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Libération

Venger Julian Assange, la nouvelle croisade des Anonymous

par Camille Gévaudan
publié le 9 décembre 2010 à 13h03
(mis à jour le 10 décembre 2010 à 14h36)

Détenu par la police britannique depuis mardi matin et cible d'un acharnement sans précédent des politiques, diplomates, sociétés de systèmes de paiement et hébergeurs de sites Internet, Julian Assange a trouvé ses meilleurs défenseurs sur Internet. «Nous avons la possibilité de contre-attaquer» , annoncent-ils sur une affichette qui circule en ligne, intitulée «Opération Vengeance pour Assange» .

Ils déclarent la première «infoguerre» de l'Histoire, annoncent des attaques informatiques contre les puissants qui veulent faire taire WikiLeaks. Lundi, le blog de PayPal (qui a annoncé avoir bloqué les virements vers les comptes associés à WikiLeaks) a subi une attaque «DDOS», qui consiste à surcharger des serveurs web par un immense et soudain afflux de requêtes. Un peu plus tard, c'est le site de PostFinance (la banque suisse qui a fermé le compte de Julian Assange) qui était rendu inaccessible. Puis ils s'en sont pris à Visa, hier soir à 22h, et à Mastercard.com qui est toujours dans les choux à l'heure actuelle. Qui sont-ils ? On ne sait pas. Combien sont-ils ? Indénombrables. Que peut-on faire ? Rien.

Ce groupe d'internautes qui signe «Anonymous» prend des airs de commando terroriste sous la plume de journalistes de l'AFP, qui disent avoir «discuté en ligne» avec certains d'entre eux. Le mouvement se définissant comme «anonyme», il est pourtant, par définition, sans porte-parole. Le nom d'«Anonymous» est en réalité associé depuis plusieurs années aux habitués du site 4chan. Il s'agit d'un «imageboard» anglophone, sorte de forum où les internautes partagent un grand nombre d'images sur les mangas, les jeux vidéo, les films, la musique, la cuisine ou tout autre centre d'intérêt, sans avoir besoin de s'inscrire préalablement sur le site ni de fournir un pseudonyme. Tout le monde y est donc désigné comme «anonymous». Sur les 10 millions de visiteurs uniques que revendique 4chan, il y a des spécialistes en détournements humoristiques d'images, des cracks en informatique, ceux qui s'échangent des vidéos de films porno, ceux qui défendent le libre partage de la musique en peer-to-peer, ceux qui insultent les autres... Comme dans la «vraie» vie, mais toujours sur le ton léger qui caractérise la culture internet des digital natives .

L'attaque informatique contre Visa est probablement née de discussions au cœur de ce forum (qui disparaissent très rapidement car aucune archive n'est conservée), comme des initiatives passées au fonctionnement similaires contre l'église de Scientologie ou la RIAA -- qui défend les intérêts de l'industrie du disque aux États-Unis. Mais il est impossible de restreindre l'équipe des vengeurs à ce site, car il s'agit de tout sauf d'une communauté fermée : les anonymous sont des internautes comme les autres, qui construisent des liens en dehors de 4chan et s'intègrent dans la grande nébuleuse de la Toile. «Appeler "hackers" les Anonymous, c'est comme dire "ingénieurs en stérilisation d'ustensiles de restaurant" pour parler des plongeurs» , résume un certain AnonyWatcher sur Twitter.

«Quand les anonymes en auront fini avec eux, MasterCard fera la quête aux dons via PayPal»

Visa, Mastercard, PayPal et PostFinance ne sont que les premières cibles du groupe. Le compte Twitter @Anon_Operations a été ouvert pour informer des dernières actualités de l'« opération Payback ». Ou plus exactement rouvert, car le premier a rapidement été «accidentellement» suspendu par Twitter, tout comme l'a été la page Facebook correspondante. Au-delà des attaques informatiques, le programme d'action des Anonymous prévoit de soutenir les activités de WikiLeaks et défendre son porte-parole, au nom des libertés d'expression et d'information. «Diffusez les câbles diplomatiques aussi largement que vous le pouvez , conseille l'affichette. Imprimez ceux qui concernent votre pays et collez-les sur les arrêts de bus et les lampadaires.» Les sympathisants sont également appelés à voter massivement pour Julian Assange dans le concours organisé sur le site du magazine américain Time , et le faire élire personnalité de l'année 2010 : «Ce n'est pas ça qui aidera sa cause, mais il a besoin d'exposition médiatique.»

En parallèle, nombre d’internautes et organisations, dont l’opérateur associatif français FDN, créent des sites miroirs de WikiLeaks sur leurs serveurs pour ouvrir des accès alternatifs à la consultation des télégrammes diplomatiques.

Paru dans Libération du 10 décembre 2010

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