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#1 12-04-2012 11:49:34

Ecrans.fr
Administrateur
Inscription : 25-06-2007
Messages : 1 000

«On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

«On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Nathan Jurgenson, auteur d'un essai brillant sur la «photo faux vintage» revient sur l'acquisition d'Instagram par Facebook.

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#2 12-04-2012 12:20:15

Sam
Membre
Lieu : Grenoble
Inscription : 20-07-2007
Messages : 28

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Ce qui dit ce monsieur est tout à fait intéressant, mais aussi terriblement préoccupant. Le principe de la timeline en soi est déjà assez perturbant, si on y ajoute effectivement le côté nostalgie artificielle d'Instagram...

On savait déjà que Zuckerberg aime à titiller notre fibre nombriliste, mais ça devient de plus en plus violent (et ça marche hélas de mieux en mieux).

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#3 12-04-2012 14:16:25

Lavrent
Membre
Inscription : 05-09-2009
Messages : 11

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Je trouve très intéressante cette réflexion générale sur notre construction de nous même dans une nouvelle intemporalité à travers facebook (le passé réinventé avec timeline, la mise en scène des moments présents, les instants immédiats appréhendés comme moments déjà passés etc).

Je suis aussi persuadé que la photo vintage pour tous et son lien à la nostalgie participent à cette nouvelle construction. Néanmoins, je trouve que la composante artistique, même si elle n'entre pas directement en contradiction, n'est pas assez prise en compte.

Ainsi, il y a toute une génération dont l'oeil a été dressé par ces photos Kodak&Co et ce qu'offre Instagram c'est d'abord un moyen simple de devenir aussi un artiste selon ces canons. Selon cet aspect du processus de création, plus les effets seront utilisés aujourd'hui, moins ils apparaitront comme des archives du passé mais comme oeuvres de création actuelles.

Plus exacement, à partir du moment où des utilisateurs n'ayant jamais connu la vintage photo comme photo réelle ou témoin du passé -- par exemple la tranche d'age 20-25 ans -- suivent maintenant massivement la mode en employant ces filtres, ils leurs donnent cette valeur artistique affranchie de nostalgie. Suivant cette direction, on peut se demander quelle est aujourd'hui la proportion des utilisateurs vintage qui ont connu les vraies vintage ? connu les vintage comme archive ?

Je pense qu'il serait ainsi intéressant de comparer ce phénomène a des résurgences de courants artisitiques en histoire de l'art, jusqu'à présent portées par une minorité, et aujourd'hui massivement accessible à tous.

Mon impression est donc que la photo vintage actuelle est moins un processus de création d'identité par nostalgie, qu'elle n'est un processus de création d'identité par création artistique tout court (et qui donc continuera d'évoluer très rapidement pour se renouveler).

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#4 12-04-2012 14:43:58

gégé
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Inscription : 02-11-2007
Messages : 1 970

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Le premier qui dégaine Derrida gagne un pins (Oliv ?)  J'ai pas fait philo alors je décline , mais je me dis que ça ne doit pas être bien difficile à relier à son concept d'hantologie. surtout quand on sait qu'il existe aussi en musique un courant Hauntology basé aussi sur des artifices pour vieillir la potion à l'instar des filtres vintage en photo.
Voir ou .   
Les merveilleux disques de chez Ghost Box sont d'ailleurs sur Spotify ^^

En plus basique, on peut s'interesser à Retromania aussi

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Dernière modification par gégé (12-04-2012 15:18:07)

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#5 12-04-2012 14:53:01

swedish chief
Habitué
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Messages : 546

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

C'est la dernière phrase qui est intéressante.

En tant qu’élément de notre Journal, on peut s’en souvenir, mais s’il y a en plus cette lueur datée et familière du faux vintage, alors on doit s’en souvenir.

En choisissant délibérément ce dont on doit se souvenir, on refuse de garder en mémoire ce qui nous dérange, les actes manqués, les "vilaines" pensées, les a priori, tout ce qu'on décide de cacher aux autres... et à soi même.
De plus en plus, je vois des gens autour de moi vivre dans des bulles irréelles. Certains vont en vacances dans des parcs d'attractions totalement artificiels, d'autres se réfugient dans des séries télés, se "construisent" un profil fb ou épousent la Vision de tel ou tel candidat à la présidentielle... peut-être pour moins voir leur image se réfléchir dans le miroir.
Une image sans filtre celle-là.

