«Tout le monde doit pisser» , dit la voix off, résumant ainsi une loi biologique des plus contraignantes et répétitives mais qui a donné prétexte à ce petit film vidéo en américain tout à fait réjouissant , visant à vendre une future application pour iPhone : les deux conceptrices cherchent des mécènes, faisons-le savoir haut et fort sur la planète mondiale. Alors sur ton iPhone, tu tapes « Cloo' » , contraction de community qu'on ne traduit plus et «loo» , (WC en anglais) et te voilà dans le monde merveilleux des «piss friendly» , la communauté des gens qui prêtent leurs toilettes à la maison, un nouveau type de réseau social, quoi.
Donc, image à l'appui, on est dans la rue avec effet de foule en accéléré, gros plan sur des visages crispés, des pieds qui tapent par terre, et là cette évidence : dans la rue, à chaque instant, il y a des gens qui ont envie de faire pipi (ou popo). Seulement voilà, les toilettes publiques ou dans les cafés ne sont que bien peu souvent à la hauteur de notre espérance. Imaginé par les designers Hillary Young et Deanna McDonald, «Cloo' transforme vos propres toilettes en toilettes publiques» , poursuit l'enthousiaste voix off qui n'a pas l'air d'en revenir de tant de solidarité pissatoire : «Combien de toilettes publiques dans votre ville ? Autant que vous voulez. Pour le prix d'un café, un euro et quelques, Cloo' vous propose d'utiliser les toilettes de vos amis d'amis d'amis» , ce qui rend la ville plus facile et accueillante.
Démonstration en vision réticulaire du monde jusque dans les moindres détails, en vidéo, avec un doigt qui appuie sur la sonnette des «Ponce-Mendez» , des prêteurs de chiottes qu'une fois la petite affaire commise, on peut noter : confort, hygiène, accueil, etc. On géolocalise les toilettes du urban piss réseau, on demande si on peut pisser, euh passer, et moyennant quelques piécettes façon dame pipi pour l'accueillant, on se lance en WC d'autrui. On peut voir la photo avant, le prix de la taxe, les notes des membres de la Cloo' qui sont passés avant. Et oui, Steve J, tu aurais dû rester, on vit une époque formidable. On va pouvoir dire des trucs comme «on s'est rencontrés quand je suis allée pisser chez lui» , «on fait pipi, on prend un café ensuite ?» , «n'allez pas chez X, le PQ est rationné» . En revanche, l'accueilleur ne peut pas mettre de commentaires style «pisse partout sur l'abattant» , «chourre le papier» . On laisse au lecteur toute latitude pour imaginer d'autres commentaires.
Paru dans Libération du 19 octobre 2011