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Libération

Telle est sa réalité

Buzz. Sous le feu des médias depuis 2002, la vedette du «Big Brother» britannique Jade Goody a décidé de mettre en scène son cancer incurable.
par Sabine Limat, LONDRES, correspondance
publié le 26 février 2009 à 6h52
(mis à jour le 26 février 2009 à 6h52)

La Grande-Bretagne s'est trouvée une nouvelle «princesse des cœurs», en la personne de Jade Goody (27 ans), vedette de télé-réalité atteinte d'un cancer incurable. La jeune mère, dont la popularité (et l'impopularité) était jusque-là confinée à son seul pays, attire l'intérêt international depuis qu'elle a vendu les droits médiatiques de son mariage pour près d'un million de livres (plus d'un million d'euros), immédiatement placé aux noms de ses deux petits garçons. Et si le terme de «légende» employé lundi par le tabloïd The Sun pour la décrire semble exagéré, reste que son parcours fait d'elle un phénomène unique. Car à une époque où n'importe quel inconnu peut devenir instantanément célèbre par la grâce d'un passage à la télévision, peu de ces «vedettes» parviennent à maintenir l'intérêt du public aussi longtemps que Jade Goody, dont la vie privée n'a jamais cessé en sept ans d'être publique, de sa première apparition télévisée en 2002, dans l'émission Big Brother (l'équivalent britannique de Loft Story), à son mariage dimanche dernier, organisé à la hâte quand elle a appris que son cancer ne lui laissait plus que huit semaines à vivre.

Intérêt médiatique. De fait, si la jeune femme a souvent été décrite comme «ordinaire», «commune» et sans talent discernable, son parcours apparaît extraordinaire, tant par le niveau d'intérêt médiatique qu'il provoque que par le nombre de tragédies qu'elle a traversées, sa chronique d'une mort annoncée ne constituant que le dernier épisode d'une vie marquée par les drames.

Née en 1981 à Bermondsey, un quartier défavorisé du sud-est de Londres, Jade Cerisa Lorraine Goody est abandonnée quand elle n'a que 2 ans par son père, un maquereau héroïnomane d'origine antillaise, la laissant ainsi à la seule charge de sa mère Jackiey, une lesbienne qui vit d'escroqueries. A l'âge de 5 ans, Jade se retrouve forcée de s'occuper de cette dernière, paralysée après un accident de moto : quand elle n'est pas placée en foyer d'accueil, la petite fille est en charge du ménage et de la cuisine, et battue par sa mère sous l'emprise du crack. Ayant abandonné l'école sans diplôme, Jade, dont le père a entre-temps été retrouvé mort d'une overdose dans les toilettes d'un Kentucky Fried Chicken, travaille comme assistante dans un cabinet dentaire avant d'être sélectionnée pour Big Brother. A l'époque, elle vient d'être renvoyée de son HLM et est menacée de poursuites par son conseil municipal pour non-paiement d'impôts.

Dès sa première apparition télévisée, son physique - elle est surnommée «le cochon» par les tabloïds - et son inculture en font l'objet d'incessantes moqueries. «Ils parlent portuganais au Portugal ? Je pensais que le Portugal était en Espagne» et «C'est qui Saddam Hussein : un boxeur ?» peut-on ainsi la voir déclarer devant les caméras. Mais si elle ne termine que quatrième, sa candeur et sa crédulité, mêlées à sa grande gueule et à un sens bien développé de la débrouille, en font néanmoins la chouchoute du public.

A Big Brother succèdent plusieurs docu-réalités consacrées à sa vie, cinq DVD de fitness, un parfum (Shh) qui devient le troisième plus vendu en Grande-Bretagne et une autobiographie qui s'arrache à 115 000 exemplaires. Ce qui fait de Jade Goody une multimillionnaire, tandis que le public suit quasiment en direct la naissance de ses deux fils, Bobby (5 ans aujourd'hui) et Freddie (4 ans), sa rupture avec leur père, ses deux précédentes batailles avec le cancer (ovaires en 2004, intestins en 2006) et sa relation houleuse avec Jack Tweed (21 ans), son nouveau mari, condamné à dix-huit mois de prison pour avoir attaqué un adolescent avec un club de golf. Si ses propos xénophobes envers l'actrice de Bollywood Shilpa Shetty lui valent d'être renvoyée de la version célébrités de Big Brother et d'être vilipendée par la presse et le public en 2007, cela ne parvient pas à lui coûter sa carrière. C'est d'ailleurs devant les caméras de la version indienne de Big Brother, en août dernier, qu'elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du col de l'utérus…

«Limite». Mais si une dernière interview n'est pas à exclure, le mariage de conte de fées de Jade Goody, couvert par la chaîne câblée Living TV et OK! Magazine, devrait cependant constituer l'ultime chapitre de cette vie très médiatisée. Car comme son agent, Max Clifford, l'a déclaré au Times : «Il y a quand même une limite au degré de réalité que la télé-réalité peut supporter», une remarque qui met fin aux rumeurs selon lesquelles les derniers jours de Jade feraient l'objet d'un film. Pour la première fois en sept ans, ce devrait donc être sans caméra ni photographe que cette star d'un genre unique vivra ses dernières semaines.

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