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Libération

VOD, le choix de l’embarras

par Geoffroy Husson
publié le 11 juin 2010 à 9h15

Les internautes vont devoir casquer. A vrai dire, ils n'auront plus vraiment le choix. Car l'Hadopi enverra bientôt ses premiers mails d'avertissement, en juin, voire en septembre . Dès lors, les internautes habitués à télécharger illégalement devront - du moins s'ils veulent se plier à la loi - changer leurs habitudes de consommation, notamment en matière de films et de séries, en passant par une offre légale. Mais, pour qu'il y ait offre légale, encore faut-il qu'il y ait une offre tout court.

En France, le constat est simple : si on veut regarder un film légalement en le téléchargeant sur Internet, il faut payer pour chaque œuvre. Certes, on a parfois le choix entre l'acheter ou la louer, mais c'est rare. Surtout, il n'existe pas d'offre comme pour la musique (Spotify, Deezer), permettant un accès illimité aux œuvres cinématographiques moyennant le paiement d'un abonnement mensuel. Pourtant, une telle formule ne devrait pas être compliquée à mettre en place puisqu'elle existe déjà aux Etats-Unis (mais réservée au territoire nord-américain) avec le service Netflix . Il permet, après souscription à un abonnement mensuel de 9 dollars (7,4 euros), de regarder une large sélection de films et séries télé en ligne sur ordinateur, console de jeux ou directement sur sa télévision à l'aide d'un boîtier spécial.

La France doit donc se contenter des services de location des chaînes de télé, des fournisseurs d’accès à Internet, des réseaux de distribution de biens culturels ou, depuis fin avril, d’iTunes, leader mondial de la vente de musique en ligne. Et, dès qu’il s’agit de se mettre à la recherche d’un film, c’est la jungle : il n’y a aucune cohérence entre les portails, voire entre deux films d’une même plateforme, la durée de la location varie d’une offre à une autre et certains films ne sont disponibles qu’auprès d’un seul portail.

C'était, par exemple, le cas d' Avatar qui, lors de sa sortie, n'était disponible que sur iTunes à un prix d'achat de 13,99 euros, soit à peine un euro en deçà du prix du DVD, la version originale, les sous-titres et les bonus en moins. La plupart du temps, un film qui a déjà quelques mois pourra être acheté à 9,99 euros, voire 7,99 euros, mais le prix peut grimper jusqu'à 19,99 euros dans le cas de Transformers 2 sur le site de Vidéo à la demande de la Fnac par exemple.

Autre cas symptomatique du chaos français en matière de téléchargement légal: les vieux films. Un classique français comme la Grande Vadrouille n'est disponible nulle part, mais pourra être obtenu très facilement sur les réseaux de téléchargement illégal.

La plupart du temps, les sites de VOD ne proposent pas d’achat définitif d’un film mais uniquement de la location. Le consommateur télécharge le film en ayant 48 heures pour le regarder, souvent avec un logiciel de lecture vidéo imposé (lecteur Windows Média ou iTunes). Les tarifs sont plus unifiés qu’à l’achat puisqu’ils naviguent entre 2,99 euros sur iTunes ou Orange ou 4,99 euros chez TF1 Vision par exemple. A titre de comparaison, les locations de DVD physiques (si, si, ça existe encore) coûtent généralement autour de 4 euros pour 24 heures de location.

Déjà complexes quand on parle d'un simple film, les offres sont encore plus difficiles à appréhender lorsqu'on se penche sur les séries télé. La plupart du temps, elles ne sont disponibles qu'auprès de la chaîne qui dispose des droits de diffusion en France. Ainsi, impossible de trouver des épisodes de Lost (TF1) auprès de Canalplay, la plateforme de VOD de Canal +, ou Cold Case (France 2) chez M6Vod. Mais Cold Case n'est pas disponible non plus sur FranceTVOD, la plateforme de France Télévisions, qui propose essentiellement des séries franco-françaises. Si vous souhaitez vous replonger dans Plus Belle la vie, la Commanderie ou Louis la Brocante , par exemple, vous aurez même le choix entre achat ou téléchargement.

Néanmoins, là aussi un triste constat s’impose : même à la location, un épisode de série télé coûte généralement 2 à 3 euros, soit environ 40 à 60 euros pour une saison complète. Cette aberration se vérifie d’autant plus que la pratique de la location, souvent la seule offre disponible, ne permet pas aux portails de proposer des épisodes en pack saison à un prix allégé : seul iTunes les propose à une trentaine d’euros.

Il faut bien le concéder, il s'agit de la seule offre relativement raisonnable dans un marché qui semble encore se chercher, c'est dire. Pour les offres de séries à la demande, il se pourrait que le modèle soit encore à trouver aux Etats-Unis. La plateforme américaine Hulu propose ainsi gratuitement, et tout à fait légalement, les épisodes de séries télé diffusées la semaine passée, qu'il s'agisse de programmes appartenant aux chaînes NBC, ABC ou de la Fox. En France, M6 propose bien une offre similaire, mais limitée à ses propres contenus, tandis que les autres chaînes ne proposent aucune série gratuitement. Et le projet de Hulu français entre TF1, Canal + et M6 semble avorté. On tâtonne…

Paru dans Libération du 10 juin 2010

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