«Xenoblade Chronicles», plus belle la Wii

par Olivier Seguret
publié le 28 septembre 2011 à 11h08

A son échelle, la sortie en France de Xenoblade Chronicles est un considérable événement, célébré comme tel par le public ciblé qu'il vise en priorité. Ces amateurs de JRPG (jeux de rôles japonais), fidèles et absolutistes, l'ont déjà acquis. Ils l'ont exploré, adoré et célébré sur de nombreux blogs et sites. Reste à convaincre tous les autres de ce qu'ils ratent. Si l'on en jugeait à la seule base installée de la Wii en France, le potentiel serait énorme. Mais le genre ici pratiqué est réputé difficile, fumeux, superficiel, mécanique : voilà pourtant tout ce que Xenoblade Chronicles n'est pas. Et l'injustice de son manque de visibilité vis-à-vis de grosses machines moins respectables est d'autant plus cruelle que ce JRPG-là est des plus accessibles.

Cela ne l'empêche pas de déployer une ambition superbe et effrontée en termes de scénario, de personnages et de dialogues. Sous une aventure dont les canons respectent l'architecture classique de sa catégorie (six personnages à rassembler, des terres inconnues à investir, des monstres baroques à soumettre et une quête principale à accomplir : la belle affaire !), c'est à une complète rénovation du genre que les développeurs de Monolith Software se sont attelés. Avec à leur tête le très estimé Tetsuya Takahashi, game-designer en chef des précédents Xenogears et Xenosaga , ils ont développé une bienveillance exceptionnelle à l'égard du joueur. Fluidité des interfaces, richesse des options, instantanéité de l'affichage malgré la magnitude continentale des décors, rapidité bondissante des combats : Xenoblade tintinnabule de charmes. On y éprouve du coup cet étrange paradoxe propre aux meilleurs jeux : ce moment où la discipline douce et efficace acquise par le joueur fructifie et se libère en maîtrise. Nous ne sommes plus l'esclave du jeu, ni son élève, mais son maître.

A ce degré de sophistication et de profondeur dans le gameplay, le critique se trouve devant un défi chimérique, impraticable : rendre compte de tout, faire justice à chaque figure de style, chaque trouvaille ou construction ludique, passer quelques mois parmi les reliefs, recoins et courbes de Xenoblade , prendre le recul nécessaire pour mieux le digérer et commencer enfin à y réfléchir…

A la place, le lecteur-joueur se voit donc imploré de faire confiance au critique comme celui-ci fait confiance à un jeu qu'il n'a pas achevé. Le finir peut d'ailleurs être un non-objectif : comme avec ces livres que l'on redoute de refermer, on sera peut-être tenté de repousser infiniment la conclusion du plaisir que le jeu nous donne, d'en retarder l'horloge. D'abondantes diversions s'offrent tout exprès à ce ralentissement délicieux, dont une infinité de quêtes secondaires. Aux yeux de nombreux joueurs, le souffle épique, le sentiment exalté de la liberté et les proportions immenses de Xenoblade le rapprochent de l'excellent Final Fantasy XII . Il pourrait en être aussi l'équivalent symbolique pour la console qui l'accueille : FF XII fut le dernier grand JRPG de la PS2 ; certains prédisent que Xenoblade sera le bouquet final de la Wii, dont le successeur est attendu l'an prochain.

Paru dans Libération mardi 27 septembre 2011.

Xenoblade Chronicles

_ pour Wii (45 €).

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