Un Chaplin inédit déniché sur eBay

par Camille Gévaudan
publié le 6 novembre 2009 à 15h27
(mis à jour le 6 novembre 2009 à 15h29)

En vente sur eBay, une boîte de film toute rouillée contenant un vieux bout de pellicule. C'est surtout la boîte qui intéressait le collectionneur anglais Morace Park, parce qu' «elle était jolie» . Alors il l'a achetée, pour 3£20 (3,57€). Mais le titre inscrit sur la première image de la bobine, Charlie Chaplin in Zepped , lui a fait prendre conscience qu'il ne s'agissait pas simplement d'un «vieux film» comme le décrivait l'annonce de vente. Park raconte au Guardian qu'il s'est renseigné sur le web : «Je l'ai googlisé, et je n'en ai trouvé aucune trace sur Internet.» . Puis il s'est adressé à un de ses voisins, ancien employé du British Board of Film Classification, qui a lui-même associé à l'enquête Michael Pogorzelski, historien du cinéma et directeur des archives de l'académie américaine des arts et des sciences du cinéma.

Le verdict de l'historien est incroyable : «C'est une trouvaille extrêmement intéressante. Un film de Charlie Chaplin inconnu et non référencé.» La pellicule de nitrate, datée de décembre 1916 et éditée en Egypte, contient un petit film 35 mm mélangeant prises de vues réelles de Charlie Chaplin et images d'animation. D'une durée de sept minutes, le film montre Chaplin transporté sur un nuage des États-Unis en Angleterre, puis faisant décoller un dirigeable zeppelin, avant de tourner le bombardier en ridicule en coupant la scène par un plan du Kaiser Wilhem sortant la tête d'une saucisse. Les zeppelins étaient utilisés durant la première guerre mondiale par l'Allemagne, et ont notamment été impliqués dans plusieurs raids contre le Royaume-Uni en 1915. Morace Park et son voisin, John Dyer, ont émis l'hypothèse que le film était une pièce de propagande visant à désamorcer la terreur inspirée par ces engins.

Mais la pellicule ne fut jamais projetée au public. Selon Michael Pogorzelski, il pourrait s'agir d'un montage réalisé par le studio Essanay, avec qui Chaplin avait signé un contrat en 1914 avant de prendre ses distances. Essanay avait la propriété des prises de vues de l'acteur extraites de trois films déjà exploités, mais n'avait pas obtenu son autorisation d'y mêler de nouveaux plans de zeppelins dans un remontage de propagande. «Un acte de création ou de piratage, selon le côté de la barrière duquel vous vous trouvez» , plaisante Pogorzelski. David Robinson, auteur de la biographie Chaplin: His Life and Art , affirme qu'une véritable bataille juridique avait éclaté entre Chaplin et Essanay lorsque le studio avait tenté de recycler un maximum d'images de films précédemment produits, tels que Burlesque on Carmen , pour continuer à tirer profit du succès de la star. La controverse juridique aurait entraîné l'avortement du projet. Mais l'explication de Robinson ne provient que de sa connaissance de la carrière du réalisateur et, n'ayant pas encore visionné la bobine découverte par Park, il n'exclut pas que celle-ci puisse également contenir des images inédites : «Il y a toujours une chance qu'on découvre un tout nouveau gag de Chaplin !» Il estime que sa valeur pourrait alors atteindre les 40000 livres sterling (44600 euros).

La façon dont le film est passé des archives du studio aux annonces d'eBay, quant à elle, reste un mystère. Park et Dyer, actuellement à Los Angeles, continuent leurs investigations.

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