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Will Wright: «Avoir à la fois un microscope et un télescope»

Will Wright, 48 ans, père des «Sims» et créateur de «Spore», revient sur la genèse de son jeu.
par Bruno Icher
publié le 30 août 2008 à 13h05

Will Wright, 48 ans, est le créateur de Spore mais aussi des fameux et très populaires SimCity et les Sims. Depuis plus de vingt ans, il est l’âme du studio Maxis, qu’il cofonde avec Jeff Braun en 1987, et qui sera absorbé dix ans plus tard par le géant Electronic Arts, premier éditeur mondial de jeux vidéo. Les Sims restent à ce jour le jeu vidéo le plus populaire de l’histoire En attendant Spore ?

Quelles sont les origines de Spore ?

_ Le jeu s’inspire principalement du goût que peuvent manifester les joueurs pour la création d’objets et de créatures vivantes qu’ils vont pouvoir manipuler à leur guise. Cette attirance pour la créativité est universelle. L’autre source d’inspiration relève davantage de la science fiction, avec en ligne de mire l’idée de pouvoir observer l’univers en cours de formation, depuis la plus grande échelle possible jusqu’à la plus petite. Avoir à sa disposition à la fois un microscope et un télescope. En même temps. C’est l’observation de la vie elle-même qui est au centre de ce jeu. La vie en général, mais aussi sa propre vie.

Combien de temps a été nécessaire pour développer ce jeu ?

_ Au total, sept ans. Deux ans de recherches d’abord, avec beaucoup de lectures scientifiques. Ensuite, il y a environ cinq ans, j’ai réuni une équipe pour commencer à en poser les bases. La suite, de manière classique, a ­consisté à monter en puissance pour régler les très nombreux détails qui le composent. Pour autant, malgré tout ce temps de développement, le jeu dans sa forme aboutie est très proche de la vision que j’en avais à l’origine. Principalement sur l’aspect nécessairement social que devait posséder le jeu. Je voyais bien que l’usage du Web s’orientait de plus en plus vers ce type de comportements, avec des connexions entre individus de plus en plus nombreuses. Cela a été une des bases de la conception.

Spore est-il un jeu web 2.0 ?

_ Bien entendu, c’est son ambition. Utiliser comme source de loisirs cette tendance qui consiste à s’amuser en fabriquant des choses et à les faire partager à l’ensemble d’une communauté est ce qui constitue son originalité. Cela ne signifie pas que tout le monde aime ce type de fonctionnement. Certains préfèrent par exemple créer et faire évoluer leurs propres contenus puis l’organiser.

Aux Etats-Unis, le débat opposant les darwinistes aux créationnistes est très virulent. Spore est en même temps un jeu divin et un jeu évolutionniste…

_ En premier lieu, ce débat est un phénomène qui concerne exclusivement l’Amérique. Cela dit, dans Spore, vous êtes en position d’être l’architecte de votre propre univers même si vous ne maîtrisez pas tous les éléments de l’évolution. Vous veillez à l’évolution de l’espèce que vous avez créée et vous êtes tributaire de l’évolution des autres. Je dois reconnaître que, pour l’instant, nous n’avons subi aucune pression d’aucune sorte émanant d’associations conservatrices américaines. En outre, je ne pense pas que ce jeu soit de nature à bouleverser qui que ce soit.

Que pensez-vous des premières créatures «incorrectes», notamment pornos ?

_ Cela m’amuse. Les créatures sexuelles ont été parmi les plus rapides à arriver sur le Net ! Mais ma grande satisfaction a été de réunir une aussi large communauté autour du jeu, de déclencher cette envie de partager du contenu créé par les utilisateurs eux-mêmes.

En tant que créateur des Sims, que pensez-vous de la généralisation des avatars sur les plates formes sociales de tous les constructeurs ? Vous sentez-vous prophète ?

_ Certainement pas. Je crois que nous sommes tous des joueurs et que nous aimons nous représenter nous-mêmes dans l’image, à l’intérieur du jeu. Quand nous nous sommes lancés dans Spore, nous avons surtout pris soin d’observer le comportement des joueurs, leurs nouvelles habi­tudes. Je ne suis donc pas sûr que le soin attentif que nous avons apporté à cela et notamment ­l’investissement émotionnel des joueurs à générer leur propre contenu soit prophétique. C’est simplement la manière dont évolue actuellement le jeu vidéo.

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