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Critique

«Kick-ass», comics de situation

Geek. Un ado masqué et sans pouvoirs déboulonne les super-héros américains.
par Erwan Cario
publié le 22 avril 2010 à 0h00

Kick-Ass n'est pas un film de super-héros. C'est un film sur les super-héros. Pas un documentaire, mais un bilan explosif de l'héritage culturel des justiciers costumés. La mythologie issue des «comics» américains semble en effet suffisamment mûre, et suffisamment populaire - notamment avec les productions cinématographiques de la dernière décennie, à commencer par le premier Spider-Man de Sam Raimi en 2002 -, pour qu'on puisse commencer à jouer avec ses codes sans pour autant se restreindre au public féru de culture geek.

Gadget. Même si les amateurs s'amuseront à déceler inspirations et clins d'œil dans la plupart des scènes et des répliques, le déroulement du film tient par sa construction finalement très classique autour d'un parcours initiatique, celui de Dave Lizewski (Aaron Johnson), qui décide de devenir un super-héros, sans en avoir pour autant la moindre prédisposition. Ni superpouvoir, ni supergadget, ni technique de combat, ni même le moindre traumatisme originel censé expliquer simplement la destinée de vengeur masqué.

Pour dépoussiérer le super-héros, Kick-Ass ne fait pas dans la dentelle. Exit le surnaturel, les araignées radioactives et autres bonshommes qui volent. Exit aussi (et surtout ?) la symbolique lourdingue de l'apprentissage de ce qu'est l'adulte responsable. La seule chose qui pourrait pousser quelqu'un à jouer au héros costumé n'est que l'envie de ressembler à un personnage de BD avec pour seule récompense l'augmentation des compteurs YouTube et MySpace. Pas de pouvoir, pas de responsabilité. Seules anomalies dans ce tableau, Big Daddy et Hit Girl, duo tragi-comique père et fille, incarnés par un Nicolas Cage qu'on n'a pas vu aussi juste depuis des lustres et par Chloe Moretz, impeccable en gamine à l'ultraviolence cathartique. Combattants efficaces et surentraînés, ils sont comme les vestiges du vieux monde des super-héros. Un monde destiné à disparaître.

Rouste. Comme son héros, Kick-Ass ne veut pas se prendre au sérieux et évite l'écueil de la comédie ultraréférencée. C'est un film d'action qui l'assume de bout en bout, porté par une très bonne bande originale (The Prodigy, Primal Scream, The New York Dolls…). Et un vrai plaisir même pas coupable pour tous ceux qui ont biberonné aux comics. Le Peter Parker des années 2010 se prend des roustes, finit à l'hosto, déambule dans la rue complètement désœuvré et se tape Mary-Jane dans l'arrière-cour d'un resto. Mine de rien, ça libère.

Mais c'est une mauvaise nouvelle pour toutes les grosses productions super-héroïques à venir. Prévus pour 2011, Thor (première publication en 1962), Captain America (1941) et Green Lantern (1940) risquent la ringardisation express. Malgré leurs grands pouvoirs.

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