iPhone 4S, oui mais...

par Erwan Cario et Camille Gévaudan
publié le 14 octobre 2011 à 18h19

La cinquième génération du téléphone d'Apple, l'iPhone 4S, est sans doute celle qui aura fait le moins de bruit lors de sa sortie. Une discrétion à la mesure de la déception des accros d'Apple de n'avoir le droit qu'à une évolution du modèle précédent plutôt qu'à un vrai nouveau téléphone tant espéré.

L'iPhone 4S a été présenté le 4 octobre au siège d'Apple à Cupertino (Californie) par Tim Cook, le nouveau PDG. «Sept fois plus rapide», un appareil photo amélioré (8 megapixels), une meilleure connexion, rien que du très attendu pour un nouvel objet technologique. La firme à la pomme a conclu avec la démonstration de Siri, un logiciel de reconnaissance vocale «intelligent». «Quel temps fait-il ? » L'appli météo se lance. «Combien de jours avant Noël ?» 82. Bizarrement, il n'y a pas eu de ola.

Malgré tout, cet iPhone 4S va certainement se vendre. Comme ses prédécesseurs par wagons entiers, probablement. Mais les points forts qui faisaient du téléphone d’Apple un objet unique sont aujourd’hui souvent présents chez la concurrence. Certains pourraient même se transformer en faiblesses.

Le design

Avant la sortie du premier iPhone, en juin 2007, ce qu’on appelle déjà l’Internet mobile est avant tout un fantasme. Des modèles de smartphones existent déjà mais aucun ne propose une navigation intuitive sur le Web. Jonathan Ive, designer en chef d’Apple, à qui on doit déjà l’iMac G3 (la boule translucide) et l’iPod, réussit à imaginer l’appareil qui permet d’embarquer Internet dans sa poche : pas de clavier et un seul grand écran tactile multitouch particulièrement réactif. Une première, et un succès phénoménal.

Oui mais : la concurrence a fini par rattraper son retard. Ce fut loin d’être évident et les constructeurs ont longtemps cherché leurs repères, mais des bestioles comme le Galaxy SII chez Samsung ou le Sensation de HTC n’ont plus grand-chose à envier à l’iPhone.

Le système d’exploitation

En soi, iOS, qui fait tourner l’iPhone, est une belle réussite. L’interface est fluide, intuitive et réagit parfaitement au toucher. Ça n’a l’air de rien, mais le perfectionnisme d’Apple dans le domaine est inégalable pour créer une relation tactile évidente entre l’utilisateur et la machine.

Oui mais : iOS est une boîte noire, un système fermé au possible. Difficile de faire pire en la matière. Et ce qui peut sembler gênant lorsqu’il s’agit d’un ordinateur devient un vrai souci lorsqu’on parle de l’objet qui va finir par contenir la vie de ses utilisateurs (communications de tous types, réseaux sociaux, contenus culturels, déplacements). Est-il raisonnable d’avoir une confiance aveugle envers un constructeur de téléphone, même avec une pomme ? Pas sûr. La découverte du stockage des déplacements de l’utilisateur d’un iPhone l’a récemment montré. Android, développé par Google, qui doit gérer beaucoup plus de contraintes, notamment la diversité des machines sur lesquelles il doit tourner, ne rivalise toujours pas avec iOS sur bien des points. Mais il est libre et open source (son code informatique est public). Un poil plus rassurant.

Des applis et des jeux

Retrouver sa voiture sur le parking ? Calculer l’apport énergétique de son petit déjeuner ? Il existe une application iPhone pour à peu près n’importe quel besoin réel ou superflu. La plateforme de téléchargement d’Apple, l’AppStore, a grossi de manière exponentielle et propose plus de 500 000 mini-logiciels. Les deux tiers sont payants, mais vendus à un prix modique (souvent 79 centimes d’euro) qui encourage l’achat compulsif. L’AppStore dispose surtout d’un impressionnant catalogue de jeux (20% environ du total) face auquel Android ne peut pas lutter. La ludothèque de l’Android Market est en effet bien plus tristouille.

Oui mais : Apple exerce un contrôle très strict sur son marché d'applications. Quand l'ajout d'une appli sur Android n'est qu'une formalité, chaque candidat à l'AppStore doit soumettre son programme à la police éditoriale d'Apple puis patienter plusieurs jours avant d'obtenir (ou pas) la précieuse autorisation. Les applications jugées «inappropriées» (insultes, nudité, ou tout autre critère) sont évincées. On garde également en souvenir quelques fâcheux refus pour cause de concurrence avec les services maison, comme l'appli de voix sur IP Google Voice, blackboulée pour avoir, argumente Apple, «reproduit des capacités offertes par [son] téléphone» .

Jamais sans iTunes

C’est le symbole de l’écosystème connecté d’Apple. Le logiciel permet de gérer tout le contenu de son téléphone (musique, vidéos, livres, applis, podcasts). Et, malgré une lourdeur rare, c’est plutôt pratique, surtout lorsqu’on est un consommateur régulier sur l’iTunes Store, le magasin en ligne.

Oui mais : l’utilisateur n’a aucun choix et doit passer par iTunes pour gérer son téléphone. Impossible de profiter comme il le souhaite des gigaoctets disponibles. Et quiconque a déjà essayé de synchroniser sa bibliothèque musicale avec plus d’un ordinateur à la fois en garde un souvenir douloureux. Apple se réfugie derrière une simplicité d’utilisation. Le consommateur ne doit pas se poser de question. C’est sûr, on a moins de chance de se perdre quand on est tenu en laisse.

Paru dans Libération du 5 octobre 2011

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