Télé sans pub, l’Espagne itou

Audiovisuel. Zapatero imite l’exemple français pour le secteur public.
par François Musseau
publié le 23 avril 2009 à 6h52
(mis à jour le 23 avril 2009 à 6h52)

Nicolas Sarkozy n'en serait pas peu fier. C'est en suivant son exemple que le gouvernement Zapatero va bannir la publicité de la télévision publique espagnole, la RTVE. La numéro 2 de l'exécutif socialiste, Teresa de la Vega, a confirmé en début de semaine des «coupes drastiques dans les recettes publicitaires». La réforme de l'audiovisuel, bientôt approuvée, va dans ce sens : les plages de publicité en prime-time, déjà en baisse (de 10 à 9 minutes par heure cette année), devraient totalement disparaître en 2010. Ce qui revient, pour la RTVE, à renoncer à une manne d'environ 500 millions d'euros, soit la moitié du budget de l'entité publique, le reste venant de l'Etat. Face à l'inquiétude des syndicats, le gouvernement s'empresse de rassurer : aucun des 6 000 salariés ne sera mis à la porte. La structure actuelle (TV1, TV2, les sites et les chaînes thématiques) sera maintenue, ainsi que le volume de production.

Gâteau. Les chaînes privées, qui réclamaient cette mesure depuis 2003, piaffent d'impatience. Car, dès lors que les annonceurs déserteront la télé publique, leur part du gâteau publicitaire en sera augmentée. Et en pleine crise - plus brutale ici que dans le reste de l'Union européenne -, il y a urgence tant le marché est sinistré. Au premier trimestre 2009, les recettes publicitaires pour les chaînes de télévision ont chuté de 28 % par rapport à 2008. Les nouvelles venues, la Cuatro (du groupe Prisa, qui contrôle notamment El País) et la Sexta (du catalan Mediapro) sont dans le rouge. D'ici à juin devraient les rejoindre les deux grandes chaînes privées : Telecinco, de Paolo Vasile, qui a perdu 100 millions d'euros en un an, et Antena 3 (dominée par le groupe d'édition Planeta), elle aussi en pleine chute. D'où la hâte de l'Uteca, l'association qui les fédère : «La réduction de la publicité sur RTVE doit avoir des effets immédiats. Sinon, il faut s'attendre à de vastes plans sociaux.»

Le panorama est d'autant plus critique que l'audience ne cesse de se fragmenter, phénomène qu'accentuera l'imminente arrivée de la TDT, la télévision numérique terrestre. «Il fallait prendre une décision stratégique ; étant donné le marché de la télévision et de la publicité», précise-t-on au gouvernement. Autrement dit, la brutale crise oblige à «oxygéner» les chaînes privées.

Redevance. Ce que José Luis Zapatero ne dit pas, c'est comment il compte combler le trou financier de la télé publique. En 2006, il avait dû remettre à flot ce mastodonte, un cauchemar pour tous les gouvernements depuis la fin du franquisme, en liquidant d'un coup de chéquier une dette de 8 milliards d'euros et en mettant en préretraite les 4 100 salariés de plus de 52 ans.

Mais aujourd’hui, qui va payer les 500 millions d’euros de manque à gagner publicitaire ? Les socialistes ont promis, cette fois-ci, de ne pas grever le budget de l’Etat et de ne pas léser le contribuable via le retour de la redevance télé, très impopulaire - en bonne partie parce que Franco l’avait imposée en son temps. Selon les rumeurs, le déficit pourrait être financé par un impôt sur les opérateurs ou une taxe (de 1,5 à 3 %) sur les revenus publicitaires des chaînes privées. Morts de peur, les intéressés exigent d’être rassurés au plus vite.

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