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#6 12-04-2012 16:20:44

Lavrent
Membre
Inscription : 05-09-2009
Messages : 11

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

@Gégé> Un grand merci pour Derrida et la ressource vers son oeuvre. Je ne connaissais pas, je découvre.

@Swedish> Je rebondis sur "Une image sans filtre celle-là". C'est sans compter le regard des autres ni son propre regard, en réalité forgé par la société, les médias, la publicité etc.
Tant que le processus reste conscient, je suis plutôt emballé par les possibilités actuelles de créer ses propres bulles, de se réinventer et de redevenir maitre de soi.

J'ai l'impression que l'on approche le moment où l'on pourra s'échapper des aliénations traditionnelles. La religion m'impose mon imperfection par rapport à l'image projetée de Dieu ? Peu importe puisque je me réinvente. La société m'impose mon appartenance à une classe ? Peu importe puisqu'internet me permet d'être créateurS, consommateur.

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#7 12-04-2012 16:42:41

swedish chief
Habitué
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Messages : 546

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Tu crois qu'un filtre choisi t’affranchit de ceux, inconscient, qui t'ont poussé à le choisir?
Intéressant concept.

Des gamins s'inventent une foi basée sur des mensonges et deviennent des assassins.
Des électeurs plongent vers des promesses, sans se soucier de leur faisabilité.
Des responsables se ruent sur des politiques d'austérité pour avoir quelque chose à proposer qu'on ne puisse leur reprocher.
Bref, les orthodoxies fleurissent de partout.

Franchement, moi j'ai surtout l'impression que l'on approche du moment où on s'auto-aliénera... par simple peur du vide.

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#8 12-04-2012 17:31:22

Lavrent
Membre
Inscription : 05-09-2009
Messages : 11

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

@Swedish>Il y aura toujours une influence, c'est certain. Mais ca n'est pas un argument pour refuser les possibilités qui permettent de s'affranchir d'influences calculées.

Il y a des tests simples à faire au quotidien : installer un adblocker pour lire libération ou des journaux en ligne, feuilleter le programme télé ou des magasines en commencant par la dernière page pour échapper aux pubs page de droite etc. Rien que ca change beaucoup de chose.

"Les mensonges et assassins". Il va falloir développer, parce que je ne vois pas le rapport.

Quant à l`auto-aliénation, il y a tout de même multiples niveaux intermédiaires, avec des frontières plus ou moins étanches entre individus et la sociétés, décision personnelle et collective etc. L'individu ne se lit pas strico-sensus au niveau des décisions de la classe politique relayées par les journaux.

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#9 12-04-2012 20:43:11

crapotobasta
Habitué
Inscription : 20-04-2011
Messages : 1 496

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Lavrent a écrit :

Je trouve très intéressante cette réflexion générale sur notre construction de nous même dans une nouvelle intemporalité à travers facebook (le passé réinventé avec timeline, la mise en scène des moments présents, les instants immédiats appréhendés comme moments déjà passés etc).

Très intéressante en soi mais pas dans le cas présent, qui me parait sérieusement à côté de la plaque. Va falloir que le zozo nous explique comme le présent peut être nostalgique. S'agit-il d'une simple question de couleurs ? Oula, on atteint des sommets d'analyse sociologique là...

Lavrent a écrit :

Je suis aussi persuadé que la photo vintage pour tous et son lien à la nostalgie participent à cette nouvelle construction.

A ceci près que la nostalgie n'est ni unique ni trans-générationnelle. Formulé autrement, va (encore) falloir que le zozo nous explique comment des utilisateurs de 15 à 70 ans peuvent, comme par magie, se retrouver nostalgiques d'une seule et même époque, d'une seule et même esthétique. A la rigueur, que les quadra s'y retrouvent, passe encore. Mais les ados et jeunes adultes, franchement, je vois pas. Sauf à considérer les 70's comme le modulor autant que l'étalon de la culture occidentale... Mouais, va falloir s'accrocher pour le démontrer.

Lavrent a écrit :

Néanmoins, je trouve que la composante artistique, même si elle n'entre pas directement en contradiction, n'est pas assez prise en compte.

