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Libération

Youtube s'invite dans la campagne américaine

par Philippe Grangereau
publié le 25 juillet 2007 à 11h12
(mis à jour le 25 juillet 2007 à 13h22)

«Je veux savoir si mon bébé est en lieu sûr avec vous» , demande un homme assis face à sa webcam. «Et mon bébé, c'est ça» , ajoute-t-il en s'emparant d'un fusil. En dépit de la mauvaise qualité de l'image, on devine qu'il ne s'agit pas d'une carabine de chasse, mais d'un fusil automatique. Le clip de Youtube est diffusé sur un écran géant, face aux huit candidats du parti Démocrate aux élections présidentielles de novembre 2008, debout derrière leurs pupitres. «S'il pense que c'est ça son bébé , répond le sénateur Joe Biden, qui est choisi par le modérateur de CNN pour répondre à la question, c'est qu'il a besoin d'être soigné !»

De manière parfois saugrenue, l'internet a fait une entrée en force lundi soir sur la scène politique américaine. Pour la première fois, des candidats à la Maison Blanche se sont soumis en direct, pendant deux heures, à des questions posées en ligne par des internautes américains. La chaîne CNN et le site de partage video Youtube, organisateurs de l'opération, ont choisi plusieurs dizaines de clips de 30 secondes, sur quelque 3000 qui leur ont été soumis. Dans l'un des plus hardis, un guitariste chante une question portant sur les taxes et impôts qu'il soupçonne les Démocrates de vouloir alourdir, et fini par leur demander s'il peuvent lui faire sauter une contravention.

Les thèmes le plus souvent abordés portaient sur la guerre en Irak (tous les candidats sont en faveur d'un retrait partiel) et l'instauration d'un système de santé universel, promis à des degrés divers par tous les prétendant à l'investiture démocrate. Une femme de 36 ans traitée par la chimiothérapie a retiré sa perruque devant la camera pour dévoiler un crâne chauve : «A quand les soins gratuits?»

Ce nouveau format de débat public a parfois donné du fil à retordre aux candidats, qui ont dû se pencher sur des sujets inhabituels, tel le racisme. «Êtes-vous pour l'octroi de réparations aux africains-américains pour l'esclavage subi par leurs ancêtres ?» a demandé un Bostonien en complétant d'un ton blasé « «je sais que vous allez tous tourner autour du pot, mais je veux voir jusqu'où vous irez» . Seul le représentant de l'Ohio, Dennis Kucinich, un outsider, s'est engagé sur ce point. « Si vous êtes élu président , questionne un internaute , accepteriez-vous de travailler pour le salaire minimum ?» (sachant que celui-ci, qui n'avait pas bougé depuis dix ans, est passé hier d'un niveau très bas de 5,15 dollars de l'heure, à un niveau moins bas de 5,85 dollars - soit 4,2 euros). Tous ont déclaré qu'ils accepteraient, certains en faisant la grimace, hormis le sénateur Chris Dodd, qui a expliqué qu'il avait une famille à nourrir. «Allez, tu t'en tires pas mal Chris !» lui a rétorqué Obama, en reconnaissant que tous les candidats en lice, dont il fait partie, sont des nantis. Le sénateur de l'Illinois s'en est gentiment pris à Hillary Clinton, une fois de plus, pour avoir voté en faveur de la guerre ne Irak en 2002. «C'était avant d'y aller qu'il fallait se poser la question de savoir comment on en sortirait» .

Une grande partie des questions visaient ces deux grands favoris de la course à la Maison Blanche. Hillary Clinton est celle qui a fait preuve de la plus grande assurance. L'ex first lady , s'est souvent tirée d'interrogations embarrassantes par des traits d'humour. A un intervenant qui lui demandait s'il n'était pas malsain, après les présidences successives de Bush-père et Bush-fils, que la femme d'un ex-président se présente, elle a répondu: «Oui, je suis d'accord pour dire que c'était une erreur que Georges W. Bush ait été élu en 2000» .

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