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#1 La terrasse » proposition pour "buzz" (anglais) : cliquetis (céfrancais Kom' Mo) » 27-03-2013 23:13:21

Emmanuel Cauvin
Réponses : 1

exemple d'utilisation, en contexte...

Notre vie numérique est suspendue à un clic, ou plutôt aux clics qu'on veut bien nous accorder. D'où cette quête acharnée, ces appels anxieux que nous lançons en direction de tout ce qui pourrait venir nous cliquer sur la tête (... la tête de notre avatar). Le cliquetis ("buzz" en anglais) mesure le niveau de notre vie. Analyse et décryptage de nos conditions d'existence dans l'écosystème numérique.

http://lecercle.lesechos.fr/economie-so … clique-moi

#2 La terrasse » Droit d’auteur : révolution ou extinction » 15-01-2013 22:58:46

Emmanuel Cauvin
Réponses : 0

Les protocoles TCP/IP (HTTP, IPv4 etc.) sont formels : les serveurs naissent et demeurent libres et égaux en droit.

Tous les serveurs ont les mêmes droits. Ceci n’est pas une opinion, mais un fait. Passons maintenant des serveurs à ceux qui les utilisent et les alimentent. La même égalité de condition se retrouve dans l’accès aux outils de création, qu’il s’agisse d’enregistrer de la musique, des photos, des vidéos, des animations, des pages Web etc. Pour quelques centaines d’euros, les logiciels du marché permettent le développement d’œuvres d’excellente qualité. Conclusion : l’écosystème électronique, alias l’Etherciel, met tous les acteurs sur un pied d’égalité.

Pourtant nos lois continuent de faire la différence entre d’un côté, les auteurs, producteurs et diffuseurs, et de l’autre le « public » réputé passif, cantonné à un rôle de consommation. Ce type de distinction est un héritage du passé, le résultat de contraintes techniques qui ont explosé avec l’avènement du nouveau monde.

Au lieu de s’intéresser uniquement à l’aspect répressif (HADOPI) le législateur devrait s’atteler à une grande réforme positive du droit d’auteur, pour mettre le Droit en accord avec les faits. Une grande réforme positive permettant, enfin, de faire entrer le droit d’auteur dans l’ère numérique, pour le plus grand bien des auteurs… tous les auteurs.

SOMMAIRE
Etat des lieux sur le terrain
  Diffusion de tous vers tous
  Fabrication des œuvres : le talent comme seul critère de différenciation

La loi n’est pas adaptée à ce terrain
  La loi est organisée à partir de distinctions obsolètes
  En pratique, travailler en respectant la légalité est quasi impossible
  Le droit d’auteur devient un facteur de blocage à la création, au bénéfice d’une minorité

Objectif
  La loi et les contrats doivent permettre à chacun de faire légalement (et facilement) tout ce qui est possible de faire concrètement.
http://etherciel.over-blog.com/article- … 35799.html

#3 Re : La terrasse » Télécharger le droit d'auteur » 07-04-2012 15:42:59

Bonjour
Merci.
mais "préhension"... "préhension" me gêne.
En effet on n'y met pas les mains.
Les mains ne passent pas derrière l'écran, elles restent devant.
salutations cordiales
E

#4 La terrasse » Télécharger le droit d'auteur » 09-02-2012 20:33:55

Emmanuel Cauvin
Réponses : 2

Problème:
Comment appliquer le droit d'auteur à l'Internet, et plus généralement à la chose numérique ? Comment adapter les règles de la propriété intellectuelle au nouveau monde qui se développe à une vitesse hallucinante derrière les écrans ?
Solution:
En étudiant la nature du terrain, en s'efforçant de décrypter les propriétés fondamentales du milieu, pour ensuite attribuer des droits et formuler des interdits adéquats. Comprendre la route avant d'écrire le code. Pour être appliquée, la loi doit d’abord être applicable.

