Critique

Une «Abolition» qui peine

Téléfilm. Fiction sur le combat de Robert Badinter contre la guillotine.
par Ondine Millot, 0
publié le 27 janvier 2009 à 6h52
(mis à jour le 27 janvier 2009 à 6h52)

L'histoire, la vraie, à laquelle ce téléfilm affiche une ambition de fidélité pieuse, est parmi les plus fortes, les plus belles, les plus passionnantes du XXe siècle. En 1971, Robert Badinter (Charles Berling), avocat, défend Roger Bontems, accusé de la prise d'otage et des meurtres d'un surveillant et d'une infirmière à la prison de Clairvaux (Aube). L'enquête montre que Bontems n'a pas tué, que c'est l'autre ravisseur, Claude Buffet, qui est l'auteur du double meurtre. Mais le choc créé dans l'opinion influence les jurés. Bontems est exécuté.

Diatribe. Marqué à jamais par ce verdict, Badinter s'engage dans un combat acharné contre la peine de mort. En 1976, il défend Patrick Henry, qui a tué un enfant de 8 ans. Cette fois, plutôt que de plaider sur les faits, il se lance dans une brillante diatribe contre la peine de mort et sauve la tête de son client. Il devient le héros et l'incarnation en France de l'abolition. Sollicité pour toutes les causes quasi perdues, acceptant ces défenses épuisantes comme un justicier endosse sa mission. Encore quatre batailles remportées et c'est la victoire finale : nommé garde des Sceaux en 1981 par Mitterrand, Badinter fait voter à l'Assemblée l'abolition de la peine de mort.

Etait-il pertinent, aujourd’hui, d’adapter ce morceau d’histoire dans un téléfilm en deux parties ? En ces temps où la spirale répressive semble ne plus vouloir s’arrêter, où les condamnations pénales toujours plus sévères ne le sont jamais assez aux yeux du pouvoir exécutif, la réponse est évidemment oui. Ce téléfilm nous rappelle que l’époque où l’on coupait des hommes en deux, pour satisfaire aux cris d’une foule hurlant «à mort !», n’est pas si lointaine. Rien que pour cela et pour la force du destin qu’il retrace, il mérite d’être vu.

Bobonne nunuche. Fallait-il pour autant s'enferrer dans une telle révérence au grand homme que chaque dialogue résonne comme un lourd hommage ampoulé ? Fallait-il être si scolaire, si lisse, si cliché, qu'Elisabeth Badinter, philosophe douée et subtile, se voit transformée en bobonne nunuche susurrant des «courage mon chéri» à son époux ? La fiction française sait incontestablement se saisir de «grands» sujets. Quand saura-t-elle se débarrasser de l'académisme propret et pompeux qu'elle se sent obligée de leur appliquer ?

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