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Libération

Une vague ?

par Olivier Seguret
publié le 30 avril 2009 à 6h51

La période vécue par l’industrie du jeu vidéo n’est peut-être pas rassurante, mais elle est passionnante. Le nouveau modèle qu’elle est sommée de s’inventer à court ou moyen terme («Moi jeux» du 23 avril) sera-t-il un complément au modèle existant ou en sonnera-t-il la fin ? Pour situer brutalement l’enjeu, posons autrement la question : quelle différence cela fait-il de fabriquer des jeux vendus 60 euros ou des jeux vendus entre 1 et 10 euros ? Le foudroyant succès des jeux sur iPhone (ainsi que le système d’applications téléchargeables ou le principe de notation des jeux qui l’accompagnent) aura produit un électrochoc salutaire mais aussi anxiogène, autant pour les stratèges des grands studios que pour le petit peuple des développeurs. A certains égards, le jeu est en train de vivre une rupture comparable à celle provoquée il y a cinquante ans dans le monde du cinéma par la Nouvelle Vague, lorsqu’il est devenu techniquement possible de tourner et de diffuser des films de production légère et à budgets réduits.

L'iPhone n'a fait que mettre sa plate-forme à la disposition du marché. Mais la facilité de l'accès fourni et l'ergonomie des procédures comme des programmes ont produit une sorte d'effet désinhibant, révélant à son tour l'immense potentiel de ce nouveau modèle. Comme à l'époque de Godard et Truffaut, de nouveaux «auteurs» apparaissent, parfaitement inconnus la saison précédente, et qui sont l'objet de success stories, comme le cas devenu déjà mythique d'Ethan Nicholas, le développeur d'iShoot qui a récolté 450 000 euros en un mois.

Avec pour seul outil un kit de développement très abordable, n'importe quel game designer un peu original et ambitieux peut tenter sa chance, à condition toutefois de franchir le rigoureux contrôle de «qualité» imposé par Apple (et qui pose déjà un certain nombre de problèmes politiques, moraux, économiques…).

Bien sûr, le modèle hollywoodien n'a jamais été sérieusement menacé par la Nouvelle Vague, mais plus rien n'a jamais été comme avant dans l'histoire du cinéma et de la cinéphilie. Il manque sans doute encore au mouvement des développeurs indé un ciment à la fois théorique et fraternel, à la façon de celui qui avait pris autour des Cahiers. Et l'on peut faire confiance aux gros studios pour trouver un moyen de réagir et de s'adapter aux perspectives imprévues qui s'offrent à eux. Mais quelque chose est indéniablement en train de cristalliser dans le monde du jeu vidéo, dont les effets promettent de se faire sentir au fil des prochaines années.

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