A côté des droits moraux, notre code de la propriété intellectuelle accorde à l’auteur d’une œuvre de l’esprit des droits patrimoniaux, à savoir, présentement, le droit de reproduction et le droit de représentation. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit est illicite. La définition légale du droit patrimonial de l’auteur est bien adaptée aux conditions de vie sur Terre, dans notre environnement naturel. La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'œuvre sur un support solide, et la représentation renvoie quant à elle à tout procédé de communication directe de l’œuvre au public (théâtre, concert, télédiffusion par voie hertzienne etc…). Sous l’angle matériel, ces notions légales couvrent le champ du possible en matière de « consommation » des œuvres, dans son intégralité. Le public peut accéder aux œuvres, soit via un exemplaire fixé sur un support, soit à l’occasion d’une prestation de l’artiste (auteur ou interprète), rien de plus. L’air ne conserve ni les sons, ni les images : la nature met des bornes à la diffusion des œuvres. Inutile par conséquent de prévoir des contrats de licence pour décrire ce que le consommateur a le droit de faire ou de ne pas faire… la nature s'en charge. La propriété littéraire et artistique est ancrée dans la réalité (la réalité des années 1950, à l'époque de la dernière grande loi fondatrice en la matière).

Examinons maintenant la structuration des choses et des comportements dans les flux électroniques. L'individu, seul devant son écran, se plonge dans des émissions, celles qu'il reçoit et celle qu'il produit. A l'écran, tout passe, tout ne fait que passer. En remplacement de la summa divisio reproduction-représentation, nous proposons de décliner le droit patrimonial de l’auteur en droit d’émission et droit de réception. Cette nouvelle structure est seule susceptible de garantir à l’artiste le contrôle de la diffusion de ses œuvres dans le télé-monde. Le consommateur peut être récepteur ou émetteur, ou les deux à la fois, il y a là une réalité incontournable. Il convient donc d’organiser la loi en conséquence. Un droit de réception concédé au client permettra à celui-ci de tirer de l’œuvre un bénéfice similaire à celui qu’il obtient dans l’espace terrestre à l’aide d’un exemplaire tangible, une « consommation » individuelle. Les « r-licences » ou « air-licences » désigneront le contrat passé entre l’auteur et ses récepteurs permettant à ces derniers de s’adresser l’ouvrage à eux-mêmes, à travers l’air, pour leur usage privé. Le droit d’émission, a priori plus onéreux, fera l’objet de licences appelées « e-licences » décrivant avec précision les droits et devoirs du licencié dans l’utilisation et la mise en circulation de l’œuvre à travers l’écosystème électronique.

Il ne s'agit plus d'organiser les relations entre, d'un côté, les producteurs, et de l'autre les consommateurs, en se basant sur les modes d'accession aux œuvres. Il n'y a désormais qu'un seul type d'interlocuteur, un point dans le flux, un nœud de communication, un émetteur/récepteur. Si sa puissance varie, son rôle est toujours le même, il ne fait que deux choses : émettre et recevoir. La barrière entre ceux qui émettent et ceux qui reçoivent, ceux qui vendent et ceux qui achètent, a vécu. La question n'est donc plus de savoir comment les créations sont transmises des premiers aux seconds. La question est de définir les droits et obligations de l'opérateur dans la circulation des oeuvres. Pour cela, le seul moyen est de l'appréhender dans ses deux opérations fondamentales. Le paysage était coupé en deux, il est maintenant totalement atomisé.

Les vedettes des "Majors" sont juste plus riches et plus puissantes que les autres, mais elles ne sont pas différentes. Autrefois, le dispositif technique permettant d'enregistrer de la musique et celui permettant de l'écouter étaient aux antipodes l'un de l'autre (un studio avec quelques tonnes de matériel d'un côté, un "tourne-disque" de l'autre). Aujourd'hui des logiciels d'une valeur de quelques centaines d'euros permettent d'enregistrer de la musique grâce à un simple ordinateur personnel, et cela avec une qualité professionnelle. Producteurs et consommateurs travaillent avec les mêmes appareils.

