Une industrie en pleines mutations

par Erwan Cario et Olivier Seguret
publié le 14 novembre 2011 à 12h46

Le moteur de l’industrie du jeu vidéo fonctionne au mélange : la fusion d’un esprit logique et d’un esprit imaginatif est à la base même de son métier. C’est pourquoi, au-delà de son agressivité commerciale, de sa rage technologique et de son marketing parfois obscène, cette industrie présente aussi le visage fascinant d’une ruche optimiste, audacieuse et surcréative. Elle offre depuis bientôt quarante ans le spectacle d’une progression sans égale et malgré la nature cyclique de ses résultats économiques (qui varient aussi en fonction des seuils technologiques et des investissements qu’ils supposent), l’industrie du jeu a prouvé cette année encore qu’elle avait énormément de ressources en réserve. Table d’orientation de ses plus fortes tendances et de ses nouvelles frontières.

La dématérialisation

C'est le grand exode des dernières saisons : l'industrie tout entière migre vers l'éther des réseaux, des clouds et du téléchargement. Les titres pour consoles et PC sont de plus en plus nombreux à sortir en même temps sous forme physique (version boîte) et en dématérialisé (téléchargeable). Des nouvelles plateformes (OnLive, Stream) sont entièrement fondées sur le principe de cette virtualité au carré. On stocke désormais ses jeux et ses sauvegardes dans le grand «nuage» informatique et l'on joue directement sur les serveurs que les plus grands producteurs-éditeurs (Ubisoft, Activision, Electronic Arts) créent à tour de bras. Pourtant, comme le souligne James Rebours, président du Sell (1) et patron de Sega France, «la clé de la réussite se trouve aujourd'hui dans la combinaison d'une même licence sur mobile et à la maison, et sur tous les types de supports disponibles» .

Les plus fragilisés par ce nouveau modèle industriel : les distributeurs et surtout les détaillants, qui voient rétrécir le juteux marché de l’occasion.

La PlayStation Vita

Le 17 décembre sort au Japon (et en février en Europe) la nouvelle console de poche de Sony, qui veut tourner la page du succès mitigé de la PSP. La Vita est une pure enfant de son temps : deux joysticks analogiques, un bel écran tactile, des sensors divers (sensibilité au tapotement arrière) et des jeux aussi bien sur cartes NVG (mémoire flash sous format propriétaire) que téléchargés : tout son catalogue dédié sera d’ailleurs bi-format dès le lancement. Mais la Vita s’ouvre aussi vers le monde de l’appli, avec la PlayStation Suite et tous les jeux sous Android.

La Next-Gen

On commence déjà à parler sérieusement de la prochaine génération de consoles de salon, élaborées aujourd'hui par les grands constructeurs. Nintendo ouvrira le feu à la fin 2012 avec sa Wii U, qui pourrait provoquer une nouvelle étape disruptive dans l'histoire des hardwares avec sa proposition d'une manette-écran, qui permet de faire «glisser» à volonté le jeu vers la télé et vice-versa. Le successeur de la Xbox 360 n'a pas été officiellement dévoilé, mais Microsoft pourrait faire des annonces à son sujet dès l'année prochaine. Quant à la PS4, plusieurs fuites en provenance de studios élus font état de kits de développement déjà disponibles, qui permettent aux designers de préparer, très en amont, des jeux pour une console que les analystes voient poindre autour de 2013. Ces mêmes observateurs sont aussi d'accord sur un point plus troublant : ces prochaines consoles seront la dernière génération de machines «classiques», la dématérialisation des supports promettant d'imposer de nouveaux modèles économiques aux constructeurs eux-mêmes.

Les cubes de «Minecraft»

La version définitive du jeu n'arrive que la semaine prochaine, et il s'est pourtant déjà vendu à plus de 4 millions d'exemplaires. Minecraft est devenu en deux ans l'ambassadeur du jeu indépendant et une magnifique success-story pour Markus «Notch» Persson, son créateur suédois. Il s'agit d'un jeu de construction, d'exploration et de survie dans un monde généré (chaque joueur évolue dans un univers différent) et composé de cubes représentant les différents éléments (pierre, terre, herbe, bois, eau, etc.). Malgré l'apparent simplisme graphique, le résultat est visuellement grandiose. Et le joueur, libre de tout objectif imposé, peut modeler son espace comme il le désire, bâtir de simples maisons ou de gigantesques châteaux. A partir de vendredi prochain, il pourra aussi partir à l'aventure.

Les jeux en marchant

Des piafs qui doivent détruire des constructions abritant de vils cochons verts. C'est le principe d' Angry Birds , et, après plus de 500 millions de téléchargements, le symbole majeur du jeu pour smartphones et tablettes (iPhone, iPad, Android). Généralement vendues moins de 1 euro, ces applications sont devenues les ambassadrices les plus efficaces du jeu vidéo. Doodle Jump, Cut the rope, Tiny Wings ou Fruit Ninja sont les Tetris des temps modernes, accompagnant les joueurs (et ceux qui se disent à tort non-joueurs) où qu'ils soient et quoi qu'ils fassent. Des «petits» jeux qui sont par ailleurs des laboratoires créatifs, où des développeurs indépendants peuvent expérimenter des mécanismes originaux, insufflant de nouvelles idées dans un milieu qui pouvait donner l'impression de tourner un peu en rond.

Le jeu en réseau social

Planter des graines, attendre que ça pousse, récolter et vendre pour acheter de nouvelles graines et agrandir sa parcelle… On peut avoir un peu de mal à saisir l'intérêt de FarmVille . Pourtant, 30 millions d'utilisateurs de Facebook y jouent. Et il en va de même pour la plupart des autres productions de Zynga, studio star du genre. Car la force de ce type de titres est d'être centré sur l'aspect viral inhérent aux réseaux sociaux. Un succès qui a très vite séduit les grands éditeurs, comme EA, qui a lancé avec succès cet été la version Facebook de sa licence phare : les Sims .

(1) Le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs.

Paru dans Libération du 12 novembre 2011

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