Exact. Tout le monde se pignole sur le "vintage" et les filtres, ignorant souvent jusqu'au fonctionnement même de l'appli en question. Mais peu voire très peu s'interrogent sur la réalité de ce que ça produit. Utilisation du cadre (carré), composition, couleurs, saturation... Doit-on réduire Wong Kar Wai à l'esthétique de son chef op en arguant que c'est facile, exotique et typé ? Fadaises... IL y a sur IG de très belles photos comme des photos de merdes. Et les filtres n'y sont pas pour grand chose.

Lavrent a écrit :

Ainsi, il y a toute une génération dont l'oeil a été dressé par ces photos Kodak&Co et ce qu'offre Instagram c'est d'abord un moyen simple de devenir aussi un artiste selon ces canons.

On y arrive : la génération. Je comprends que des gens comme moi, élevés à l'instamatic, au pola, au 24*36 et au super 8 se retrouvent dans cette esthétique seventies. Mais quid des plus jeunes ? Cette vague ne séduit elle que les 40 ans et plus ?

Lavrent a écrit :

Selon cet aspect du processus de création, plus les effets seront utilisés aujourd'hui, moins ils apparaitront comme des archives du passé mais comme oeuvres de création actuelles.

A plus forte raison qu'à l'inverse d'il y a 30/40 ans, on est ici dans la photo prise partout, tout le temps, par tout le monde. Moi, je m'en réjouis. Et on peut considérer que cette manière de prendre des photos est parfaitement moderne, très loin finalement de la "nostalgie" convoquée facilement ici ou là.

Lavrent a écrit :

Plus exacement, à partir du moment où des utilisateurs n'ayant jamais connu la vintage photo comme photo réelle ou témoin du passé -- par exemple la tranche d'age 20-25 ans -- suivent maintenant massivement la mode en employant ces filtres, ils leurs donnent cette valeur artistique affranchie de nostalgie.

+10

Lavrent a écrit :

Suivant cette direction, on peut se demander quelle est aujourd'hui la proportion des utilisateurs vintage qui ont connu les vraies vintage ? connu les vintage comme archive ?

+10, once again.

Lavrent a écrit :

Je pense qu'il serait ainsi intéressant de comparer ce phénomène a des résurgences de courants artisitiques en histoire de l'art, jusqu'à présent portées par une minorité, et aujourd'hui massivement accessible à tous.

Ouaip. S'interroger aussi sur la notion de "vintage" et sa récurrence dans les courants de pensée et de production. N'y-a-t-il vraiment qu'un seul vintage ?

Lavrent a écrit :

Mon impression est donc que la photo vintage actuelle est moins un processus de création d'identité par nostalgie, qu'elle n'est un processus de création d'identité par création artistique tout court (et qui donc continuera d'évoluer très rapidement pour se renouveler).

+10, last but not least.


Ne vous privez pas de ces ressources intellectuelles au prétexte qu'elles sont intellectuelles, qu'elles sont écrites avec de grands mots.

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#10 12-04-2012 20:47:09

crapotobasta
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Messages : 1 496

Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Lavrent a écrit :

@Swedish> Je rebondis sur "Une image sans filtre celle-là". C'est sans compter le regard des autres ni son propre regard, en réalité forgé par la société, les médias, la publicité etc.

En 40 ans, on est passé de la société du spectacle au spectacle de la societé. Pas sur qu'il y ait de quoi applaudir à chaque fois mais si ça fait émerger (et se souvenir) des belles choses alors tant mieux.

Lavrent a écrit :

Tant que le processus reste conscient, je suis plutôt emballé par les possibilités actuelles de créer ses propres bulles, de se réinventer et de redevenir maitre de soi.

Le story-telling ne date pas d'hier. Ce qui date d'aujourd'hui et de demain, c'est qu'il est désormais à la portée de chacun. Comme d'hab, pour le pire et pour le meilleur. Chacun fait le tri qu'il veut et/ou peut.

Lavrent a écrit :

J'ai l'impression que l'on approche le moment où l'on pourra s'échapper des aliénations traditionnelles. La religion m'impose mon imperfection par rapport à l'image projetée de Dieu ? Peu importe puisque je me réinvente. La société m'impose mon appartenance à une classe ? Peu importe puisqu'internet me permet d'être créateurS, consommateur.

Ainsi parlait Lavrent wink


Ne vous privez pas de ces ressources intellectuelles au prétexte qu'elles sont intellectuelles, qu'elles sont écrites avec de grands mots.