Autrefois, il y avait bien une différence de nature entre une caméra Super 8 et un poste de télévision. Aujourd'hui "Fichier/Ouvrir" et "Fichier/Enregistrer sous…" sont voisins. La matière tourne sur elle-même. L'opération d'écriture n'est pas séparée de l'opération de lecture. Dans l'environnement numérique, consommation et création sont comme cousues ensemble. Les objets se distinguent par l'image qu'ils rendent, le son qu'ils font entendre, ou le processus qu'ils viennent dérouler, pas par leur substance. Producteurs et consommateurs travaillent avec le même matériau. Le milieu met tous les acteurs à égalité dans le domaine de la fabrication des œuvres.

Il en va de même pour leur diffusion. Certes l'héritage des grandes compagnies qui ont construit nos répertoires dans le domaine de la musique et du cinéma est colossal. Mais il faut regarder l'avenir. L'avenir appartient aux serveurs. Or la loi des protocoles de l’Internet est la même pour tous : c’est un fait, les serveurs naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les lois de l’environnement placent tous les serveurs, et donc ceux qui les contrôlent, sur un pied d’égalité. Résultat : plus rien ne distingue un "producteur" d'un "consommateur", si ce n'est la puissance financière.
L'envergure des licences doit elle aussi être adaptée. Avec un vinyle ou une cassette vidéo, il n'était guère possible de faire plus que regarder et écouter. La machine se limitait à la fonction "lecture". Aujourd'hui l'ordinateur a remplacé la chaine stéréo, et ce même ordinateur permet au premier pékin venu de lancer aux quatre vents sa propre chaine TV.

Il devrait être possible de faire légalement tout ce qui est possible matériellement. Les e-licences devront s'ouvrir à toutes les possibilités de réutilisation des contenus. Dans notre environnement traditionnel, celui des supports solides et des représentations vivantes, tous les modes d'exploitation des œuvres, toutes les techniques artistiques basées sur la reprise de certains éléments protégés font l'objet de mécanismes légaux ou contractuels. Le droit d'auteur épouse parfaitement les limites de ce qui est possible de faire. Pourquoi ne pas faire de même dans le nouveau monde ? Peut-on concevoir un droit d'auteur qui aboutisse à créer des blocages à la création ? Au-delà d'un certain succès, et après une période de quelques années, le créateur pourrait avoir l’obligation de proposer des e-licences de ses personnages, de ses partitions, de tous les composants détachables de son travail, pour permettre à d'autres de les reprendre, mais à leur manière, et à condition que ceux-ci fassent réellement preuve de créativité et d’originalité.
Faut-il privilégier le monopole d’exploitation de l'auteur ? Ou le développement de nouvelles formes d’expression
artistique ?

Une révolution démocratique s'est opérée dans les structures matérielles de la société, mais sans qu'il se fasse, dans les idées, les mentalités, et dans les lois, le changement qui devrait accompagner cette révolution. Certains, du côté des « Majors » continuent de se croire au-dessus de la masse. Et depuis près de trente ans, s’appuyant sur les principes classiques du droit d’auteur considérés comme intouchables, le législateur s’évertue à ajuster leurs modalités d’application à l’évolution de ce que l’on continue d’appeler « la technique », alors qu’il conviendrait de s’attaquer à ces sacro-saints principes, pour les renverser et les remplacer par d’autres. Le changement à opérer est autant dans les mentalités que dans les lois. L'adaptation du régime légal va consister à substituer une logique d'émission/réception individuelle applicable à tous, à une structuration basée sur la dépendance de consommateurs passifs par rapport à une petite caste de producteurs/diffuseurs.

Avant de lutter contre le téléchargement illégal, tâchons de télécharger la légalité.

Emmanuel Cauvin
(version longue de cet article)
http://etherciel.over-blog.com/article- … 75912.html

#5 La terrasse » Pour ou contre l'indépendance du Net » 28-08-2011 18:57:26

Emmanuel Cauvin
Réponses : 0

Un nouveau territoire ? (incluant l'Internet, au centre, mais incluant aussi les fonctions et les pratiques hors ligne)

Avec une population ?

Une nouvelle Nation lors ?

le sentiment de faire partie de quelque chose en tout cas...

Voter pour l'indépendance du net ? (oui ou non ?)

débat !
http://etherciel.over-blog.com/article- … 16382.html

#6 Re : L'actualité d'Ecrans.fr » La justice tranche sur le stockage de musique en ligne » 28-08-2011 12:44:10

Droit d'auteur ?

