Sur Internet Explorer, Yahoo pistera sans consentement

par Camille Gévaudan
publié le 29 octobre 2012 à 18h47

Microsoft a frappé un grand coup la semaine dernière en lançant simultanément sa première tablette faite maison, baptisée Surface, son nouveau système d'exploitation Windows 8, et bien sûr toute une flopée de logiciels nouveaux, remis à jour et/ou entièrement revisités. Parmi eux, il y a Internet Explorer. Un navigateur qui fut un jour en position quasi-monopolistique sur le net, mais qui souffre aujourd'hui d'une image de logiciel perpétuellement obsolète : moins sécurisé que ses concurrents, presque totalement dépourvu d'add-ons et autres «modules complémentaires» devenus indispensables sur les navigateurs concurrents, et surtout moins performant dans l'affichage des sites web les plus récents car il respecte mal les «standards» du web. De plus en plus délaissé par les internautes au cours de ces dernières années, Internet Explorer (IE pour les intimes) a récemment perdu sa place de leader mondial au profit de Google Chrome.

Parts de marché des principaux navigateurs selon les chiffres de Statcounter . En bleu, Internet Explorer, qui a perdu récemment sa place de leader mondial.

Avec Internet Explorer 10, Microsoft voudrait inverser la tendance. Pour redorer son blason, il a notamment mis le paquet en matière de protection de la vie privée en devenant le premier navigateur à cocher par défaut l'option «Ne pas me pister» dans les paramètres du logiciel. Cette petite case, inventée par Firefox, permet aux internautes de signaler automatiquement aux sites visités qu'ils refusent de voir leur données personnelles (adresse IP, historique de navigation...) exploitées à des fins publicitaires. Sur Firefox, Safari et Opera, la petite case est présente mais n'est pas cochée lorsqu'on installe le navigateur. Sur Internet Explorer 10, elle l'est. Microsoft imaginait ainsi prendre une longueur d'avance...

Sauf que cette décision ambitieuse est très mal accueillie. Le refus du pistage publicitaire est certes une avancée dans la protection de la vie privée des internautes, et l'option« Ne pas me pister» est en passe de devenir une norme des navigateurs -- la Commission européenne demande d'ailleurs d'accélérer le processus . Mais cela doit rester un choix délibéré de l'utilisateur. C'est ainsi que c'est prévu dans les documents encadrant la standardisation : «le but de cette option est de permettre à l'internaute d'exprimer sa préférence personnelle sur le pistage publicitaire. [...] Elle doit refléter le choix de l'utilisateur, et non celui d'un marchand ou d'une institution via un mécanisme non contrôlé par lui.»

En allant à l'encontre des recommandations officielles, Microsoft s'est donc exposé au risque de ne pas être respecté, à son tour, par les annonceurs publicitaires. Et la première sanction est tombée aujourd'hui : Yahoo vient d'annoncer qu'il compte ignorer purement et simplement l'option «Ne pas me pister» lorsqu'elle provient d'un internaute surfant avec IE 10. «Selon nous, cette décision unilatérale de Microsoft dégrade l'expérience d'une majorité d'utilisateurs et rend difficile nos engagements envers eux» , justifie le communiqué de Yahoo. Le portail Internet compte en effet sur le ciblage comportemental des internautes (c'est-à-dire l'étude de leurs habitudes de navigation) pour leur proposer, en page d'accueil, des articles d'actualité personnalisés .

La réaction de Yahoo est une très mauvaise nouvelle pour l'option anti-pistage, qui vient de perdre une partie de sa valeur sur Internet Explorer 10. On ne sait pas si cela suffira à convaincre Microsoft de faire machine arrière, et on attend la réaction des défenseurs de la vie privée. Car si la décision de Microsoft était effectivement unilatérale, celle de Yahoo l'est tout autant.

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