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#11 12-04-2012 22:52:58

Tsht
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

crapotobasta a écrit :

A ceci près que la nostalgie n'est ni unique ni trans-générationnelle. Formulé autrement, va (encore) falloir que le zozo nous explique comment des utilisateurs de 15 à 70 ans peuvent, comme par magie, se retrouver nostalgiques d'une seule et même époque, d'une seule et même esthétique. A la rigueur, que les quadra s'y retrouvent, passe encore. Mais les ados et jeunes adultes, franchement, je vois pas. Sauf à considérer les 70's comme le modulor autant que l'étalon de la culture occidentale... Mouais, va falloir s'accrocher pour le démontrer.

crapotobasta a écrit :
Lavrent a écrit :

Suivant cette direction, on peut se demander quelle est aujourd'hui la proportion des utilisateurs vintage qui ont connu les vraies vintage ? connu les vintage comme archive ?

+10, once again.

Amha c'est ici le concept de nostalgie appliqué à FB par l'intermédiaire de photos qui est intéressant.

Je pense qu'un utilisateur de moins de 20 ans sait reconnaître qu'une photo a un côté "vintage" juste en la regardant. En tout cas, s'il ne le pouvait pas au début il a dû en utilisant Instagram.
De même que je suis capable de reconnaître des habits qui "font 60's" alors que je n'existais pas à cette époque.

D'autre part l'idée de nostalgie en elle-même est trans-générationnelle.

Et pour le média : le propre de la photo est aussi de survivre au temps.

En ce qui me concerne j'ai tendance à mettre l'"effet Instagram" sur le compte du "revival-vintage" plus qu'autre chose. Si pour certains Instagram et ça fait penser à Derrida, pour moi ça fait aussi penser aux "Danseurs de la fin des temps" de Moorcock : de l'esthétique en tant qu'effet de mode et "pour faire comme tout le monde", sous couvert de nostalgie. Pour le moment je n'ai pas l'impression que l'aspect filtres + format instagram ait une quelconque pérennité.

La photo est pour Facebook un vecteur d'information du temps passé. Et ils cherchent à s'approprier l'idée de timeline publique.
En s'appropriant cette nostalgie en tant qu'idée ils pourraient peut être espérer modifier l'usage de Facebook quant à la timeline. Parce que je ne sais pas à quel point marche ce concept, mais ça ne m'étonnerait pas que ce soit encore insuffisant pour eux.
Ils doivent bien encore chercher quelques concepts qui pourraient émerger, aboutissant à Facebook en tant que le média au premier sens du terme : ce qui lie plusieurs personnes.
En d'autres termes, il faudrait sûrement pour eux que quand on pense "facebook", on pense à une espèce d'album photo en bien mieux : ça aussi c'est très nostalgie l'album photo. Bien mieux au sens tout ce qu'apporte l'informatique et le réseau social...
En tout cas c'est à ça que me fait songer l'article.

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#12 12-04-2012 23:15:36

Hiblou
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

crapotobasta a écrit :

Très intéressante en soi mais pas dans le cas présent, qui me parait sérieusement à côté de la plaque. Va falloir que le zozo nous explique comme le présent peut être nostalgique.

Ben, on donne à un évènement présent la force émotionnelle et la profondeur d'un évènement qui a résisté au temps, en le munissant d'attributs visuels de ce passé. La nostalgie, c'est le prix à payer pour acquérir cette force. L'esthétique oblige à voir ce présent, ou ce passé récent, comme un passé lointain et encore en mémoire, donc solide, ET qui n'est plus.

Je ne suis pas qu'il faille voir tout ça (que) comme un pur rapport passé présent dicté par l'esthétique. Lire le billet d'André Gunthert http://culturevisuelle.org/icones/2350 sous l'angle de la conversation d'images (c'est comme ça que je le comprends)
un truc que Google aurait p/d/u faire façon Wave ?

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#13 12-04-2012 23:29:54

Hiblou
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

swedish chief a écrit :

C'est la dernière phrase qui est intéressante.

En tant qu’élément de notre Journal, on peut s’en souvenir, mais s’il y a en plus cette lueur datée et familière du faux vintage, alors on doit s’en souvenir.