Mais le droit d'auteur reste à télécharger dans la nouvelle dimension !

Pour l'adapter vraiment à la nouvelle donne, les nouveaux modes de circulation des oeuvres.

Le droit d'auteur tel qu'il existe aujourd'hui est encore largement un héritage des modes classiques de diffusion
des oeuvres (33 tours, k7, concerts etc...).

Il faut revoir entièrement ce dispositif pour tenir compte de l'apparition d'un nouveau monde, là-bas, derrière les écrans.

idées, propositions:
http://etherciel.over-blog.com/article- … 14874.html

#7 Re : L'actualité d'Ecrans.fr » Hadopi : l?aveuglement » 28-05-2011 17:41:03

Cher Monsieur de la Quadrature,

vous vous trompez. Plus exactement vous vous trompez de question.

Le débat n'est pas entre la légalité ou l'illégalité.
La question première est la suivante : qu'est-ce que c'est ? De quoi s'agit-il ?
Par exemple : qu'est-ce qu'un téléchargement ?
Comment analyser cette séquence de vie, là-bas, de l'autre côté de la grande barrière d'écrans ?
Quelle signification peut bien avoir cette projection pour celui qui est monté à bord, et qui d'une certaine
façon se télécharge lui-même dans les nuées électroniques ?
Pourquoi le téléchargement prend-il parfois un caractère presque vital ?

Vous ne pouvez pas en vouloir au législateur de faire des lois.
Vous pouvez par contre lui faire reproche de ne pas comprendre le sens de cette vie, cette seconde vie,
la vie que vous menez, que nous menons, dans cette nouvelle Cité.

Vous dénoncez un "absolutisme du droit d’auteur", et vous avez raison (1).

Mais vous avez tort de ne pas chercher à comprendre, comprendre votre adversaire, comprendre qu'il faut des lois, car cela s'appelle la démocratie.

Vous devriez expliquer de quoi il s'agit au lieu de condamner.

Qu'est-ce qu'un téléchargement ? Comment décrire ce processus technique, non pas d'un point de vue technique,
mais tout simplement, au niveau du vécu ?

Salutations les meilleures

EC
(1) http://etherciel.over-blog.com/article- … 82525.html

#8 La terrasse » Lois naturelles et lois civiles dans les mondes numériques » 25-04-2011 18:16:54

Emmanuel Cauvin
Réponses : 0

une réflexion pour changer radicalement la donne en matière de droit d'auteur, droit de l'Internet et des mondes numériques...

http://etherciel.over-blog.com/

En résumé...

Mon programme de recherche porte sur les technologies de l'information, ou plutôt, sur le nouveau monde auquel elles ont donné naissance, et qui se développe de l’autre côté des écrans depuis plus de vingt ans.

Pour la première fois, ce nouveau monde est analysé de l’intérieur, et ceci pour ce qu’il est, c’est-à-dire un Grand Tout, un environnement cohérent, un lieu de vie, un terrain d’action, avec ses propres principes de fonctionnement. Cette réalité parallèle obéit à des lois naturelles qu’il convient de comprendre et d’énoncer, comme nous avons su le faire sur Terre avec la loi de la gravitation ou la mécanique des fluides.

C’est à cette condition que nous pourrons mettre au point des lois civiles (droit d’auteur, vie privée, règles de preuve…) réellement adaptées à la nature du terrain et aux conditions de vie de l’autre côté de la grande barrière d’écran.

Pour en savoir plus, et contribuer au débat:
http://etherciel.over-blog.com/

#9 La terrasse » Droit de l’Internet (Hadopi 2, 3, 4...) : un feu rouge en plein ciel ? » 26-08-2010 18:02:42

Emmanuel Cauvin
Réponses : 0

Droit de l’Internet (Hadopi 2, 3, 4...) : un feu rouge en plein ciel ?

