Transhumanistes sans gêne

par Frédérique Roussel et Marie Lechner
publié le 21 juin 2011 à 18h55
(mis à jour le 22 juin 2011 à 16h59)

L’homme percera-t-il un jour le secret de son cerveau ? Dans vingt ans, cinquante ans, un siècle ? Les spéculations les plus aléatoires circulent. Cette quête apparaît comme la prochaine frontière de l’homme, celle qui lui permettra de se dépasser, prétend le mouvement transhumaniste. Les efforts de la recherche tendraient à les conforter. Simuler le cerveau humain sur un ordinateur. Visualiser le réseau de milliards de neurones connectés les uns aux autres, suivre le trajet d’une impulsion à l’intérieur de la Toile, détecter les racines de la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson.

C'est l'incroyable défi du Human Brain Project , initié par le neurobiologiste Henry Markram, associant treize centres de recherche en Europe et réclamant un milliard d'euros sur dix ans. Ce projet d'envergure prend pour assise les travaux de Blue Brain basé à l'Ecole polytechnique de Lausanne, en collaboration avec IBM, et se vante d'avoir réussi à copier une colonne néocorticale d'un cerveau de rat en neuf ans. Parvenir à reconstituer la complexité d'un cerveau humain, ses quelque 100 milliards de cellules avec leurs connexions, paraît plus chimérique. L'aventure, qui prend des allures d'une course avec le projet Human Cognome aux États-Unis, est comparée à la conquête de la Lune. Orateur volontiers iconoclaste, Henry Markram prédit : «D'ici dix ans, nous pourrons savoir si la conscience peut être simulée dans un ordinateur.» Ces recherches nourrissent les spéculations les plus outrancières du transhumanisme, courant de pensée né dans la Silicon Valley à la fin des années 80. Certains y détectent les prémices de l' uploading , scénario selon lequel le contenu d'un cerveau humain pourra être transféré sur un autre support, téléchargé sur un ordinateur, dématérialisé dans le cyberespace ou réimplanté sur un corps robotique inaltérable. Et de toucher du doigt le plus vieux rêve de l'humanité : l'immortalité.

«Matrix» et «Avatar»

Une vieille lune qu'on pensait cantonnée à la littérature de science-fiction. L'uploading est le thème du livre la Cité des permutants , de l'Australien Greg Egan, qui imagine qu'il sera un jour possible de simuler son cerveau sur un ordinateur pour le faire vivre dans un monde virtuel pour l'éternité. On le retrouve dans les anticipations cyberpunk de William Gibson ou de Bruce Sterling, ou dans Accelerando du Britannique Charles Stross, classique de la littérature transhumaniste, non traduit en français. Au cinéma, la trilogie Matrix ou Avatar procède du même imaginaire. Mais l'uploading figure également sur l'agenda de chercheurs de renom, comme Marvin Minsky pape de l'intelligence artificielle au MIT (Institut de technologie du Massachussetts), ou Hans Moravec, l'un des concepteurs de la robotique intelligente à l'université Carnegie Mellon, qui voit la chose se réaliser dans un futur proche. L'informaticien Ray Kurzweil fixe lui l'échéance à 2040. Là, une machine serait en théorie capable d'émuler le cerveau humain.

Le transhumanisme, frange extrême de la cyberculture californienne, professe que l’humanité se trouverait au seuil de la plus grande transformation de son histoire. Grâce à l’union des biotechnologies et des nanotechnologies, des sciences de l’information (robotique et informatique) et des sciences cognitives, l’homme pourra enfin s’affranchir des limites assignées au corps, ce tombeau de l’âme décrit par Platon. Ses capacités physiques et mentales vont être sublimées. Et le dispenseront bientôt de naître, de souffrir, de vieillir, et même de mourir.