En choisissant délibérément ce dont on doit se souvenir, on refuse de garder en mémoire ce qui nous dérange

c'est discutable, peut être pas au niveau de l'intention, mais du résultat, de la réussite de cette sélectivité

Kodak (RIP) avait fait une étude il y a quelques années, où la conclusion était que plein de gens prenaient des photos (argentiques) sans les développer
hypothèse : le simple fait de prendre la photo, sans en voir le résultat, suffisait à se souvenir des choses les plus importantes (intérêt de l'étude : exploiter ce marché caché smile on en voit peut être les effets dans les pubs qui nous enjoignent d'imprimer nos plus belles photos, nos plus beaux souvenirs; ne pas voir le support de l'image c'est dit la pub ne pas voir l'image, ni se souvenir)
donc les photos qu'on ne garde pas, il ne faut pas oublier qu'on les a prises, et que ce simple fait les fait entrer dans notre mémoire
le cerveau est une bête bizarre qui n'obéit pas toujours à la volonté; le souvenir, malgré nous, est "au voisinage de"; voisin, dans le temps, l'espace ou toute autre manière de mesurer, de ce qu'on a photographié, mais pas forcément au point exact où est la photo qu'on choisit de garder

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#14 13-04-2012 09:20:15

neophite
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Lavrent a écrit :

J'ai l'impression que l'on approche le moment où l'on pourra s'échapper des aliénations traditionnelles. La religion m'impose mon imperfection par rapport à l'image projetée de Dieu ? Peu importe puisque je me réinvente. La société m'impose mon appartenance à une classe ? Peu importe puisqu'internet me permet d'être créateurS, consommateur.

Je te trouve bien optimiste et je pense que tu te trompes.
Les réseaux sociaux sont aussi les vecteurs de nouvelles formes d'aliénation (que la réaction de Sam a d'ailleurs effleuré immédiatement), qui ne me semblent pas beaucoup plus enviables ni émancipatrices que les aliénations "traditionnelles", d'autant qu'elles ne les excluent pas voire même qu'elles les renforcent.

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#15 13-04-2012 10:28:07

swedish chief
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

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#16 13-04-2012 11:01:22

Oliv Soares
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

gégé a écrit :

Le premier qui dégaine Derrida gagne un pins (Oliv ?)

haha! hmm d'autres ont été plus rapide à commencer par toi-même wink Je suis pas qualifié pour jouer avec Derrida que je connais vraiment pas assez de toutes façons, mais tout ça me parait très intéressant.

Par rapport à la photo, j'ai plutôt tendance à partir de mes vieux clichés argentiques pour en faire quelque chose qui puisse encore parler du présent, que prendre des photos numériques et leur donner un cachet vieillot, mais j'ai jamais pratiqué la photo-souvenir, alors je comprends pas trop, même si je trouve ça sympa de feuilleter l'album des autres, surtout quand c'est des jolis garçons.

désolé mon post est pas très philosophique (tant pis pour le pins) mais je lis le débat avec intérêt.

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#17 13-04-2012 11:29:13

Borges
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

gégé a écrit :

Le premier qui dégaine Derrida gagne un pins

En fait, plus que Derrida, ça me fait penser un peu à Benjamin, le côté critique de l'industrie de la culture collerait bien comme interprétation ici. Je m'explique : le truc de Benjamin (l’œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique), c'est de dire qu'au moment où il écrit (année 30, explosion du ciné, photo, vinyles), la représentation artistique du réel perd de son caractère unique - d'unicité, je veux dire. A partir du moment où une photo peut-être reproduite mille fois tout en restant la même, où une performance musicale est également reproductible à l'infini, on perd le caractère instantané de la représentation, ce qui se passe une fois et une seule, ici et maintenant. Benjamin appelle ça l' "aura" de l’oeuvre, mais c'est en fait tout aussi bien l' "aura" du moment présent, de ce qui n'est vécu qu'une fois, qui en fait une expérience singulière et unique. [bref, tout ça est connu, mode prof de philo / off]

Du coup, c'est vrai que ce modèle benjaminien marche bien, même avec les relents romantiques qu'il charrie un peu au fond, pour illustrer notre temps à nous : on est dans une ère de la reproduction, et on est surement un peu noyé sous des constructions factices, sous des redites perpétuelles. Et on est surement un peu nostalgique d'une expérience supposée un peu moins médiate, un peu moins reconstruite...