"Une loi dépend d’ailleurs tantôt d’une nécessité de nature, tantôt d’une décision des hommes"
Spinoza (1)


Le nouveau ministre de la culture, M. Frédéric Mitterrand, n'a pas failli à la tradition. A propos du projet HADOPI 2, la métaphore routière s'est imposée dans le discours dès les premiers jours de son arrivée rue de Valois : « le code de la route qui a été instauré en 1922 a suscité une levée de boucliers, et notamment par des gens favorisés, parce qu'on disait que c'était une atteinte à la liberté » (2). On avait déjà entendu pareille comparaison dans la bouche de son prédécesseur, Madame Albanel. Internet, circulation automobile : même combat. C'est un code de la route qu'il nous faut, la cause est entendue. Mais à propos, de quoi un code de la route est-il fait ? Pourquoi le code de la route (le vrai) est-il admis aujourd'hui par tous les automobilistes, ce qui est loin d'être le cas du projet Hadopi, du côté des internautes ? Pourquoi la plupart des textes de loi qui gouvernent, ou sont censés gouverner l'Internet sont-ils rejetés par les intéressés, alors que ceux qui régissent la circulation automobile font l'objet d'un consensus ? Où est le problème ? Autrement dit encore, comment fait-on une loi, une bonne loi "qui marche", applicable et appliquée ? Applicable sur le terrain, en pratique, et appliquée c’est-à-dire acceptée par la majorité de ceux à qui elle s’adresse.

Reprenons depuis le début…

On considère habituellement la règle de droit comme l'expression des principes d'une civilisation, ce qu'elle est en effet. Mais en disant cela on oublie qu'elle est d'abord la résultante de données matérielles évidentes liées à nos conditions de vie en ce bas monde. Prenons un exemple. Si la vente et l'usage des armes à feu sont sévèrement réglementés c'est parce que d'une part, ces objets sont capables de lancer à travers l'espace des petits morceaux de métal terminés en pointe appelés "balles", et d'autre part pour cette raison que nous sommes des êtres de chair ce qui fait qu'au cas où une "balle" rencontre un corps humain, celui-ci peut subir des dommages importants, allant jusqu'à la mort. Ce n'est qu'ensuite que la morale intervient, une morale qui dans notre civilisation considère la vie et l'intégrité physique des personnes comme une valeur première. La réglementation des armes à feu se fonde sur des motivations philosophiques mais aussi sur un terrain physique, elle procède à la fois de conditions matérielles et de principes de civilisation. Si les pistolets à eau ne font pas l'objet des mêmes restrictions, c'est parce que de l'eau projetée à petite quantité sur un individu ne produit aucun effet dommageable.

Pour mettre au point une loi terrestre nous n'avons pas besoin de définir le monde auquel elle va s'appliquer, tout simplement car nous y vivons depuis notre naissance. Nous n'avons pas besoin de rappeler en préambule la loi de la pesanteur, la vulnérabilité du corps humain à certains phénomènes, ou la mécanique des fluides, car tout cela est évident. Mais cela ne veut pas dire que nous n'en tenons pas compte. Nous avons tout cela présent à l'esprit, et c'est en fonction du monde tel qu'il existe que nous choisissons d'édicter telle loi, c'est-à-dire d'imposer ou d'interdire tel ou tel comportement. Sans qu’il soit nécessaire d’être physicien, nous connaissons, « au niveau du vécu », les objets qui nous entourent, leurs réactions, les risques qu’ils peuvent représenter : ce fond de connaissance est implicitement intégré dans toutes les lois. Si quelques centilitres d'eau représentaient un danger mortel, nul doute que la détention et l'usage des pistolets à eau seraient sévèrement réglementés. Toute règle juridique résulte de contraintes physiques et de règles morales.

