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Libération

Zoom : Opportunités photographiques

par Camille Gévaudan
publié le 22 février 2011 à 17h32
(mis à jour le 22 février 2011 à 17h40)

Une photo, puis une deuxième presque identique, une troisième similaire, puis une quatrième, cinq, six, sept... jusqu'à plusieurs centaines de prises de vues, rassemblées dans la même image finale. Les «opportunités photographiques» de Corinne Vionnet reconstruisent une image des plus grands monuments et sites du monde en superposant les photos qu'en ont prises les touristes.

«Il n'y a pas si longtemps, on collait ses photos touristiques dans des albums et des récits de voyage , explique le site de l'artiste suisse. Aujourd'hui, ces albums de voyage sont moins souvent rangés sur une étagère de notre maison que dans une bibliothèque en ligne d'images numériques. Quand ils sont ainsi mis à disposition du public, les souvenirs de voyage deviennent d'anonymes produits touristiques, qu'on peut chercher et trouver grâce aux mots-clés que leur ont associés leurs propriétaires.» Et c'est précisément ce que Vionnet a fait : chercher et aspirer toutes les photos prises sous un angle similaire pour créer la sienne.

Pour assembler les «couches», Corinne Vionnet a choisi de faire du monument le repère central de l'image. Toutes les photos touristiques sont ajustées pour le sommet du monument soit placé au même endroit, et le reste de l'image témoigne des micro-variations dans l'angle de prise de vue.

«Ce qui frappe, c'est la constance du regard du touriste. On se demande : comment détermine-t-on l'endroit idéal d'où photographier le paysage ? Peut-être se place-t-on devant l'entrée du Taj Mahal pour bien rendre la symétrie parfaite de sa façade, ou s'arrange-t-on pour ques les quatre président américains du Mont Rushmore ait la même taille... Peut-être qu'instinctivement, le cadre de nos photographies est conditionné socialement par les images que nous avons l'habitude de voir -- popularisées au cinéma, à la télévision, sur les cartes postales et sur Internet.»

Le résultat est une représentation brouillée, aux contours mal définis, à la fois marquants et fuyants, comme un souvenir. En observant les images de près, on découvre des fantômes, des drapeaux figés dans différentes positions, des traces de bâtiments à moitié effacés comme les silhouettes des passants -- témoins d'un paysage urbain qui a évolué avec le temps. Les «opportunités photographiques» de Corinne Vionnet sont intemporelles.

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