisions. Mercredi soir, un référendum organisé par des syndicats montrait qu'une écrasante majorité des salariés ne s'estime pas assez informée. Ce dont convient la direction, tout en affirmant que «pour 85 % des permanents, la nouvelle affectation ne change pas le travail.» Tout de même, un dispositif - «prévention des risques psychosociaux» -, coordonné par Marie-Laure Augry, a été mis en place. Une hotline est ainsi ouverte qui voit des psychologues répondre aux angoisses des salariés. Pour un syndicaliste, c'est évident : «Ils ont eu peur du syndrome France Télécom.»

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