Il me semble qu'IG vient jouer sur cette fibre-là justement : c'est un outil qui donne l'impression qu'on a accès à un moment unique, qui fleure bon l'authenticité, qui a une bonne odeur de photo surannée (et donc, forcément, si ça fait vieux, ça fait plus authentique), qui sent bon le bon pain chaud de notre enfance. Sur ce point, je m'inscris complètement en faux de ce qui est dit plus haut : aucun besoin d'avoir vécu réellement l'époque initiale du lomo/Polaroïd/etc. pour avoir intégré la dimension affective et nostalgique qui y est lié. L'argument est fallacieux, les représentations sociales charrient avec elles leurs significations, et les habitus affectifs qui y sont liés (en gros, le rapport effet vieille photo -> nostalgie est quasi-mécanique pour n'importe qui, de n'importe quel age, dans notre culture, les publicitaires sont les premiers à le savoir).

Mais c'est évidemment complètement factice. Quelle valeur peut avoir une authenticité, une expérience "unique" construite de toute pièce, en deux clics, et que tout le monde peut activer sans le moindre apport singulier, via un processus automatisé ? Je parlais des publicitaires, ça me fait penser aux pub pour le camembert cœur de lion, qui jouent sur la même fibre de l'authenticité complètement construite... Il y a un milliard de parodies sur le net, et c'est pas pour rien, c'est qu'on sent bien, qu'au fond, c'est un truc totalement artificiel, on n'y croit pas, l'authenticité, c'est précisément l'inverse de ce qui est construit. Jouer l'authenticité, c'est contradictoire...


Alors ça n'empêche pas qu'il y ait des utilisations malines du truc, des usages artistiques d'IG, mais ça reste clairement à la marge. Là encore, ça me semble d'une grande naïveté de penser une seule seconde que c'est une une manière de réinvestir artistiquement nos vies, comme certains com semblent le dire plus haut. Penser ça, c'est clairement une manière de faire le jeu d'une espèce d'idéologie dominante de la mise en spectacle, ou être un peu aveugle sur ses mécanismes. Pour rebondir sur ce qui est dit juste au-dessus, on pourrait en effet plutôt y voir des nouvelles formes d'aliénations selon moi...

Du coup, je trouve très intéressant ce que dit l'article. J'aurais juste insisté sur le côté ironique de cette machine à créer de la pseudo-authenticité.

Ça porte un nom : le kitsch.

Dernière modification par Borges (13-04-2012 11:33:43)

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#18 13-04-2012 13:22:28

Lavrent
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Tout d'abord, désolé pour les citations peu mises en valeur, mais on atteint mes limites techniques personnelles.

@Crapotobasta>
"A ceci près que la nostalgie n'est ni unique ni trans-générationnelle [...]"
@Tsht>
"De même que je suis capable de reconnaître des habits qui "font 60's" alors que je n'existais pas à cette époque [...]"
Je crois aussi, à ceci près que le terme nostalgie n'a pas la même signification. Je pense que Jurgenson le prenait au sens large (peut-être au sens spectral de Derruda ?), mais je continue de penser qu'il manque un aspect fort dans son analyse.


@Hiblou>
"Ben, on donne à un évènement présent la force émotionnelle et la profondeur d'un évènement qui a résisté au temps, en le munissant d'attributs visuels de ce passé."

C'est ce que prétend Jurgenson. C'est ce dont je ne suis pas persuadé du tout à cause du facteur d'échelle des utillisateurs (voir ci-après).
@Borges>
"les représentations sociales charrient avec elles leurs significations, et les habitus affectifs qui y sont liés."
Comme ci-dessus, quels sont ces habitus selon que l'on a connu l'époque ou qu'on l'imagine. Que se passe-t-il si une majorité d'imaginaires peuvent reprendre ces représentations ? C'est ce que Jorgenson a un peu trop rapidement laissé de coté.
Par exemple, si _une_ compagnie importante reprend un code visuel passé sur un produit neuf, alors oui, la distanciation entre la masse et la compagnie permet à cette dernière d'imposer une distanciation temporelle. Si la masse peut faire de même, je pense que la distanciation ne fonctionne pas car chacun l'ancre dans son propre présent.

Pour reprendre Gunthert et renforcer mon propos "La soi-disant objectivité photographique n’est que l’accoutumance à un style de rendu."