Prenons maintenant le code de la route, alpha et oméga de nos ministres de la Culture. Pourquoi avons-nous besoin d'un code de la route ? Et pourquoi est-il ce qu'il est ? Deux raisons à cela. La première est que l'espace sur Terre n'est pas partageable. Deux voitures ne sauraient se trouver au même moment au même endroit. Quand deux voitures se rejoignent cela donne un accident sous la forme d'un choc qui entraîne à des degrés variables une déformation des tôles, une modification incontrôlée de la trajectoire des véhicules, et donc un risque pour les passagers et pour les piétons. Il faut donc organiser la circulation de telle sorte que les véhicules restent à distance les uns des autres. La seconde raison est que la gravité des accidents dépend de la vitesse des véhicules en cause. Le danger augmente à proportion de la vitesse. Les choses sont ainsi. Il convient donc de limiter la vitesse de circulation, afin de limiter la violence des chocs. La lourdeur des choses est un paramètre essentiel de nos actions en ce bas monde. Une grande partie des règles qui figurent dans le code de la route découle de ces propriétés physiques bien connues, tellement connues que personne n'aurait l'idée de les rappeler dans un texte juridique, de peur de paraître ridicule. La carrosserie des voitures n'est ni liquide ni gazeuse mais solide : tout commence par là. Si le monde était différent, physiquement différent, les règles juridiques seraient différentes elles aussi, quand bien même la morale de ce monde différent serait la même que celle à laquelle nous obéissons ici et maintenant.
Les règles juridiques sont d'abord dictées par les propriétés physiques des objets auxquels elles s'appliquent. Les caractéristiques essentielles des matières en cause, par exemple le métal qui entoure une voiture, son poids, qui reste important, dictent à la base les règles qui régissent leur utilisation. La morale n'intervient qu'ensuite.

Dans le domaine de l’aviation il existe bien des couloirs aériens, pourquoi ne pas installer des feux rouges en plein ciel ? Parce que c’est impossible, ça ne marcherait pas, tout simplement.

D'abord, la physique

La même démarche devra être suivie dans les mondes numériques. D'abord identifier les risques physiques, les phénomènes, les réactions, puis appliquer les principes de notre vie en société pour faire en sorte que ces principes soient respectés, ici et là. D'abord s'interroger sur la nature des choses, de façon à s'assurer que la loi sera applicable, puis dans un second temps s'armer de notre culture, pour faire en sorte qu'elle soit appliquée.
Qu'est-ce qu'une route ? Qu'est-ce qu'une voiture ? Comment définir exactement la circulation de la seconde sur la première ? Quels phénomènes sont en jeu dans l'avancée d'une voiture sur une route ? Quels sont les risques inhérents à cette circulation ? Comment faire pour limiter ces risques ? Telles sont les questions que le législateur ne se pose plus pour faire évoluer le code de la route, tellement les réponses sont connues. Mais ces mêmes questions, ou leurs équivalents, doivent être posées en ce qui concerne l'Internet. Car là, le travail de caractérisation n’a pas été fait, tout reste à faire à ce sujet. Le nouveau monde qui bouillonne derrière les écrans ne saurait demeurer une zone de non-droit, certes, mais faisons d'abord en sorte qu'il ne soit plus une planète inconnue.

Le fait est qu'en basculant de l'autre côté de l'écran, aux commandes de notre curseur, nous passons dans un autre milieu physique, un nouveau lieu de vie, qui obéit à des lois physiques totalement différentes de celles qui règnent ici-bas. Les technologies de l'information ont donné naissance à un nouveau continent, un nouveau lieu d'un nouveau genre, que nous avons créé de nos propres mains et dans lequel nous passons pour nombre d’entre nous le plus clair de notre temps, pour travailler, discuter avec des gens, nous divertir. Si Christophe Colomb a découvert un nouveau continent, donc un nouveau spécimen de quelque chose qui existait déjà, en l'occurrence un morceau de terre ferme avec des arbres, des animaux et même des hommes, nous sommes aujourd'hui face à quelque chose de réellement extraordinaire. Colomb a débarqué en terrain connu, nous sommes confrontés à une chose qui n'a jamais existé auparavant. La convergence tant attendue et tant annoncée est en train de se réaliser. On converge toujours pour aller quelque part ; c'est ce quelque part qu'il convient d'explorer afin de le mesurer et de le caractériser. Désormais on ne travaille plus « avec », on « passe par » un ordinateur. Pour quelle destination ? Quel monde ? Une barrière représentée par les écrans sépare deux milieux très différents. Nous sommes désormais face à deux univers : d’un côté notre monde naturel, celui dans lequel nous sommes nés, notre bonne vieille Terre, et de l’autre un monde artificiel qui prend de plus en plus de place dans notre réalité quotidienne.

