Vers un Net économe

Vision d’avenir. Internet, qui consomme près de 1% de la production électrique mondiale, devra faire des économies d’énergie, selon Paul Marcoux, vice-président de la firme Cisco.
par Pierre Vandeginste
publié le 16 septembre 2008 à 8h07

Ils consomment, discrètement mais sûrement, 0,8 % de la production électrique mondiale, soit 123 milliards de kilowattheures. Eux, ce sont les 35 millions de gros ordinateurs alignés dans les «fermes de serveurs» - les data centers - qui travaillent au bon fonctionnement d'Internet. Aujourd'hui, l'industrie cherche la voie de la sobriété, explique Paul Marcoux, vice-président en charge de l'«informatique verte» de la firme californienne Cisco, leader mondial des «solutions réseaux» pour Internet.

Comment imaginez-vous une «informatique verte» ?

_ L’idée de vouloir réduire les consommations énergétiques des systèmes informatiques et les émissions de gaz à effet de serre qui les accompagnent date de deux ans à peine. Des solutions commencent à émerger. Mais c’est avant tout une question de culture, de compétences, et de méthodologies à acquérir par les entreprises informatiques : leurs responsables doivent penser globalement le matériel, le logiciel et les télécommunications, mais aussi la gestion énergétique, la climatisation, bref, tout ce qui fait l’efficacité d’une informatique.

D’où viendront les économies ?

_ D’abord, d’une pratique appelée «virtualisation» : faire cohabiter, sur un même serveur, des applications conçues pour travailler seules sur une machine. On peut, du coup, réduire le nombre de serveurs sous tension. Pour aller plus loin, il faut s’intéresser aux logiciels qui tournent. Sont-ils efficaces ? Peut-on les améliorer ? Par exemple, on rencontre des programmes qui vérifient à tout bout de champ si un événement est arrivé. Mais est-il vraiment utile d’aller voir si du courrier est arrivé sur le serveur de mail à chaque seconde ? En réécrivant ou en remplaçant un logiciel inefficace, on économise immédiatement de l’énergie.

Les constructeurs proposent-ils déjà des serveurs moins gourmands ?

_ Ils proposent des «options» sur lesquelles les responsables jouent pour faire tourner leurs ordinateurs de manière plus ou moins économique. Mais si la possibilité existe, encore faut-il l’exercer à bon escient, car chaque option d’économie se traduit par une baisse de performance. Ainsi, si une unité centrale passe en mode veille dès qu’elle n’est pas sollicitée pendant quelques secondes, on sait qu’il y aura un délai pour la réveiller. Et à force de faire ainsi baisser la puissance totale disponible, on peut finir par en manquer. Il faut alors faire marche arrière en désactivant certaines de ces options, ou bien installer des serveurs supplémentaires. Il faut agir avec une vision globale.

La facture électrique dépend-elle d’autres facteurs ?

_ Dans la gestion d’un centre, il faut se préoccuper des «antiquités», ces équipements vieux de plus de cinq à sept ans. En effet, chaque watt de puissance de calcul qui entre dans un data center doit être refroidi. Il faut consommer environ 1,2 watt pour refroidir un watt. Or, les vieux ordinateurs fonctionnent avec un très mauvais rendement.

Ensuite, il y a la question de la disposition physique du centre, dont dépend l’efficacité de la climatisation. Un exemple caricatural mais bien réel montre combien il est important de s’assurer de l’étanchéité des armoires électroniques. Il faut savoir que les espaces non utilisés dans ces dernières permettent à de l’air chaud sortant des serveurs de repasser du côté de l’air frais, créant une sorte de court-circuit dans la climatisation. Si vous ne faites rien, cela peut vous ajouter 10 ou 15 % à votre facture d’électricité. Il suffit d’obturer ces espaces à l’aide de banals morceaux de plastique…

Au-delà de ces économies, songe-t-on, dans le domaine des serveurs du Net, à se convertir aux énergies renouvelables ?

_ Certainement. L’exemple de Google, qui a installé un centre tout près d’un barrage hydroélectrique dans l’Oregon, sera suivi. Quant à la production d’énergie sur site à l’aide d’équipements tels que les piles à combustible, elle va certainement se répandre.

Paru dans Libération du 16 septembre 2008

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