Menu
Libération

Vidéo: le CSA refuse le statu quo sur le statut de YouTube et Dailymotion

par Sophian Fanen
publié le 6 juin 2012 à 18h31
(mis à jour le 6 juin 2012 à 19h46)

C'est un serpent de mer , mais puisqu'il ressort à nouveau et risque de ressortir encore pendant le vaste débat sur le numérique après Hadopi qui doit s'ouvrir cet été, allons-y pour un tour de plus: le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) veut à nouveau remettre en question le statut d'hébergeur de YouTube et Dailymotion (et de tous les sites du genre).

«Le Conseil s'interroge sur la [différence] faite par le législateur en 2009 entre les services de médias audiovisuels à la demande [les Smad, soit la VOD, ndlr] et ceux qui permettent au public de mettre en ligne des vidéos [YouTube et Dailymotion, ndlr]. En effet, parmi ces dernières, celles qui sont les plus regardées sont très souvent des œuvres ou extraits d'œuvres audiovisuelles ou cinématographiques, pour lesquelles des services tels que YouTube ou Dailymotion versent d'ailleurs des rémunérations au titre du droit d'auteur et des droits voisins», écrit Michel Boyon, le président du CSA, dans une lettre citée aujourd'hui par la Tribune et adressée en mars à Giuseppe de Martino, secrétaire général de Dailymotion, président de l'Association des sites internet communautaires (Asic) et membre du Conseil national du numérique (CNN). Pour Michel Boyon, YouTube et Dailymotion font en outre un «travail» d'éditeur en éditorialisant leurs pages d'accueil.

Ce n'est pas la première fois que le CSA met ce dossier sur la table, avec avant toute chose l'intention d'imposer à YouTube et Dailymotion une participation financière à la création audiovisuelle française, comme le font les chaînes de télévision classiques. Un changement de statut des plateformes de streaming vidéo les obligerait également à se plier à une série de contraintes qui seraient difficilement compatibles avec la liberté qu'elles offrent à tout internaute d'y mettre à disposition une vidéo de son choix: protection des mineurs ou respect de quotas de diffusion et de production d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes...

Dans YouTube, on peut aussi expliquer comment on uploade une vidéo dans YouTube.

Ce qui n'empêche pas la réflexion sur leur participation au financement du cinéma ou de la télévision, qui figurait indirectement dans le programme de François Hollande, de faire son chemin. Partant du principe que certains sites, dont YouTube, Dailymotion ou Google, profitent de la circulation d'œuvres culturelles via leurs revenus publicitaires, l'équipe du nouveau président souhaitait (et souhaite encore?) les faire participer au financement de la création. Comment, ce sera entre autres la question posée lors de la concertation sur l'après-Hadopi.

D'autant qu'à ce jour, la demande du CSA va à l'encontre d'une série de décisions de justice qui ont solidifié le statut d'hébergeur revendiqué par YouTube et Dailymotion. Le 29 mai encore, le tribunal de grande instance de Paris a confirmé ce statut dans une affaire opposant TF1 et YouTube . Quant à la mise à disposition d' «œuvres ou extraits d'œuvres audiovisuelles ou cinématographiques» , elle n'est possible que parce que les ayants droits, qui sont souvent des chaînes de télévision, ont trouvé un accord avec YouTube, par exemple, pour les valoriser dans le respect des droits d'auteur et droits voisins -- et donc ne pas demander leur retrait. Pour la justice française, YouTube et Dailymotion ne sont donc pas responsables du contenu qui circule sur leurs serveurs tant que ces entreprises se plient aux demandes de suppression et/ou réclamations soumises par les ayants droit, et qu'elles respectent la loi française en matière d'accès à la pornographie ou à la violence.

S'ajoute à ce corpus français une directive européenne de 2007 transposée en 2009 et «portant sur l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle» . Ce texte stipule entre autres (au point 16) que «la définition du service de médias audiovisuels devrait couvrir exclusivement les services de médias audiovisuels, que ce soit de la radiodiffusion télévisuelle ou à la demande [...], mais exclure les activités [...] qui ne sont pas en concurrence avec la radiodiffusion télévisuelle, comme les sites web privés et les services qui consistent à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échange au sein de communautés d'intérêt.»

Réagissant pour la Tribune à cette nouvelle offensive menée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, Giuseppe de Martino a sèchement estimé que «le CSA, de peur d'être un jour démantelé, continue à rêver au jour fou où il pourrait avoir vocation à regarder ce qui passe sur Internet (ce qui serait une vraie découverte pour ses membres)» .

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique