Menu
Libération

Wikipédia veut se racheter une conduite

par Frédérique Roussel
publié le 19 octobre 2007 à 0h54

Wikipédia ouvre aujourd'hui son premier colloque francophone à la Cité des sciences et de l'industrie de Paris (1). «Wikipédia n'est plus un projet un peu loufoque et utopique», explique le préambule à cette rencontre. Dans le vaste paysage d'Internet, l'encyclopédie collaborative libre pèse lourd. Initiée aux Etats-Unis en 2001 par Jimmy Wales, elle se décline désormais en plus de deux cents langues (et même, pour la petite histoire, en klingon, langue extraterrestre de la série Star Trek). Sa version anglophone dépasse les 2 millions d'articles, la française comptabilise plus de 570 000 entrées. Depuis près d'un an, Wikipédia se situe au rang des dix sites les plus consultés au monde, d'autant que son référencement dans les moteurs paraît soigné aux petits oignons.

Si Wikipédia, fruit d'une formidable fourmilière de bénévoles qui apportent leur petite pierre de tous les coins de la planète, n'est plus vraiment une utopie, elle demeure la cible de nombreux détracteurs. Le principal reproche porte sur son manque de fiabilité. Les erreurs ou les actes de vandalisme jalonnent sa croissance exponentielle. Parmi les cas célèbres, celui de John Seigenthaler décrit pendant cent trente deux jours comme suspect dans l'assassinat de John Kennedy. Dernier «dérapage» en date, une nécrologie de l'Anglais Wayne Barnes qui a arbitré le match de la France contre les All Blacks : des supporteurs l'ont enterré de rage en affirmant qu'il avait été «lynché» par la foule après le match. Les biographies des vivants de ce monde demeurent des pages sensibles.

«Quand j'ai commencé à contribuer, il y a trois ans, la question des sources était anecdotique, explique l'historienne de l'environnement Valérie Chansigaud de Wikimédia France (qui gère Wikipédia). Aujourd'hui, il ne se passe pas une discussion sans que les sources ne soient évoquées.» La validité est devenue le noeud de tous les débats qui tournent autour de Wikipédia. «Comment attirer les spécialistes garants de la qualité de nombreux articles ? Comment sensibiliser les utilisateurs, notamment les plus jeunes, à contrôler la fiabilité de ses informations ? Comment solliciter et s'appuyer sur un réseau d'experts ?» Autant de questions débattues au colloque.

Confrontée à des attaques virulentes, la fondation Wikimédia planche sur plusieurs pistes. Un nouveau projet, baptisé paradoxalement «1.0», prévoit de trier le bon grain de l'ivraie. Wikipédia 1.0, qui sera appliqué en France dans les mois prochains, vise à identifier les articles les plus fiables, repérables notamment par une bannière, et certifiés par des avis d'experts. Un site de réflexion sur la qualité (Quality.wikimedia.org) a aussi été ouvert. Une étude, comme celle réalisée par la revue Nature qui avait comparé une sélection d'articles de la Britannica et de Wikipédia, pourrait être lancée.

«Comment vous faites pour vous fier à quelqu'un ?, interroge Jean-Daniel Fekete, chercheur en informatique à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) et qui participe à une enquête nationale sur les réseaux sociaux en ligne. Au-delà des systèmes de validation automatiques ou manuels qu'on peut constamment améliorer, il fautéduquer les internautes à savoir croiser les informations.»

Est-ce la défiance qui a réduit l'activité de la communauté Wikipédia anglophone depuis six mois, comme observé par un de ses membres, Dragons_flight ? Cette baisse de régime vient de ce qu'«on s'oriente de plus en plus vers la qualité», dixit Valérie Chansigaud. Wikipédia arriverait à un âge de la vie où il vaut mieux réfléchir que courir.

(1) Colloque.wikimedia. fr/2007/

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique