Le paquet télécom pourrait enterrer Hadopi, selon Trautmann

par Erwan Cario
publié le 22 avril 2009 à 17h12
(mis à jour le 23 avril 2009 à 11h26)

Comme nous l'avions indiqué , le paquet télécom a été voté hier soir au sein de la commission ITRE, et l'amendement 138 dans sa version originale avec (on ne va pas vous résumer encore une fois toute l'affaire, ses tenants et ses aboutissants, nous l'avons fait hier ). Catherine Trautmann, rapporteur du projet, a donc jusqu'au 29 avril pour aboutir à un accord avec le Conseil de l'Union européenne sur le texte. Elle a accepté de répondre à nos questions à propos d'un débat qui dépasse aujourd'hui le cadre du débat français autour de la loi Hadopi.

Quel est votre programme pour les jours qui viennent ?

_ Dès ce soir, je vais prendre acte avec le Conseil du vote qui a eu lieu hier soir. La commission a été très claire et c'est une position de force. Il faut donc à partir d'aujourd'hui tout faire pour cheminer vers un aboutissement. Il serait aberrant que le paquet télécom soit bloqué au stade où nous en sommes. Tout au long de ces derniers mois, le Parlement a montré sa volonté de parvenir à un accord basé sur le consensus, notamment à propos de l'amendement 138. Je crois que le Conseil n'a jamais vraiment saisi la portée de ce texte et a voulu simplement s'en débarrasser. Aujourd'hui, nous mettons le Conseil en demeure : nous devons trouver une solution. Il y en a plusieurs à explorer pour arriver à un résultat en séance plénière, début mai. Le Conseil ne peut pas prendre le risque de tout refuser pour un seul article.

Pour arriver à un vote du paquet télécom en séance plénière, il vous faut donc parvenir à un accord avec le Conseil. Mais quelle est votre marge de manœuvre pour y arriver ?

_ Elle est faible, évidemment. Avec les différents votes, en première lecture à 88% et en commission hier avec 40 voix pour, 4 contre et 2 abstentions, la position du Parlement est sans ambigüité. Et je ne veux pas dénaturer le sens de ce qui a été voté. Le Parlement a montré sa volonté de défendre systématiquement les droits fondamentaux. C'est un avertissement majeur du Parlement en direction des Etats membres. On leur demande maintenant de venir sur nos positions. Et, contrairement à ce que disent certains, il ne s'agit pas de trahir les artistes. On est vraiment sur une question de fond.

Une question de fond qui arrive en même temps que le débat politique en France autour de la loi Création et Internet...

_ C'est vrai, c'est presque ubuesque. La date limite de dépôt des amendements pour la séance plénière est le 29 avril, date du début de la deuxième lecture de Création et Internet en France ! Mais le Parlement Européen n'a jamais demandé à être impliqué dans le projet Français. Il faut se souvenir qu'au départ, la question des contenus n'avait rien à voir avec le paquet télécom, mais certains ont voulu en profiter pour valider la riposte graduée et Hadopi. Ce sont eux qui ont tout déclenché. Ceci dit, je pense qu'on doit aujourd'hui se poser la question de la limite de la sécurisation des réseaux et de l'équilibre avec les libertés fondamentales. Le débat actuel a montré que si on ne veut pas opposer les internautes et les créateurs, il faut absolument tout traiter en même temps. Il ne faut pas se contenter de choisir la sanction en prenant des dispositions attentatoires aux libertés.

Donc, si le paquet télécom est voté en séance plénière début mai, la France devra renoncer à la riposte graduée...

_ D'après le fonctionnement du droit européen, oui. Et, de toute façon, c'est vraiment de l'acharnement de la part du gouvernement français de vouloir imposer par tout les moyens un texte qu'ils n'arrivent même pas à faire passer en première lecture à l'Assemblée nationale. Depuis des mois, la France fait tout pour faire retirer l'amendement. La lettre du président Sarkozy à Barroso à ce propos est quand même très révélatrice. Il faut arrêter de jouer avec le Parlement !

Aujourd'hui, le paquet télécom passera avec l'amendement 138 ou ne passera pas. Etes-vous optimiste sur l'issue des négociations à venir ?

_ Aujourd'hui, nous avons, au sein du parlement, l'accord de tous les groupes politiques. Mais rien n'est encore gagné. Le Conseil a voulu depuis le début imposer son propre rythme, en espérant sans doute que l'échéance électorale finirait par mettre la pression sur les députés pour passer coûte que coûte le paquet télécom. Finalement, la pression est bien là, mais dans l'autre sens. C'est une pression citoyenne pour défendre les libertés fondamentales. Si le Conseil refuse un accord, il devra prendre ses responsabilités. Le paquet serait alors envoyé en conciliation en septembre. Et on serait dans l'obligation de rouvrir d'autres discussions importantes que nous avons mis des mois à boucler. Le retard pris serait très préjudiciable, et aucun gouvernement n'y a intérêt. Si ça arrive, le Conseil devra prendre ses responsabilités.

On a l'impression qu'au delà de l'amendement 138 et du projet de loi français, cette affaire met en avant les problèmes de la représentation démocratique en Europe et de l'équilibre des institutions...

_ Exactement. J'ai toujours, en tant que rapporteur du paquet télécom, privilégié la voie de la négociation et du consensus. Mais le Conseil s'est très vite crispé sur le sujet. C'est une question importante, parce que c'est une question de confiance. On sait que le Parlement est l'institution européenne dans laquelle les citoyens ont le plus confiance. Ca ne veut pas dire qu'on a un bilan irréprochable, mais on ne veut pas les décevoir. Au travers du respect ou non de la volonté du Parlement, des milliers de gens vont juger de le façon dont ils sont représentés au sein de l'Europe. Et il ne faut pas mettre en danger le Parlement. C'est un sujet très sensible. Ca m'a beaucoup préoccupée ces derniers mois, même la nuit. On est vraiment suspendu à un fil.

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