@Crapotobasta>
"Mais peu voire très peu s'interrogent sur la réalité de ce que ça produit. Utilisation du cadre (carré), composition [...]"

+100
Et j'ajoute : le format carré, quelle merveille !! On peut même trouver des services en ligne qui tirent les photos à ce format. D'où vient le diktat du format rectangle ?

@Crapotobasta>
"Le story-telling ne date pas d'hier [...]"
+10
Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression que le story-telling est pratiqué depuis très longtemps par les anglo-saxons tandis que nous francais sommes plus systémiques (je pense entre autre aux bouquins d'histoires). Les élèves américains apprennent à se mettre en scène dès le plus jeune âge avec le "show and tell" ce qui ne fait pas partie de notre culture. Je ne le réalise que maintenant, mais oui c'est vraimment pas neuf en fait...

@Tsht>
"Ils doivent bien encore chercher quelques concepts qui pourraient émerger, aboutissant à Facebook en tant que le média au premier sens du terme : ce qui lie plusieurs personnes."
Je crois que ca s'appelle l'opengraph, voire même le web avec google et ses 37 paramètres génériques qui fournissent une expérience web personnalisée.

Aller, en plus, j'ose : le media n'est pas le message. Bien sur que le media, l'outil, le contexte influent sur le message. Mais avec le temps, seul reste le fond, et il est assez amusant de voir qu'il est pratiquement impossible de retrouver un message ancien sur facebook.

Je suis curieux de votre expérience fb, mais la mienne est proche du show and tell justement. On monte sur l'estrade, les gens applaudissent et c'est fini.


@Crapotobasta>
"Ainsi parlait Lavrent "
Déjà tout petit je ratais mes conclusions wink

@Neophite>
"Je te trouve bien optimiste et je pense que tu te trompes."
Peut être. Mais je veux bien que tu développes ton idée sur les nouvelles formes d'aliénations. Contrairement aux aliénations usuelles, j'ai l'impression qu'elles sont plus accessible à chacun. En gros, chacun peut faire sa révolution marxiste dans son salon wink

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#19 13-04-2012 21:02:16

crapotobasta
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Lavrent a écrit :

Je crois aussi, à ceci près que le terme nostalgie n'a pas la même signification. Je pense que Jurgenson le prenait au sens large (peut-être au sens spectral de Derruda ?), mais je continue de penser qu'il manque un aspect fort dans son analyse.

Le zozo inscrit sa réflexion dans sa génération. Question recul et mise à distance, il repassera.


Lavrent a écrit :

C'est ce que prétend Jurgenson. C'est ce dont je ne suis pas persuadé du tout à cause du facteur d'échelle des utillisateurs (voir ci-après).

Comme si toutes les générations étaient nostalgiques de la même esthétique... il suffit de confronter la convocation malhabile de l'habitus à la vraie vie pour s'apercevoir de ce qu'il en est. Au demeurant, c'est peut-être l'esthétique qui prime sur le rapport au temps. Sinon, qu'on m'explique le caractère cyclique de la chose.

Lavrent a écrit :

Comme ci-dessus, quels sont ces habitus selon que l'on a connu l'époque ou qu'on l'imagine.

La somme des comportements que l'on a intégrés...mais limités à une seule époque supra délimitée dans le temps. et de plus, la même pour tout le monde. Ben voyons. commode mais fainéant.

Lavrent a écrit :

Et j'ajoute : le format carré, quelle merveille !! On peut même trouver des services en ligne qui tirent les photos à ce format. D'où vient le diktat du format rectangle ?

diktat je sais pas mais j'aime bien aussi ce format un peu cinoche qui impose plus ou moins de facto des plans bien serrés comme il faut, bas du front wink. mais j'aime aussi le format carré qui bouleverse les habitudes et oblige à structurer son propos différemment. Quitte à assumer une certaine part d'académisme.

Lavrent a écrit :

Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression que le story-telling est pratiqué depuis très longtemps par les anglo-saxons tandis que nous francais sommes plus systémiques (je pense entre autre aux bouquins d'histoires). Les élèves américains apprennent à se mettre en scène dès le plus jeune âge avec le "show and tell" ce qui ne fait pas partie de notre culture. Je ne le réalise que maintenant, mais oui c'est vraimment pas neuf en fait...

