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Libération

Une ordonnance fourre-tout pour réguler les télécoms

par Geoffroy Husson
publié le 26 août 2011 à 13h17

C'est une ordonnance multi-tâche qui a été présentée mercredi en conseil des ministres par Eric Besson. Voté en novembre 2009 par le parlement européen, le troisième paquet télécom est enfin transposé en droit français par une ordonnance qui sera publiée prochainement au Journal Officiel.

Théoriquement, le texte est axé sur trois objectifs : « assurer une meilleure régulation du secteur des communications électroniques, permettre une gestion du spectre plus efficace et faciliter en conséquence l'accès des différents utilisateurs aux fréquences radioélectriques, renforcer la protection des consommateurs et des données personnelles » . Afin de mettre en œuvre ces trois points, une série de mesures a été approuvée en conseil des ministres.

Une protection accrue des utilisateurs

L'une des premières nouveautés instaurées par l'ordonnance (article 36) consiste à imposer à chaque opérateur de nommer, en plus du Médiateur des télécoms, un médiateur indépendant chargé de régler les conflits avec ses clients. Toujours afin de protéger les internautes, l'ordonnance dispose, dans son article 37, que les autorisations de cookies « ne peuvent avoir lieu qu'à condition que l'abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé [...] son accord » , et divers articles viennent s'attaquer aux «communications non sollicitées» qui doivent désormais « indiquer une adresse ou moyen électronique permettant effectivement au destinataire de transmettre une demande visant à obtenir que ces publicités cessent » . Ce qui devrait, n'en doutons pas, avoir un énorme impact sur ces pratiques.

Les prérogatives étendues de l'ARCEP

L'article 9 de l'ordonnance vient réguler le marché de l'accès aux infrastructures entre opérateurs. Ainsi, l'ARCEP peut « imposer à un opérateur de faire droit aux demandes raisonnables d'accès aux infrastructures physiques [...] ou aux câbles que cet opérateur a établis » , mais également « imposer à toute personne qui a établi ou exploite des lignes de communications électroniques à l'intérieur d'un immeuble de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à ces lignes, émanant d'un opérateur, lorsque leur duplication serait économiquement inefficace ou physiquement irréalisable ; l'accès se fait en un point situé à l'intérieur de l'immeuble ou au premier point de concentration si ce dernier est situé à l'extérieur de l'immeuble » . En ligne de mire, bien sûr, le déploiement de la fibre optique qui peine toujours à se généraliser.

Concernant le rôle de l'ARCEP toujours, l'article 31 précise que « les membres et agents de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes exercent leurs fonctions en toute impartialité, sans recevoir d'instruction du Gouvernement, ni d'aucune institution, personne, entreprise ou organisme » . L'article 18, quant à lui, augmente le pouvoir de sanction de l'autorité qui peut interdire la commercialisation d'un service lorsqu'un « opérateur ne s'est pas conformé à une mise en demeure portant sur le respect d'obligations imposées » .

Au sujet de la régulation du secteur des communications électroniques, le gouvernement prévoit plusieurs dispositions, notamment dans l'article 16 de l'ordonnance : « Afin de prévenir la dégradation du service et l'obstruction ou le ralentissement du trafic sur les réseaux, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes peut fixer des exigences minimales de qualité de service » . Aucune précision technique n'est faite en revanche concernant la nature des ces exigences minimales.

Une neutralité implicite

En matière d'accès des utilisateurs aux fréquences électroniques, l'ordonnance met fin à « l'importation, la publicité, la cession à titre gratuit ou onéreux, la mise en circulation, l'installation, la détention et l'utilisation de tous les types de brouilleurs » , ceux-ci devant être interdit dans les salles de spectacles, et donc de cinéma, dans les cinq ans. Une volonté affichée d'empêcher les restrictions aux moyens de communication abusifs.

Toutefois, alors que le rapport du gouvernement présentant l'ordonnance appuie fortement sur l'intention de promouvoir la neutralité des réseaux, terme répété quatre fois, il n'apparait jamais dans le texte lui-même, même si certaines mesures s'en rapprochent. En effet, l'article 3 de l'ordonnance dispose que le ministre en charge des communications électroniques et l'ARCEP veillent « à favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l'information et à en diffuser ainsi qu'à accéder aux applications et services de leur choix » et « à ce que tous les types de technologies et tous les types de services de communications électroniques puissent être utilisés dans les bandes de fréquences disponibles pour ces services lorsque cela est possible » . Même si l'intention est belle, reste encore à définir ce qui est du domaine du possible pour les opérateurs. Pas sûr par exemple que les opérateurs mobiles soient prêts à autoriser le peer to peer sur leurs réseaux. Ce qui est pourtant techniquement tout à fait possible.

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