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Libération

ccLearn, pour une éducation libre

par Astrid GIRARDEAU
publié le 13 août 2007 à 11h06
(mis à jour le 13 août 2007 à 11h20)

Créée en 2001, Creative Commons est une organisation dédiée à la distribution et à la réutilisation des œuvres, dans un esprit proche de celui des logiciels libres. Elle a mis en place un panel de licences définissant les usages autorisés par l'auteur de l'œuvre. Il y a quelques jours, l'organisation a lancé une nouvelle division,

">Creative Commons Learn (ccLearn) , dédiée au monde de l'éducation. Par cette polarisation, elle espère généraliser l'utilisation des Open Educational Resources (OER), des «Ressources d'Education Libre» c'est à dire librement partagées, accessibles et réutilisables.

Interview de Ahrash Bissell, directrice de l'exécutif de Creative Commons Learn.

Pouvez-vous présenter ccLearn ?

_ ccLearn est une division de Creative Commons destinée à supprimer les barrières – légales, techniques, et sociales – dans l’utilisation des OER. Le projet a été créé pour faciliter l’interopérabilité entre les outils et les supports éducatifs, et améliorer l’accès aux OER par tous les apprenants du monde. Il tend aussi à construire une culture de l’apprentissage où partager les ressources de façon collaborative deviendrait la pratique standard dans le monde de l’éducation.

Pourquoi avoir créé un Creative Commons spécifique à l’éducation ?

_ La science et l'éducation sont deux communautés déjà basées (au moins en théorie) sur l'ouverture de l'information, le partage et la collaboration. L'accès à des ressources éducatives de qualité est considéré par beaucoup comme un droit inaliénable. Et c'est au centre de nos missions d'aider les communautés libres, en leur fournissant du matériel pour les aider à développer une création libre et réutilisable. Une division Science Commons a été établie il y a deux ans pour pousser la communauté scientifique dans cette voie. Aujourd'hui, ccLearn a le même rôle, cette fois pour la communauté éducative.

Et pourquoi maintenant ? Est-ce en réaction à une situation particulière ?

_ De nombreux rapports montrent que le mouvement pour l’Education Libre a atteint un tournant, et doit passer de la création de contenus à l’utilisation de ces contenus. Des ressources sont créées et archivées à une vitesse phénoménale, mais leur taux d’utilisation reste faible. Il fallait donc une organisation qui travaille au nom de toute la communauté pour augmenter leur visibilité et leur taux d’utilisation. ccLearn endosse ce rôle de consultant et de guide, en espérant que la communauté internationale en approuvera les principes directeurs et les standards. Car aujourd’hui la diversité légale et technique des contenus est problématique. De nombreuses ressources traitant des mêmes sujets ne peuvent pas être recoupés, et les problèmes vont aller en s’amplifiant si on ne développe pas rapidement des standards de base.

Justement depuis la création des OER par l’Unesco en 2002 que s’est il passé ? Pourquoi, par exemple, aucun standard n’a été défini ?

_ Jusqu'à récemment, il n'y a pas eu de centralisation des efforts du mouvement de l'Education Libre. Il y a cinq ans, la situation a commencé à changer quand quelques philanthropes - notamment la Hewlett Foudation – ont financé des projets OER avec simplement l'intention de créer plus de matériels utilisables. L'espoir était qu'en créant de grands réservoirs de contenus de qualité, les enseignants et les apprenants découvriraient et utiliseraient ces contenus, et que le mouvement s'étendrait en conséquence.

En réalité, de nombreux obstacles se sont dressés contre l’existence de tels contenus. Notamment car les différents secteurs du monde de l’éducation avaient des espoirs et des peurs différents par rapport à cette nouvelle façon de penser l’ «ouverture» des contenus. Cela a conduit à la définition de différents types de licence, de degrés d’accessibilité, de standards techniques, etc.

Il a ceux qui, fondamentalement, ne croient pas dans la légitimité de la propriété intellectuelle, ni légalement ni même humainement. Pour eux, seuls des standards totalement ouverts (de l’ordre du domaine public) sont acceptables. Il y a des précédents, comme le succès du mouvement des logiciels open source et de Wikipedia. Mais, pour la plupart des éducateurs, il est important de garder un certain «lien» à leur travail. Par exemple, certains pensent que la paternité des œuvres et l’utilisation sans limite des contenus est le plus haut degré d’ouverture. D’autres pensent que les contenus faits gratuitement ne devraient pas pouvoir être utilisés à des fins commerciales par d’autres. Pour ces gens, une restriction à l’utilisation non-commerciale est cruciale.

On ne peut autoriser des contenus qui utilisent des licences différentes comme ça, sans courir à un problème d’interopérabilité. L’avancée sur les standards dépend maintenant d’un accord de la communauté sur la définition exacte de ce que sont les OER et l’ «apprentissage libre». ccLearn a donc beaucoup de travail pour aider la communauté à réfléchir à ces questions et à considérer les solutions possibles.

A quel public vous adressez-vous en premier lieu (professeur, parents, gouvernement, etc.) ?

_ Bonne question. Nous sommes actuellement une «grande maison», où tous les publics sont bienvenus. Cependant, chacun des groupes que vous citez a des problèmes et des intérêts différents, et on aimerait accommoder tout le monde, même si en réalité on va sûrement devoir centrer nos efforts sur des groupes particuliers, au moins pour commencer. Notre but est de créer un environnement complètement participatif, ce qui est maintenant possible grâce aux développements de réseaux sociaux sur le web. On encourage l’adoption et l’adaptation de tout ce qu’on crée pour que quiconque le veuille puisse l’utiliser.

Avez-vous déjà reçu des réactions, notamment du monde éducatif ?

_ ccLearn a déjà été contacté par de nombreux figures du monde de l’éducation pour collaborer avec eux ou les soutenir. Aujourd’hui dans la communauté de l’éducation, il y a une fracture de longue date entre les praticiens (enseignants et étudiants) et les décisionnaires (gouvernement, administrateurs, etc.) sur l’attention et le temps portés aux problèmes. Parmi les acteurs majeurs de la politique éducative, la promesse d’une éducation ouverte est une actualité de longue date. Cependant, de nombreux décisionnaires résistent au changement, alors que la plupart des enseignants aimeraient plus de créativité. Le mouvement d’éducation libre a pour première mission de changer les pratiques éducatives pour que les gens apprennent mieux, aient un meilleur accès aux ressources, et continuent à apprendre toute leur vie durant. Et ces objectifs ne se limitent pas à un seule groupe ou à un seul pays. ccLearn a de nombreux partenaires prêt à relever ces challenges. Cela va être intéressant de voir comment le mouvement va grossir et évoluer dans les prochaines années.

Pour en savoir plus :

_ - le site officiel ccLearn

_ - le site officiel Creative Commons

_ - le site Creative Commons (France)

_ - Open Educational Resources par la Hewlett Foundation

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