A la découverte des lois physiques du nouveau monde, l’Etherciel !

Ouvrons une parenthèse sémantique, car comme d’habitude tout est en réalité une question de mot. Il faut un mot pour qualifier les mondes numériques, il faut un substantif pour désigner « tout ce qui est numérique », il faut donner un nom au nouveau monde. « Etherciel », ce sera l’Etherciel. Si nous connaissons les lois physiques qui s’appliquent sur Terre, comme par exemple la loi de la gravitation, ou l’électromagnétisme, que savons-nous du milieu, que nous baptiserons « Etherciel », né des grandes découvertes de la fin du XXème siècle, et qui se développe à une vitesse hallucinante derrière les écrans ? Pratiquement rien.

Pourtant ce nouveau monde est bien réel et n’a rien de virtuel. Nous avons en face de nous un monde qui est complètement différent de ce que nous connaissons. Il faut donc inventer de nouvelles équations et se défaire de tous nos préjugés pour arriver à le comprendre et à le maîtriser. Pour entrer, tapez une touche, Entrée. Ce nouveau monde est une réalité ; simplement, cette réalité n’apparaît que lorsqu’on la sollicite. Elle intervient sur commande et c’est sur commande que l’on peut s’y transporter. Elle se recréée continuellement, à chaque chargement de traitement de texte ou de site web. Mais même quand l'écran est éteint et que le téléphone est coupé, le mouvement continue, l'Etherciel vibre encore et toujours. Nulle part mais toujours présent. Le virtuel appartient à l’imaginaire, or cette réalité parallèle appartient au monde sensible, en l’occurrence la vue et l’ouïe. Ce n’est pas une cogitation, l’Etherciel résulte certes de travaux intellectuels, puisque c’est une création humaine artificielle, mais pour autant, il existe et doit être appréhendé « au niveau du vécu », comme un nouvel environnement. Si les comportements ne sont pas les mêmes de part et d’autre des écrans, c’est d’abord parce que le milieu est différent, les contraintes qui s’exercent sur nos faits et gestes ne sont pas les mêmes selon que nous agissons en tant qu’être de chair et d’os dans la pesanteur et les choses solides, ou en tant que curseur, immergé dans les flux lisses et pressés. Les conditions de vie n’ont pas grand chose en commun sur Terre et dans l’Etherciel (dans une moindre mesure, nous faisons une expérience similaire en plongée à 20m sous le niveau de la mer, en ce sens que nous nous adaptons à cette masse d’eau qui nous entoure, nous réagissons différemment, nos priorités ne sont pas les mêmes).

Notre première tâche sera de dégager des lois physiques comparables à ce que nous connaissons sur Terre, comme les principes de Newton ou la mécanique des fluides, pour expliquer le fonctionnement de ce nouveau lieu de vie. On peut ainsi essayer de dégager les caractéristiques physiques de la matière numérique et d’en identifier les lois fondamentales, que l’on retrouve quelle que soit la technologie, depuis la TV jusqu’à Second Life.

Deux lois fondamentales se dégagent (3) : le mouvement, principe premier, et la copie.

Le mouvement, parce que toute action et même la moindre présence dans l’Etherciel se traduit par une émission. Tout ne vit ou n’existe qu’à travers une transmission. Depuis le simple enregistrement d’un document avec mon traitement de texte jusqu’à un courriel, c’est toujours une émission, locale ou à distance, c’est-à-dire un champ dont les caractéristiques sont transformées pendant un temps donné. Tout passe, tout ne fait que passer. Verrouiller est une hérésie, verrouillé une insulte. L'étherciel n'est pas mouvant sous l'action d'une force extérieure, mais en lui-même, du seul fait qu'il existe.

La seconde loi fondamentale est la copie, un grand principe de duplication généralisée. Tout est copié, répliqué, suivi à la trace. A titre d’exemple, quand on envoi un courrier électronique, il est toujours dans l’ordinateur de l’expéditeur, contrairement à l’envoi d’une lettre papier qui se transmet dans les airs. Le courriel est une transmission sans dépossession, car la matière est visqueuse. Voilà ainsi brièvement énoncé le point de départ d'une analyse "physique" de la matière première numérique qui compose l'Etherciel.

