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Libération

Un canard comme cheval de Troie ?

par Olivier Bertrand
publié le 21 décembre 2012 à 11h25

Bernard Tapie peut-il, en récupérant la Provence , revenir en politique et rafler la mairie de Marseille dans deux ans ? La classe politique de la ville n'y croit guère. «Sa période est passée , dit un proche collaborateur du maire. Je le connais par cœur. Qu'il jure de ne pas faire de politique n'est pas un argument, c'est un menteur pathologique qui croit toujours à ce qu'il dit, n'a que des vérités successives. En revanche, je sais que sa clé a toujours été l'argent. Il n'est jamais entré dans une opération où il y avait un centime à perdre. S'il vient, c'est surtout qu'il y a des sous à faire.»

Mais Nanard ne peut-il pas faire coup double ? Empocher l’oseille et le mandat ? Le terreau semble favorable ces temps-ci. La ville va mal, la gauche est divisée, aura du mal à partir unie, et la droite est suspendue à ce que fera en 2014 Jean-Claude Gaudin. Sénateur UMP et maire depuis 1995, il a 73 ans. Si la loi sur le cumul et la fatigue le lui permettent, il repartira. Il répète souvent qu’il n’a que cela dans la vie. Mais il se décidera le plus tard possible. Même s’il renonce, pour éviter que les postulants ne lui gâchent la fin de mandat en se déchirant.

En attendant, ils piaffent, et Guy Teissier (67 ans), député UMP, s'est déjà déclaré. Ces temps-ci, l'ancien président de la commission de la défense à l'Assemblée rappelle qu'il a déjà battu Bernard Tapie, aux législatives de 1988 (le scrutin avait été annulé, Tapie avait gagné en 1989). Il a interpellé le Premier ministre, s'inquiète pour les salariés de la Provence . «Jusque-là , dit-il, Bernard Tapie a plus été un fossoyeur qu'un redresseur d'entreprises. Je ne suis pas certain que son arrivée soit une bonne nouvelle pour ce titre, surtout s'il se débarrasse des autres, ce qui signerait son intention de venir surtout faire de la politique.» Aurait-il ses chances ? «Il ne faut pas lui retirer une chose, il vendrait des glaçons à des Esquimaux. Mais il a 70 ans. Je pense que son temps est passé. Et puis, je ne crois pas que les Marseillais soient en attente d'un homme providentiel.»

Deux anciens journalistes, dont l'un a été adjoint à la culture à Marseille (1), développent une analyse différente. Selon eux, la ville atteint une crise paroxystique et «le terreau est bien labouré pour l'avènement du populisme» , comme avant guerre, lorsqu'Edouard Daladier, alors président du Conseil, préconisait un chef pour Marseille.

Gaston Defferre avait endossé ce rôle. Tapie le pourra-t-il ? A gauche, on n'y croit guère. Eugène Caselli, président PS de la communauté urbaine, pense que la «rumeur» est «l'expression d'une réflexion de Tapie et peut-être de quelques autres pour faire un coup politique à Marseille» . Il vise sans le nommer Jean-Noël Guérini, qui se vantait récemment d'avoir rencontré Nanard.

Mais selon lui, cela ne pourrait gêner que la droite : «Après deux soutiens successifs à Nicolas Sarkozy, Tapie ne peut plus être considéré comme un homme de gauche.» Caselli reconnaît cependant que l'ex-patron de l'OM peut toujours mordre «sur des marges populistes à droite comme à gauche» . De la même façon, Patrick Mennucci, député (PS) depuis juin, pense que Tapie est «capable» de revenir, pas de se faire élire. Selon lui, son arrivée est «téléguidée par la droite» pour rendre «plus complexe l'élection» , dans un moment où elle est «en position difficile» . Il rappelle que Tapie n'a «jamais créé un emploi à Marseille, jamais monté une entreprise dans la ville» , qu'il n'a fait «que gérer l'OM pour le business» et ne «participe plus à rien» depuis longtemps. «Il n'a , résume-t-il, plus d'impact politique, plus de relais sur le terrain. C'est bien pour cela qu'il [rachète] la Provence.»

(1) Lire le texte de Jean Kéhayan et Christian Poitevin sur www.libemarseille.fr .

Paru dans Libération du 20 décembre 2012

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