Wikileaks : Bradley Manning officiellement accusé d'aide au terrorisme

publié le 16 mars 2012 à 11h52
(mis à jour le 16 mars 2012 à 11h57)

On pouvait se demander jusqu'où irait le gouvernement américain dans ses charges contre Bradley Manning, soupçonné d'avoir fourni des informations à Wikileaks. On sait aujourd'hui que l'accusation va s'appuyer sur l'argument massue du terrorisme, sans doute pour éviter que le débat ne se déplace vers celui du premier amendement qui protège la liberté d'expression et la liberté de la presse. Le gouvernement accuse donc le soldat Manning d'avoir aidé Al-Qaïda en transmettant des milliers de documents militaires et de câbles diplomatiques. Rien que ça. La défense a réclamé un non-lieu pour manque de transparence.

L'ancien analyste de renseignements en Irak a été formellement accusé fin février de «collusion avec l'ennemi» et cet ennemi a été identifié jeudi lors d'une audience préliminaire à Fort Meade (Maryland, Est), présidée par la juge militaire, Denise Lind. «Qui est l'ennemi?» , a déclaré la magistrate, en lisant une question de la défense. «La réponse est: Al-Qaïda dans la Péninsule arabique» , a-t-elle ajouté en citant l'accusation. Elle a également précisé, en réponse à une autre demande de la défense, que Bradley Manning avait «aidé l'ennemi» en «transmettant des informations via le site internet WikiLeaks» .

Le soldat de 24 ans tout frêle dans son uniforme militaire vert foncé a gardé le silence la quasi totalité de l'audience, assis entre ses avocats dans ce tribunal installé sur la base militaire de Fort Meade, à une centaine de kilomètres au nord de Washington. S'il est reconnu coupable, il encourt la prison à vie.

Lors de cette audience consacrée à l'examen des requêtes de la défense portant essentiellement sur l'accès aux éléments à charge, l'avocat civil de Bradley Manning a demandé un non-lieu, estimant que le gouvernement ne se pliait pas au règlement militaire en refusant de fournir ces informations qui pourraient être précieuses à la défense.

«Le gouvernement doit fournir tous les éléments nécessaires à la défense ce qu'il a continuellement refusé» , a plaidé Me David Coombs. «La règle c'est la règle» et «le gouvernement ne respecte pas ses obligations» et il le fait «intentionnellement» . Maître Coombs a également réclamé que le gouvernement produise une «évaluation des torts» que les fuites dont est accusé Bradley Manning auraient causé à la sécurité nationale. Il a évoqué une déclaration de l'ancien secrétaire à la Défense Robert Gates, qui aurait minimisé les conséquences diplomatiques de ces fuites. Le procureur militaire Ashden Fein a pour sa part affirmé que le département d'Etat n'avait «pas terminé l'évaluation des dégâts» .

A la demande de Me Coombs de produire une cassette vidéo qui montrerait les interrogatoires musclés de Bradley Manning à la prison de Quantico en Virginie (Est), le capitaine Fein a rétorqué que «cette vidéo n'existe pas» . Un rapporteur de l'Onu a estimé que Manning a subi «un traitement cruel, inhumain et dégradant» lors de sa détention préventive.

Le capitaine Fein a précisé que le gouvernement s'était «plié» à ses obligations pour tous les éléments «en sa possession» à l'exception de ceux qui sont classifiés, comme le veut le règlement. «Il y a un désaccord fondamental» entre la défense et l'accusation sur le règlement militaire, a expliqué à la presse un expert militaire, lors d'une pause.

La juge Denise Lind se prononcera sur la demande de non-lieu présentée par la défense à une date indéterminée. Cette audience préliminaire se poursuivra aujourd'hui vendredi et l'accusé devrait alors connaître la date de son procès. La juge se prononcera en outre sur une liste de six ou sept témoins, responsables militaires et civils chargés de classifier les documents.

Les avocats de Manning dénoncent régulièrement un manque de transparence du gouvernement et réclament davantage d'accès aux éléments de preuves qui seront présentés au procès. Bradley Manning est accusé d'avoir transmis au site internet WikiLeaks, entre novembre 2009 et mai 2010, des documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que 260000 dépêches du département d'Etat, déclenchant une tempête dans la diplomatie mondiale. Il n'a pas annoncé s'il plaiderait coupable ou non coupable.

(avec AFP)

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