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Libération

Youtube doit-il conserver le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de ses utilisateurs ?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 16 mars 2009 à 15h13
(mis à jour le 16 mars 2009 à 15h57)

A son tour, le 4 décembre dernier, l'humoriste Roland Magdane a assigné YouTube pour la diffusion non autorisée de seize de ses sketchs ( Benoît , Le dentiste , La revue de presse , etc.). Il réclame à la plate-forme de vidéos en ligne des dommages et intérêts, ainsi que les données personnelles des internautes ayant mis en ligne les vidéos litigieuses.

Selon l'ordonnance de référé , rendue le 5 mars dernier par le Tribunal de Grande Instance de Paris, les demandeurs réclamaient à YouTube 10000 euros de dommages et intérêts pour Roland Magdane et 50000 euros pour la société Matex Productions. Mais aussi, l'humoriste demandait que lui soient communiqués les « noms, prénoms adresse, numéro de téléphone, et/ou raison sociale, nom du représentant légal, forme sociétale et/ou associative de l'éditeur se cachant sous divers pseudonymes » des internautes ayant mis en ligne ces vidéos. Et que YouTube de « paye en sus» d'autres dommages et intérêts si la société n'avait pas conservé ces données.

Pour sa part, la société YouTube soutient qu'en sa qualité d'hébergeur, au sens de la LCEN (Loi pour pour la Confiance dans l'Economie Numérique) , sa responsabilité doit être écartée car «elle a promptement retiré les fichiers qui lui ont été signalés comme illicites» . Concernant la demande de production des données personnelles des internautes, YouTube explique qu'il n'a pas obligation de fournir ces informations. Il estime que suffisant de conserver l'email et l'adresse IP de ses abonnés, considérant l'adresse IP comme «une donnée à caractère personnel» qui permet «d'identifier une personne en indiquant sans aucun doute possible un ordinateur précis et qui établit la correspondance entre l'identifiant attribué lors de la connexion et l'identité de l'abonné» .

Youtube explique que selon l'article 6-II, il est bien prévu que «les hébergeurs doivent établir et conserver les données de nature à permettre l'identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l'un des contenus des services dont ils sont prestataires» , mais que le décret en Conseil d'Etat devant définir ces données, n'a pas ce jour été promulgué. Résultat, les décisions varient selon les juges.

Par exemple, le 14 novembre dernier, dans un jugement au fond (affaire Lafesse contre Youtube ), le TGI de Paris a estimé que YouTube, en sa qualité d'hébergeur, devait collecter et fournir non seulement les mails et IP, mais aussi les noms, prénoms, domicile et numéros de téléphone des internautes. Alors que le 7 janvier dernier, dans une ordonnance en référé ( affaire Raphaël Mezrahi-YouTube ), le TGI de Paris a estimé qu'il n'avait pas à fournir d'autres informations que l'e-mail et l'adresse IP. Il déclarait ainsi : «la loi n'impose pas aux hébergeurs de détenir ces données et en détenant et conservant l'adresse e-mail ainsi que l'adresse IP des éditeurs qui sont de nature à permettre leur identification, la société Youtube remplit l'obligation que lui impose l'article 6-II de la LCEN. Dès lors, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge les frais nécessaires à l'obtention des informations réclamées par les demandeurs».

Dans l'ordonnance du 5 mars dernier, la vice-présidente du TGI de Paris a condamné YouTube à payer 1500 € à titre de dommages-intérêts à Roland Magdane et à la société Matex Productions, mais rejeté «la demande de communication» , ainsi que «la demande de provision à valoir sur les frais de justice nécessaire à l'obtention des données réclamées par les demandeurs» , au motif que le décret n'est pas promulgué. Selon le site Legalis , il serait attendu dans les semaines à venir.

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