Trois hommes et un coup fin

par Sébastien Delahaye
publié le 22 septembre 2006 à 15h12
(mis à jour le 24 septembre 2006 à 1h41)

Mardi 19 septembre, trois hommes entrent dans le commissariat du V e arrondissement de Paris. Ils viennent se livrer à la police dans le cadre d'infractions à la loi DADVSI (relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information). Et espèrent ainsi obtenir un procès et être relaxés. Promulguée depuis le 1 er août, cette loi très controversée punit théoriquement les adeptes du téléchargement illégal, mais aussi l'utilisateur qui contourne un système de protection. Interdit, par exemple, à moins de devenir un dangereux délinquant, de transférer sur un baladeur MP3 un CD protégé contre la copie. Illégal également, la suppression de la protection numérique (que les technophiles nomment DRM, pour Digital Rights Management ) d'un morceau acheté en ligne. Or, le verrou numérique d'un fichier au format Windows Media, le plus répandu, empêche l'utilisateur de lire ce morceau sur un baladeur iPod, d'Apple. Et les morceaux achetés dans la boutique d'Apple ne sont lisibles que sur un iPod.

Or, de nombreux militants anti-DRM considèrent qu'un fichier acheté légalement doit pouvoir se lire sur tous les supports possibles. C'est donc au nom de cette interopérabilité que nos trois kamikazes se sont rendus au commissariat, pour y avouer des crimes aussi infamants que la copie d'un DVD sur un baladeur vidéo ou la suppression des DRM de fichiers audio, des délis punis d'une amende de 750euros. Jérôme M., l'un des trois volontaires, risque ainsi 30 000euros d'amende pour avoir publié sur son site comment supprimer les DRM d'œuvres achetées. Pour autant, cette perspective ne l'effraie pas. Il attend même avec impatience le premier procès autour de la loi DADVSI : « Ce dont nous avons peur, c'est plutôt de ne pas avoir de procès. Ce qui signifierait que les autorités souhaitent éviter la publicité autour de ce problème, et espèrent enterrer le mouvement.»

Le collectif StopDRM! , dont fait partie Jérôme, n'en est pas à son coup d'essai. Le 9 juin, par exemple, ils étaient cent-cinquante pour investir la Fnac Montparnasse, à Paris, et y organiser en compagnie de Richard Stallman, le pape du logiciel libre, une manifestation contre les verrous numériques. Le mot d'ordre du collectif : «Les majors et les autorités ont choisi une loi répressive, qu'ils l'assument devant leurs clients, et devant les citoyens. » A terme, les militants anti-DRM espèrent influer sur le contenu des décrets d'application de la loi.

Quant aux trois autoproclamés «apôtres de l'interopérabilité» , la police a enregistré leurs déclarations et les a laissé repartir le soir-même. Ils attendent désormais que le Parquet décide ou non d'engager des poursuites. Procès ou pas, la prochaine étape pour le collectif StopDRM! est de participer à la journée mondiale contre les DRM , le 3octobre.

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