Wii à la rééducation par le sport

Innovation. La célèbre console de jeu vidéo a été détournée par des ergothérapeutes, dans des hôpitaux anglo-saxons. Ses bénéfices pour la santé restent à évaluer.
par Mathieu RACHED
publié le 6 mai 2008 à 3h20

Boxer, jouer au golf, au tennis, au bowling, en pleine période de rééducation suite à une opération chirurgicale, un arrêt cardiaque, un accident vasculaire cérébral (AVC) ? C'est presque possible dans une poignée de cliniques, aux Etats-Unis, au Canada, et plus récemment en Angleterre. Presque, car les exercices sportifs se font dans une chambre d'hôpital, debout ou assis selon l'état des patients, grâce à la Wii, la célébrissime console de jeu sans fil produite par Nintendo. Et plus précisément à son jeu Wii Sports, variante du Wii Fit qui menace de changer votre salon en salle de gym sudatoire (Libération du 28 avril).

Moteur et cognitif. A l'initiative des ergothérapeutes, le jeu a franchi les portes de l'hôpital Glenrose, à Edmonton au Canada, d'un hôpital de l'Illinois, d'un autre à Chicago, à Raleigh, ou du plus grand hôpital militaire américain hors Etats-Unis, celui de Landstuhl, en Allemagne. Au total, depuis l'été 2007, «une trentaine d'hôpitaux américains» se seraient déjà équipés ou seraient en voie de le faire, selon Lars Oddsson, directeur du département de rééducation du Sister Kenny Hospital de Minneapolis, l'un des premiers à avoir eu la Wii Sports, baladée sur un chariot de chambre en chambre.

Le principe de l'exercice : une télécommande sans fil à la main, le patient tente de reproduire les gestes du sport choisi tout en regardant son avatar réaliser la performance sur l'écran de télévision. Il s'entraîne ainsi à réaliser, en jouant, des gestes relevant des exercices thérapeutiques classiques. Equilibre, coordination manuelle, force motrice, coordination des yeux. Lars Oddsson observe ses patients s'appliquer à travailler leur revers, découvrir les joies du double direct ou enchaîner les strikes.«Ils récupèrent en mobilité et en autonomie», assure le médecin, résolument emballé. Le patient réalise un travail à la fois moteur et cognitif en étant «concentré sur ce qu'il fait et sur ce qu'il se voit faire à l'image», explique Aude Meyer, ergothérapeute à l'hôpital de Garches, dans les Hauts-de-Seine. Ajoutez à cela un zeste de compétitivité et de dépassement de soi, inhérent à tout jeu vidéo, et le compte est bon. Pour le patient, et pour Nintendo qui se voit gratifié d'une application de son produit désormais baptisée «Wii thérapie».

Complément. L'orthopédie française se laissera-t-elle gagner par cet enthousiasme anglo-saxon pour le jeu vidéo ? Le centre de rééducation de Berck (Pas-de-Calais) a prévu de mettre la Wii au programme de son plan d'équipement de l'année prochaine. L'idée lui a été soufflée par une étudiante stagiaire qui a fait de ce nouvel outil de «soutien thérapeutique» son sujet de mémoire.

Effet de mode ou outil paramédical ? Nintendo, qui a vendu en un an 6 millions de Wii en Europe, dont 1,2 million en France, affirme être «surpris» de l'appropriation de son rejeton par des ergothérapeutes. De fait, il n'existe à ce jour aucune étude permettant d'évaluer les bénéfices santé de la console Wii. Lars Oddsson, qui estime qu'elle est un bon complément aux exercices de rééducation conventionnelle en milieu hospitalier, lui prédit un grand avenir au domicile des patients. Il projette de lancer, en collaboration avec des ingénieurs de l'université du Minnesota, une étude sur la convalescence Wii-assistée. Il s'agira de «tester scientifiquement» les effets du tennis, du bowling et de la boxe de salon.

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