Un code de l'Etherciel ? Oui, naturellement. Mais d'abord, décrivons les conventions sur lesquelles tout repose, les traits communs à tous les produits, en un mot décrivons, caractérisons le nouveau monde. Nous connaissons le "comment", mais nous avons oublié de nous pencher sur le "quoi", nous savons comment tout cela fonctionne, mais nous ne savons pas ce que c'est. C'est ce vide qu'il faut combler. Ce qui est évident sur Terre ne l'est pas dans l'Etherciel. Lui aussi comporte des lois naturelles mais elles sont différentes de celles que nous avons l'habitude de pratiquer et nous les connaissons mal. Ce n'est qu'ensuite que nous pourrons mettre en œuvre une politique de civilisation, imposer nos valeurs, appliquer nos principes parmi lesquels figure la protection des œuvres littéraires et artistiques. Les interminables débats auxquels donnent lieu toutes les tentatives d’appliquer la propriété intellectuelle (brevet et droit d’auteur) au nouveau monde le montrent : nous sommes devant une situation d’échec généralisé. Le droit de l'Etherciel doit être reconstruit dans ses fondations. Il faut repartir de zéro. Pour faire de bonnes lois, il ne suffit pas d'être un grand politique ou un fin juriste, il faut d'abord savoir regarder, comme Newton sous son pommier, et tirer les leçons de l’expérience. D’abord comprendre la force des choses, puis dans un second temps canaliser cette force, l’orienter, imprimer la marque de notre conception de la vie en commun sur le milieu ambiant.

Ces questions ne sont pas mineures, le problème doit être considéré dans toute son importance : la morale commence quand ce n'est plus la nature qui ordonne, mais l'homme lui-même.

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Ceux que cet article a intéressé peuvent aussi lire :
Loi du 13 Mars 2000 sur la preuve électronique : le grand bug (législatif) de l’an 2000
http://www.village-justice.com/articles … ,7392.html

(1) Spinoza, Traité théologico-politique, Chap. IV, GF Flammarion, page 85.
« Une loi dépend d’ailleurs tantôt d’une nécessité de nature, tantôt d’une décision des hommes. Une loi dépend d’une nécessité de nature quand elle suit nécessairement de la nature même ou de la définition d’un objet ; elle dépend d’une décision prise par les hommes, et alors elle s’appelle plus justement une règle de droit quand, pour rendre la vie plus sûre et plus commode, ou pour d’autres causes, des hommes se la prescrivent et la prescrivent à d’autres. Que, par exemple, tous les corps, quand ils viennent à en rencontrer d’autres plus petits, perdent de leur mouvement autant qu’ils en communiquent, c’est une loi universelle de tous les corps, qui suit d’une nécessité de nature. De même encore qu’un homme, quand il se rappelle une chose, s’en rappelle aussitôt une autre semblable, ou qu’il avait perçue en même temps que la première, c’est une loi qui suit nécessairement de la nature humaine. Au contraire, que les hommes abandonnent ou soient contraints d’abandonner quelque chose du droit qu’ils ont de nature et s’astreignent à une certaine règle de vie, cela dépend d’une décision humaine ».

(2)
http://tempsreel.nouvelobs.com/actualit … rrand.html

(3) Pour en savoir plus : Emmanuel Cauvin, "Derrière l'écran, tentative de compréhension des mondes numériques", 317 pages, http://www.thebookedition.com.
" Derrière l'écran " est un essai qui analyse les mondes numériques de l'intérieur. Puis, une fois dégagés les principes physiques fondamentaux de la matière, le propos s’étend aux moyens de s'en rendre maître, de les dominer. "Derrière l'écran " se termine sur une proposition politique révolutionnaire. Pour commander le livre, poster un commentaire… : http://www.thebookedition.com/

pour info : cet article a été publié une première fois sur le Forum Internet de ECRANS.fr, promis à une prochaine et cruelle destruction.

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