Ce courant de pensée radical se développe dans la Silicon Valley, en pleine révolution numérique retrace R émi Sussan dans Les utopies post humaines . Le mot serait apparu pour la première fois sous la plume du biologiste évolutionniste, Julian Huxley, frère d'Aldous (auteur du Meilleur des mondes ). Mais c'est en 1989, avec son livre Are You a Transhuman que le futuriste F.M. Esfandiary -- cryogénisé après sa mort dans un bain d'azote en attendant une hypothétique résurrection -- pose le concept de transhumanisme. Le mouvement se structure au début des années 90, lors de la fondation de la première organisation, l'Extropy Institute du philosophe anglais Max More, puis du Foresight Institute d'Eric Drexler, chantre des nanotechnologies et surtout, en 1998, de la prosélytique World Transhumanist Association (WTA) qui compte près de 6 000 membres, parmi lesquels des académiciens réputés, essentiellement issus de l'informatique, de la robotique, ou des nanotechnologies, une poignée de biologistes, des philosophes, des sociologues, des médecins… Mouvement très hétérogène, selon Jean-Michel Besnier, professeur de philosophie à la Sorbonne et auteur de Demain les posthumains : «C'est une nébuleuse avec des modérés qui pensent que l'humain n'est pas au bout de son évolution et peut s'améliorer et des extrémistes qui veulent en finir avec l'homme, passer au posthumain.»

Défiance de la chair

L'humain est «inadapté» au monde contemporain, estime Nick Borstrom, philosophe suédois de la mouvance, et l'amélioration de la condition humaine nécessite d'abord une modification du corps par les technologies. On retrouve chez les transhumanistes cette défiance de la chair qui irrigue toute la cyberculture, analyse Jean-Claude Guillebaud, dans la Vie Vivante , plaidoyer contre «les nouveaux pudibonds» . Un corps biologique, faible et imparfait, incarnation de la finitude, volontiers qualifiée de «meat» , viande anachronique. «Le transhumanisme dessine un avenir où le corps n'aura plus sa part» , écrit Besnier. «Le fantasme de l'homme remodelé, puis intégralement autofabriqué, fait plus que jamais partie de l'imaginaire d'aujourd'hui. Il est dans la stricte continuité des illusions générées par la modernité.»

Devenir un homme d'acier préconisait déjà le futuriste Marinetti dans les années 20. Fusionner avec la machine, qui est, d'après Kevin Warwick, l'avenir de l'homme. Le scientifique britannique, qui s'est implanté une puce dans le bras pour lier son système nerveux à un ordinateur, se proclame «premier cyborg» . «La technologie risque de se retourner contre nous. Sauf si nous fusionnons avec elle. Ceux qui décideront de rester humains et refuseront de s'améliorer auront un sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce et formeront les chimpanzés du futur» , déclarait-il en 2002.

D'autres vont encore plus loin, annonçant l'avènement imminent d'une nouvelle espèce. C'est le cas de la frange la plus radicale du transhumanisme, les Extropiens qui récusent l'entropie, cet inéluctable processus qui conduit l'univers à sa désagrégation. Mais également des partisans de la Singularité, telle qu'énoncée par Ray Kurzweil. L'informaticien et futurologue médiatique anticipe l'avènement imminent d'une superintelligence qui rendra celle des hommes obsolètes. D'après lui, nous sommes à la veille d'un saut technologique reposant sur la croissance exponentielle de la puissance de calcul des ordinateurs. «La Singularité , écrit Kurzweil qui s'y prépare en gobant plus de 200 vitamines par jour, est une période future où le rythme des changements technologiques sera si rapide et son impact si profond que la vie humaine sera transformée de manière irréversible.»

Le terme Singularité, emprunté à l'astrophysique, se réfère à un point dans l'espace-temps où les règles de la physique ordinaire ne s'appliquent plus, un trou noir inobservable. Le concept fut d'abord proposé par Vernor Vinge, mathématicien et écrivain de SF. Dans un symposium à la Nasa en 1993, il annonce que «dans trente ans, nous aurons les moyens technologiques de créer une intelligence surhumaine. Peu après, l'ère humaine cessera».

