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Libération

Vers la fin du monopole de la Sacem ?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 28 mai 2009 à 12h15

En juillet dernier, la Commission européenne donnait à vingt-quatre sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) européennes un délai de quatre-vingt jours pour mettre fin à leur monopole de fait sur leur marché national. Puis le délai était allongé à la mi-mars 2009, sans réelle avancée. Parmi les sociétés réticentes, la Sacem, qui détient en France, le monopole de la collecte et de la gestion des droits pour environ 128000 artistes.

Suite à une table ronde (pdf) sur le commerce en ligne, la Commission européenne a annoncé, mardi, que la Sacem serait prête à faire sauter son monopole, et donc à permettre l'ouverture à la concurrence pour la gestion collective des droits des auteurs-compositeurs et éditeurs de musique sur la musique en ligne. «La Sacem s'est déclarée prête à charger d'autres sociétés de gestion collective d'octroyer des licences paneuropéennes sur son répertoire, et à agir en tant que gestionnaire de droits non exclusifs pour les éditeurs et les autres sociétés de gestion collective» , a indiqué la Commission européenne dans un communiqué.

Aujourd'hui, pour diffuser ou vendre le dernier album de Madonna ou de Sunn O))) en Europe, une plate forme type iTunes doit aller négocier avec les SPRD, soit les sociétés de perception et de répartition des droits, de chaque pays. Aussi, dès 2004, la Commission lançait un projet de réforme des SPRD afin d'ouvrir ouvrir le secteur de la gestion collective à la concurrence. En 2005, elle propose l'idée de licence européenne. Cela permettait à iTunes ou Jiwa de négocier tous les répertoires pour l'Europe auprès d'un seul interlocuteur, un organisme paneuropéen ou la société d'auteurs de leur choix. Mais, finalement, devant l'opposition des SPRD, la Commission a fait marche arrière.

Un porte-parole de la Commission a déclaré qu'à présent, elle contrôlait l'application de cette décision par les sociétés concernées. Et les sociétés récalcitrantes pourraient encourir une amende journalière en cas de non respect de cette décision. «J'encourage les acteurs importants, notamment les éditeurs et les sociétés de gestion collective, à prendre rapidement les mesures nécessaires pour adapter leurs systèmes de licences à l'environnement en ligne» , a indiqué Neelie Kroes, commissaire européenne à la Concurrence.

L'objectif de la Commission européenne, qui veille au respect de la concurrence au sein de l'espace communautaire, est tout d'abord de faciliter le développement de l'offre légale de musique en ligne. En septembre 2008, Steve Jobs se plaignait de la situation actuelle, un frein selon lui à l'enrichissement de l'offre sur sa plate-forme iTunes au niveau de l'Europe. Cette semaine, la major EMI s'est dite prête à faire en sorte que son répertoire soit géré à un niveau paneuropéen. Apple a réagi en déclarant envisager «mettre son contenu à la disposition de l'ensemble des consommateurs européens, y compris dans les États membres de l'UE où iTunes n'est pas accessible actuellement» . Par exemple en Roumanie et Slovaquie.

L'abolition des monopoles nationaux des sociétés de collecte veut donc dire l'ouverture du marché français à la concurrence des autres sociétés européennes. Il y a deux semaines, on interrogeait à ce propos Sylvain Zimmer , fondateur du site Jamendo, qui propose des licences d'utilisation commerciale garanties exonérées de redevance à des organismes de collecte et de gestion des droits d'auteurs (Sacem, SPRE, SABAM, SOCAN, etc.). Il nous indiquait : «On regarde ça de près. On sait que ce n'est qu'une question de temps. A la Sacem, eux savent que c'est au-dessus de leur tête, et c'est à ça qu'ils pensent en allant se coucher.» Et de nous raconter être déjà en contact avec d'autres sociétés de collecte européennes.

La Commission invite toutes les parties intéressées à présenter, d'ici au 30 juin 2009, leurs observations.

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