Ce n'est pas une surprise mais elle est maintenant chiffrée. Partisan de
longue date d'une taxation des fournisseurs d'accès pour compenser la
baisse des revenus de la filière musicale, le patron de la Sacem, Bernard
Miyet, estime que cette contribution « modeste » et « quasi-indolore »
dit-il, pourrait coûter au final 1 euro par mois au consommateur. C'est
le sens de la proposition qu'il a défendu conjointement avec l'Adami, la
société de gestion collective des musiciens et artistes-interprètes
auprès de Patrick Zelnik. Le PDG de l'indépendant Naïve a été chargé par
le ministre de la culture Frédéric Mitterrand d'une mission sur les
moyens d'améliorer l'offre légale en ligne et la rémunération des
créateurs et doit rendre son rapport, avec un mois de retard, à la
mi-décembre.
Pour Bernard Miyet, cette contribution est indispensable pour permettre
à l'ensemble de la chaîne musicale (producteurs, auteurs,
artistes-interprètes) de passer le cap d'une transition numérique qui en
termes de production musicale se traduit désormais par une baisse du
nombre de signatures de contrats chaque année. Cette taxe qui
permettrait à la fois de compenser le manque à gagner des ayants droit
et d'alimenter un fonds de soutien à la production - mais aussi à
l'auto-production - rapporterait selon les calculs de la Sacem entre 250
et 500 millions d'euros par an. Une «compensation créative » très
conséquente qui selon Bernard Miyet se justifie pleinement au regard du
« préjudice » subi par la filière: 750 millions d'euros de manque à
gagner de recettes sur ces 7 dernières années et des revenus cumulées de
droit d'auteur qui dans le domaine des « droits de reproduction
mécanique » (ventes de disque) devraient plonger de 200 millions d'euros
annuels en 2003 à 120 millions d'euros en 2012. Grâce à des sources de
revenus diversifiées et en dépit de cette chute des droits liés à la
vente de disques et de DVD (-50 millions d'euros en 2008) non compensée
par les recettes encore très faibles du numérique, la Sacem est
néanmoins parvenue à limiter la casse l'an dernier. Ses perceptions
n'ont subi qu'un léger recul de 0,4%, à 755, 8 millions d'euros. Mais
son modèle est en danger.
Si la Sacem, qui s'y connait en collecte et répartition du produit des
taxes -- elle gère les fonds de la taxe pour copie privée sur laquelle
sont imposées les fournisseurs d'accès commercialisant des box pourvues
de disque dur --, milite depuis longtemps déjà pour cette taxation des
acteurs de l' 'Internet, une partie des producteurs de musique y reste
fermement opposée. A la différence des indépendants regroupés au sein de
l'UPFI, le syndicat national de l'édition phonographique (Snep) auquel
sont affiliés les majors refuse cette solution. « On ne veut pas de
système compensatoire, on est contre une licence globale qui ne dirait
pas son nom » , a déclaré David El Sayegh, estimant que cela reviendrait
à « brouiller » le message de la lutte contre le piratage. Une lutte qui
selon le Snep passe par une application massive de la loi Hadopi dont le
dispositif d'avertissements puis d'envois de lettres recommandées est
prévue pour monter progressivement en charge à partir du premier
trimestre 2010. Le Snep souhaite en revanche l'instauration d'une
incitation fiscale à l'attention des fournisseurs d'accès pour qu'ils
consacrent des fonds à la promotion des offres légales, via par exemple
un fonds de soutien à la production phonographique. Le rapport Zelnik
devra trancher entre ces différentes options. Mais si une taxe sur les
FAI était recommandée et finissait par voir le jour, on voit mal comment
cette mesure pourrait faire l'économie d'un nouveau cadre Hadopi 3 et
donc d'une nouvelle loi.