IRM du cerveau - Image Jose Gabriel Marcelino, CC BY

Sculpter le corps et l’esprit

Kurzweil, inventeur visionnaire aux 39 brevets et 19 doctorats honorifiques, a créé en 1976 la première machine capable de lire des livres aux aveugles, puis l'un des premiers synthétiseurs et des logiciels éducatifs. Sa théorie de la Singularité lui a valu moqueries et critiques de scientifiques prestigieux qui l'ont qualifié de parascience. Ce qui ne l'empêche pas de trouver un écho grandissant dans le grand public. En février, il faisait la une du Time Magazine sous le titre racoleur : «2045, l'année où l'homme devient immortel.» L'article, consacré à l'auteur du best-seller The Singularity is near , également héros de deux documentaires sortis début 2011, avance que la Singularité «n'est pas une idée marginale mais une hypothèse sérieuse qui mérite qu'on l'évalue sobrement et avec précaution» . Sorti en France sous le titre Humanité 2.0 : la bible du changement , le technoprophète Ray Kurzweil y livre une profession de foi dont le lyrisme rappelle celui du manifeste du futurisme de 1909. «Nous voulons devenir l'origine du futur, changer la vie au sens propre et non plus au sens figuré, créer des espèces nouvelles, adopter des clones humains, sélectionner nos gamètes, sculpter nos corps et nos esprits, apprivoiser nos gènes, dévorer des festins transgéniques, faire don de nos cellules souches, voir les infrarouges, écouter les ultrasons, sentir les phéromones, cultiver nos gènes, remplacer nos neurones, faire l'amour dans l'espace, débattre avec des robots, pratiquer des clonages divers à l'infini, ajouter de nouveaux sens, vivre vingt ans ou deux siècles, habiter la Lune, tutoyer les galaxies.» Une utopie positiv(ist)e, qui incite l'homme à embrasser joyeusement et sans crainte les mutations à venir. Comme c'est inéluctable, autant s'y préparer, disent les transhumanistes.

Jean-Michel Besnier parle d'une «utopie de substitution pour une humanité fatiguée d'elle-même» , et évoque la «honte prométhéenne» de l'homme contemporain qui a le sentiment d'être dépassé par ses innovations techniques, décrite par Günther Anders dans le prémonitoire l'Obsolescence de l'homme en 1956. Le désarroi que procure cette sensation de foncer vers l'inconnu expliquerait que les promesses transhumanismes, y compris les plus fantaisistes, trouvent des oreilles de plus en plus réceptives. La recherche ne fait-elle pas elle-même régulièrement des annonces spectaculaires et de plus en plus surprenantes ? Dans la course aux fonds, certains chercheurs prestigieux n'hésitent pas à se transformer en camelots, usant du même registre technoprophétique… Henri Markram et sa conscience simulée sur ordinateur en font partie.

Les transhumanistes réfutent vigoureusement ceux qui les taxent d’affabulateurs, et se considèrent comme des rationnalistes purs et durs : leurs prédictions s’appuient sur des avancées techniques qu’ils se contentent d’extrapoler. Le recours de l’homme à des prothèses ne date pas d’hier. Plus de 30000 malades atteints de Parkinson portent des implants cérébraux. Les premiers essais pour ralentir Alzheimer avec des implants viennent de débuter. Les progrès de la médecine régénérative, qui répare ou remplace des tissus et organes défectueux ou encore la télomérase, enzyme découverte par trois chercheurs américains nobelisés en 2010 qui a la capacité d’inhiber le raccourcissement des télomères impliqués dans la sénescence des cellules, sont autant d’avancées qui donnent à penser que l’on pourrait un jour cesser de vieillir. Et pourquoi pas de mourir.

Présentation de la Singularity University

C'est bien ce genre de raccourcis qui irrite les détracteurs du transhumanisme. La sociologue canadienne, Michèle Robitaille s'emploie à démontrer dans la revue Futuribles comment ils instrumentalisent la science à des fins idéologiques. «Leur projet brouille les frontières entre science et science-fiction parce qu'il fait constamment appel à notre imagination tout en se référant à la science.» Ce mélange des genres rend le mouvement peu crédible, estime François Taddéi, directeur de l'Institut de recherche interdisciplinaire de Cochin-Necker, chercheur en biologie des systèmes à l'Inserm. «Bien sûr que les ordinateurs, les robots, peuvent nous aider à améliorer certaines fonctions mais avoir une technologie capable d'intégrer l'ensemble des fonctions humaines, on en est loin. Ce n'est pas parce qu'on comprend une composante d'un système qu'on est capable de comprendre un système complexe. On connaît tous les gènes, mais on ignore comment ils interagissent. Pareil pour le cerveau.»

