«The Newsroom», une rédaction hors sujet

Aaron Sorkin, le créateur de «A la Maison Blanche», rate son coup avec sa série sur le journalisme.
par Fabrice Rousselot
publié le 3 juillet 2012 à 11h53

«Si vous voulez de la vraie info, regardez The Newsroom sur HBO.» Pendant des mois, la chaîne payante américaine a martelé ce message publicitaire pour promouvoir sa nouvelle série consacrée aux coulisses des journaux télévisés. Une semaine après le premier épisode, HBO va surtout scruter de près les chiffres de son audience pour le deuxième opus, diffusé hier aux Etats-Unis.

Pour son lancement, The Newsroom n'a recueilli que 2 millions de téléspectateurs, soit deux fois moins que la série Game of Thrones , également diffusée sur HBO. Surtout, le programme a accumulé les mauvaises critiques, générant même une controverse au vitriol entre son créateur, Aaron Sorkin, et le monde des médias et du Net. «Ce show est-il un bide ?» s'est interrogé le magazine Newsweek quarante-huit heures après sa diffusion.

L'idée, pourtant, semblait séduisante. Depuis le succès d'Aaron Sorkin avec A la Maison Blanche ( The West Wing ), puis son oscar pour le scénario de The Social Network , film sur la création de Facebook, HBO n'avait jamais caché son envie de travailler avec l'une des plumes les plus célèbres de Hollywood. L'affaire s'est donc conclue après plusieurs mois de négociations, alors que Sorkin a annoncé un jour qu' «il voulait faire un feuilleton sur la salle de rédaction d'une chaîne d'information en continu» . A la recherche de nouvelles idées, HBO a accepté de suite.

Le problème de The Newsroom , c'est que Sorkin admet lui-même qu'il ne connaît rien à l'univers du journalisme télévisé. Et cela se voit. Le premier épisode sonne faux du début jusqu'à la fin, avec des monologues interminables qui n'ont place dans aucune salle de rédaction de la planète. Le New York Times a donné dans l'euphémisme poli en parlant de «dialogues verbeux qui peuvent nuire à la fluidité des scènes» . «Si vous demandez à un scénariste prolifique et talentueux de créer un feuilleton, vous pouvez avoir quelque chose d'extraordinaire. Ou alors, vous récoltez The Newsroom» , a tranché le Los Angeles Times , beaucoup moins clément.

La série s'ouvre sur une interview radiotélévisée du présentateur vedette de la chaîne câblée fictive Atlantis Cable News. Interprété par un Jeff Daniels qu'on a connu plus inspiré, Will McAvoy pète soudain un plomb et se découvre une conscience. A la question d'une étudiante en journalisme qui lui demande d'expliquer «pourquoi l'Amérique est le meilleur pays au monde» , il se lâche et affirme que ce n'est pas le cas. Que les Etats-Unis n'ont plus rien d'une grande puissance et que c'était mieux avant. A partir de là, le présentateur va soudain se décider à réhabiliter son métier, pour promouvoir «un journalisme intègre et sans reproche» .

Mais là encore, le message est un peu trop lourd pour être efficace. Quand McAvoy se fait applaudir par ses producteurs parce qu’il a su poser les bonnes questions à un responsable de Halliburton lors de l’explosion de la plateforme pétrolière de BP dans le golfe du Mexique -- Sorkin a voulu intégrer la véritable actualité dans la série --, on se demande pourquoi montrer un tel enthousiasme pour un type qui vient juste de faire son boulot.

Comme si tout cela ne suffisait pas, Sorkin semble avoir quelque peu manqué l'âge du Web et de Twitter. Dans la série, McAvoy découvre avec dédain qu'il a un blog, écrit par une petite main de la chaîne. La scène n'a pas plu à de nombreux sites d'info, qui ont attaqué Sorkin de front. Lui s'en est pris aussitôt à une journaliste du Globe and Mail de Toronto dont il n'avait pas apprécié l'article en la traitant pompeusement de «fille d'Internet» … Ce qui n'a pas calmé les choses.

Pour certains, néanmoins, le feuilleton a au moins le mérite de dénoncer le journalisme de plus en plus insipide que proposent les chaînes d'info comme CNN. Ainsi, Dan Rather, l'ex-présentateur de CBS, a eu ces mots de semi-réconfort : «La plupart du temps, Sorkin et sa bande ont su saisir l'ambiance d'une salle de rédaction, même si, quelquefois, ils en font un peu trop…»

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