Possible. En même temps, la manière dont la France (et les Français) se voit depuis des décennies relèvent bel et bien du story-telling. Ou alors de la mythification. Pas persuadé que ce soit mieux.

Lavrent a écrit :

Déjà tout petit je ratais mes conclusions wink

Au contraire, j'ai trouvé la tienne très bonne. Et très nietzschéenne  aussi.


Ne vous privez pas de ces ressources intellectuelles au prétexte qu'elles sont intellectuelles, qu'elles sont écrites avec de grands mots.

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#20 14-04-2012 10:15:54

dr_surpriso
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Ecrans.fr, ça devient ça parfois:

medium_le_balto_370.jpg

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#21 14-04-2012 18:53:16

crapotobasta
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Quitte à regarder dans le passé, autant le faire comme il faut wink

http://www.ina.fr/art-et-culture/litter … es.fr.html


Ne vous privez pas de ces ressources intellectuelles au prétexte qu'elles sont intellectuelles, qu'elles sont écrites avec de grands mots.

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#22 14-04-2012 20:27:26

crapotobasta
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Ou sinon, cet article d'un prof de l'EHESS : http://culturevisuelle.org/icones/2350#more-2350


Ne vous privez pas de ces ressources intellectuelles au prétexte qu'elles sont intellectuelles, qu'elles sont écrites avec de grands mots.

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#23 17-04-2012 14:14:42

Lavrent
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

crapotobasta a écrit :
Lavrent a écrit :

Je crois aussi, [...] continue de penser qu'il manque un aspect fort dans son analyse.

Le zozo inscrit sa réflexion dans sa génération. Question recul et mise à distance, il repassera.

Je me faisais l'avocat du diable, mais nous sommes d'accord.


crapotobasta a écrit :

Au demeurant, c'est peut-être l'esthétique qui prime sur le rapport au temps. Sinon, qu'on m'explique le caractère cyclique de la chose.

+1

crapotobasta a écrit :

diktat je sais pas mais j'aime bien aussi ce format un peu cinoche qui impose plus ou moins de facto des plans bien serrés comme il faut, bas du front wink. mais j'aime aussi le format carré qui bouleverse les habitudes et oblige à structurer son propos différemment. Quitte à assumer une certaine part d'académisme.

À réfléchir pour moi.

crapotobasta a écrit :

Possible. En même temps, la manière dont la France (et les Français) se voit depuis des décennies relèvent bel et bien du story-telling. Ou alors de la mythification. Pas persuadé que ce soit mieux.

C'est vrai que l'on a construit une identité par une histoire commune, donc racontée, où l'on pense aux lumières et oublie la terreur. Je ne sais pas s'il y a d'autres constructions possibles (par l'utilisation de sa voix dans le débat démocratique ?)

crapotobasta a écrit :
Lavrent a écrit :

Déjà tout petit je ratais mes conclusions wink

Et très nietzschéenne  aussi.

Ahah ! Pourquoi n'avais je pas vu l'allusion.

crapotobasta a écrit :

Quitte à regarder dans le passé, autant le faire comme il faut wink
http://www.ina.fr/art-et-culture/litter … es.fr.html

+1


En tout cas, merci à tous pour la discussion.

Dernière modification par Lavrent (17-04-2012 14:16:26)

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#24 17-04-2012 14:55:43

LaMirabelle
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Ca y est, j'ai mal à la tête. C'est malin.


Mon blog bilingue d'illustration et de photo : http://www.leblogdelamirabelle.net
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Mes peintures numériques sur t-shirts: http://lamirabelle.wordans.fr

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#25 17-04-2012 15:36:02

goom
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Re : «On nous incite à regarder notre présent comme un futur passé»

Et si le vintage faisait partie de notre mode de consommation ? Si c'était une mode ?

Dans un domaine totalement différent le vintage existe : la voiture radio-commandée et il y a une marque qui excelle Tamiya. Je vais un peu raconter ma vie mais quand j'étais jeune (je le suis toujours big_smile ) milieu des années 80 j'avais eu pour noël une voiture RC, la boomerang de Tamiya. Je l'ai toujours et Tamiya l'a ressortie en 2008 et ce n'est pas le seul modèle qui est ressorti plus de 20 ans après. Rien à voir avec instagram si ce n'est que le vintage.

Alors le vintage n'est-il pas ancré au fond de nous prêt à ressortir si on lui en donne l'occasion ?

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