Le chercheur pilote l'une des rares équipes françaises en biologie de synthèse, secteur de pointe qui consiste en la reconstruction délibérée d'organismes vivants. «Pour l'instant , tempère Taddéi, on ne sait pas prédire le comportement d'une bactérie, il ne suffit pas d'augmenter la puissance de calcul pour simuler un être humain. Les cellules ne sont pas des ordinateurs. C'est une vision simpliste du monde.» Même modestie dans le domaine de l'intelligence artificielle. On est loin des utopies qu'avait suscitées l'IA lorsque les pionniers de l'informatique, Turing en tête, pensaient pouvoir doter une machine d'une intelligence similaire à l'homme.

Tout ceci n’est qu’une affaire de temps, estiment les transhumanistes qui ont foi dans le progrès perpétuel et exponentiel de la science et de la technologie, érigeant la loi de Moore, selon laquelle la puissance informatique double tous les dix-huit mois sans tenir compte de l’apparition éventuelle de facteurs limitants comme la crise énergétique ou quelque catastrophe écologique.

Leurs thèses sont prises au sérieux outre-Atlantique. Notamment la fameuse «convergence NBIC», au cœur de la rhétorique transhumaniste. Ce mariage entre bit, gène, neurone et atome est la théorie qui a fait grand bruit en 2002. Commandité par la National Science Foundation, l'objectif du rapport réalisé sous la tutelle de William S. Bainbridge, sociologue diplômé de Harvard et militant de la cause transhumaniste, et qui a mobilisé une cinquantaine de chercheurs, était explicite : «Improving Human performance». En plus de participer à la constitution d'un imaginaire, le projet transhumaniste a réussi à noyauter des institutions de premier plan aux Etats-Unis. Il inspire des programmes de recherche très concrets ou la création d'universités spécialisées comme la Singularity University. Créé en 2009 avec l'appui de Google et de la Nasa, ce think tank interdisciplinaire qui réunit le gratin international de jeunes chercheurs, se présente comme le MIT du futur.

Représentation artistique des synapses - Image Patrick Hoesly, CC BY

Soigner ou créer un super-soldat

Aux États-Unis, les transhumanistes n'ont pas de mal à convaincre de riches donateurs, convaincus qu'il y a là un marché colossal. «Les États-Unis sont pilotés par des recherches de rupture, faire un super-soldat, rendre quelqu'un immortel. Ils sont dans ce mythe perpétuel de nouvelle frontière, d'abord de l'Ouest, puis de l'espace, puis d'Internet, puis de la transformation de l'homme. Ils pensent que la technologie peut résoudre tous les problèmes et sont moins sensibles à leurs effets négatifs» , constate François Taddéi. En France, selon lui, «on est plus prudent concernant le vivant. On cherche plutôt à soigner les pathologies qu'à améliorer l'homme» . Ce qui ne l'empêche pas de penser que la convergence est une réalité, et qu'il est nécessaire de favoriser l'interdisciplinarité dans un système de recherche français très cloisonné, anachronique.

«L'État français n'a pas compris l'impact d'Internet, ni de la génomique et il reste aveugle concernant les NBIC, une synergie qui va entraîner une révolution du vivant, porteuse de croissance» , harangue le généticien Laurent Alexandre, lors d'un débat houleux à la Gaîté lyrique le 16 mai, promouvant son thriller d'anticipation Google Démocratie , co-écrit avec David Angevin, qui vulgarise cette convergence balbutiante. D'après le généticien, toutes les NBIC ne sont pas au même niveau. Pour les nanotechnologies et surtout les neurosciences, on en est au tout début. «Ce sont surtout les sciences de l'information qui ont explosé, les biotechnologies commencent à décoller, avec la démocratisation du séquençage» , analyse-t-il. «Le premier séquençage, celui de Craig Venter [biologiste et homme d'affaires qui a annoncé avec fracas avoir créé la première cellule à génome synthétique en mai 2010, ndlr], a pris treize ans et coûté des milliards. Dans dix ans, ça coûtera le prix d'une paire de baskets» , assène-t-il devant un public médusé, en brandissant une clé USB de 700 Megaoctets contenant son génome.

