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par Camille Gévaudan
publié le 28 avril 2010 à 11h53

«La TVA monte, les prix aussi !» Certes, le slogan est nettement moins accrocheur lorsqu'il est tourné dans ce sens, et il y a peu de chances qu'on le lise un jour sur une belle étiquette, collée sur les factures d'abonnement à Internet comme les restaurateurs le font sur leur menu. Il s'agit pourtant d'un scénario tout à fait sérieux, puisque la Commission européenne remet actuellement en question la TVA réduite à 5,5 % dont bénéficient partiellement les opérateurs français.

Ce régime particulier remonte à fin 2003, date à laquelle débarquait sur le marché la première offre combinant accès à Internet et à la télévision par ADSL. Free, qui avait déjà tout compris, a obtenu de l'administration fiscale que la moitié «TV» de ce double forfait soit traitée exactement comme un service de télévision traditionnel -- donc culturel, et donc allégé à 5,5 %. En contrepartie, depuis 2008, les opérateurs proposant du dual play se sont engagés à soutenir le cinéma et l'audiovisuel et versent près de 100 millions d'euros annuels au compte de soutien géré par le CNC (COSIP). Ce compromis négocié entre le gouvernement français et les FAI semblait satisfaire tout le monde, jusqu'à ce qu'une plainte déposée par un particulier ne lui fît passer les frontières et tomber sous la loupe de Bruxelles, le mois dernier.

Et là, c'est le drame : le régime privilégié des FAI hexagonaux viole sept articles de la directive européenne sur la TVA. D'abord, il était formellement interdit de réduire la TVA sur les «services fournis par voie électronique» , quel que soit leur contenu. Ensuite, les opérateurs ont abusé des conditions offertes par le gouvernement car il semblent se ficher éperdument de savoir si l'abonné, à l'autre bout du fil, profite vraiment de sa télé par ADSL. «Dans certains cas, l'application de la TVA réduite est complètement déconnectée de la fourniture même du service bénéficiant de la TVA réduite» , constate Algirdas Semeta, commissaire européen chargé de la fiscalité. «Par exemple parce que le client n'a pas le décodeur nécessaire, ou parce que la TV n'est pas accessible pour des raisons techniques.» Et enfin, la directive européenne stipulait clairement qu'on ne peut appliquer différents taux que lorsqu'on fournit différentes prestations, bien «distinctes» . Les forfaits triple play tels qu'ils sont actuellement conçus ne rentrent pas dans cette définition : ils se contentent de fournir un débit global de connexion, qui est divisé en trois services par le matériel de l'abonné. Le commissaire lituanien rappelle donc qu' «un seul taux de TVA devrait être appliqué. Ce taux serait en principe le taux normal, sauf s'il est établi que la TV constitue la prestation principale» .

Suite à cette mise en demeure, le ministère du Budget dispose de deux mois pour modifier sa législation ou dégoter une astuce magique qui ferait rentrer les pratiques des FAI dans le strict carcan de la directive européenne. Faute de quoi Bruxelles pourra réitérer l'avertissement sous la forme d'un «avis motivé», puis saisir la Cour européenne de justice pour annuler la TVA réduite.

Les fournisseurs d'accès prendraient alors un sacré coup au portefeuille, et envisagent déjà de le répercuter sur la facture de leurs abonnés. Alors... 29,90euros plus 1,17euro pour la taxe publicité, plus le financement d'Hadopi et celui du filtrage prévu par la Loppsi, plus la contribution à la carte musique jeunes, sans oublier une petite aide au déploiement de la fibre optique, plus cette majoration de la TVA, plus huit moins cinq, seize moins quatre -- attention y a un piège -- et le tout au carré, ça fera combien par mois ? 42 ? Pourquoi pas. Xavier Niel avait déjà évoqué une hausse de 5 euros mensuels pour couvrir la fameuse taxe compensant la fin de la publicité sur France Télévisions, et la fin de la TVA réduite ajouterait encore «plusieurs euros» selon Yves Le Mouël, directeur général de la Fédération française des télécoms. Il dit craindre «une véritable catastrophe pour les abonnés, qui bénéficient aujourd'hui d'un prix très, très compétitif en Europe» .

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