«Plus le nombre de gens séquencés augmentera et plus on pourra faire de corrélations, détecter des maladies» , continue le Dr Alexandre, auteur de la Mort de la mort , et également entrepreneur (créateur du site Doctissimo) à la tête de la plus grande boîte de séquençage d'ADN d'Europe. «Bien sûr, dit-il devant les réactions outrées, on sera libre d'être séquencé ou non.»

La France, berceau des Lumières, s'est longtemps montrée hermétique au transhumanisme, qui prolifère depuis des années dans le milieu fertile de la culture geek anglo-saxonne, via les listes de diffusion et forums sur Internet. Mais ses idées finissent par essaimer dans nos contrées, quoique très édulcorées. Fin 2007, une première liste de diffusion transhumaniste est lancée par Stéphane Gounari, 27 ans, spécialiste de la gestion du risque et Alberto Masala, 31 ans, philosophe italien de la Sorbonne, avant de se constituer en association, sous l'impulsion de l'enseignant Marc Roux, son président. Baptisée Technoprog, elle ne compte qu'une vingtaine de membres (informaticiens, sociologues, philosophes, et quelques biologistes), façade institutionnelle qui permet de prendre part aux débats sur la révision de la loi de bioéthique, et à celui sur les nanotechnologies… «Notre objectif , avance Marc Roux, est de diffuser la réflexion sur le transhumanisme et de promouvoir des chercheurs travaillant dans le domaine des NBIC.»

Leur pouvoir d'influence s'arrête là. Du pain sur la planche en perspective dans un pays d'arracheurs de maïs transgéniques et de saccageurs de bornes biométriques. La méfiance envers les biotechnologies s'exprime aussi au niveau européen, où seuls 53 % considèrent qu'elles auront un impact positif sur les modes de vie au cours des vingt prochaines années, selon un récent sondage de la Commission européenne. «En présentant les NBIC comme remède à tous les maux, ces chercheurs participent d'un déterminisme technologique , écrit la sociologue Michèle Robitaille. Vous avez un sentiment de mal-être ? Les prothèses neuromorphiques, les antidépresseurs ou les nanorobots inhibiteurs de stimuli sensoriels peuvent y remédier.» Comme si seules les technosciences étaient en mesure d'améliorer la condition humaine, annihilant la confiance en tout projet politique.

Barbares restés à l’état naturel

L'idéologie transhumaniste -- surtout sa frange la plus radicale, l'extropisme -- puise ses racines dans l'anarcho-capitalisme et la droite la plus libérale, rappelle le journaliste Rémi Sussan , une approche individualiste qui ne se préoccupe guère du reste de la société. Plus encore que la transformation de l'homme, ce sont les dominations et logiques inégalitaires qu'elle porte qui dérangent. La perspective d'une humanité à deux vitesses avec d'un côté les post-humains améliorés, sort réservé à une élite fortunée et, de l'autre, les milliards de «barbares», demeurés à l'état naturel. C'est également la toile de fond du roman Google Démocratie , qui oppose transhumanistes et bioconservateurs.

L'association française tient précisément à se démarquer du transhumanisme californien des origines, et s'inscrit dans la tendance techno-progressiste, plus policée, initiée sous la présidence de James Hughes qui a rebaptisé l'association transhumaniste mondiale « H+ ». L'ancien moine bouddhiste et expert de technologie d'amélioration cognitive promet une sorte d' «hyperhumanisme» , soucieux de la collectivité, d'éthique, préoccupé d'écologie et susceptible d'être accepté par un public plus large. Un transhumanisme «démocratique de gauche» , qu'Hughes développe dans son livre Citizen Cyborg , qui veut permettre l'accès à tous à ce «corps choisi», via l'instauration d'un revenu universel.

«Un autre transhumanisme est possible» , tente Marc Roux. L'ancien militant d'extrême gauche, syndicaliste, en catogan, animait jeudi la deuxième conférence dédiée au mouvement à la Sorbonne, donnant la parole à deux de ses éminents représentants, l'artiste Natasha Vita-More et le gourou de la jeunesse éternelle Aubrey de Grey (par visioconférence), chacun réfutant le terme d'immortalité au profit d'un plus modeste «allongement radical de la durée de vie en bonne santé». Et concluant leur intervention par des appels aux dons pour leurs fondations privées afin de faire de ce séduisant programme une réalité....

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