Menu
Libération

.xxx : pas d'extension des domaines du porno

par Astrid GIRARDEAU
publié le 3 avril 2007 à 13h26
(mis à jour le 3 avril 2007 à 13h29)

C'est une des Arlésiennes du web. L' ICANN , l'organisation qui gère les noms de domaine sur Internet (1), vient de rejeter pour la troisième fois la demande de création d'une extension .xxx pour les sites pornographiques.

Lors d'un congrès à Lisbonne, le bureau de l'ICANN a en effet voté contre (8 voix contre, 5 pour et une abstention) la nouvelle requête d' ICM Registry , le registrar (2) canadien à l'origine de l'initiative. Selon l'ICM, un tel nom de domaine profiterait à tous les internautes. Il permettrait de «créer une zone clairement identifiée» sur Internet, et donc de pouvoir mieux choisir d'y aller ou de l'éviter. Suite aux précédents refus (3), l'IMC Registry avait pourtant retravaillé les points sensibles du dossier. Ainsi, il interdisait aux sites en .xxx d'envoyer des spams et de diffuser des spywares. Il les obligeait à clairement identifier leurs contenus (via des mots-clefs) et à renforcer l'interdiction d'accès aux mineurs. Par ailleurs, une part de l'argent rapporté par l'extension devait être reversé pour le développement de systèmes de contrôle parental. Enfin, l'ICM s'engageait à combattre toute pornographie infantile via un contrôle poussé de tous les sites enregistrés.

Mais, selon l'ICANN, ce n'est pas suffisant. En cause principalement, le problème de la responsabilité. Pour l'ICANN, des «scénarios crédibles» pourraient forcer l'organisation à assumer la gestion et le classement des contenus de ce nom de domaine. Une responsabilité «non conforme à son mandat technique» . Selon eux, la définition de site pornographique ou érotique et les lois sur le sujet étant variable d'un pays à l'autre, cela les obligerait à réguler les contenus des sites .xxx. Par ailleurs, ils estiment que les garanties proposées par l'ICM ne sont pas suffisantes pour assurer «la protection des membres vulnérables de la communauté» . Enfin, ils jugent que, vu l'absence d'obligation pour les sites adultes d'utiliser l'extension .xxx, cela risquerait d'apporter une confusion et de multiplier ce type de sites.

Du côté des opposants, on retrouve naturellement des associations religieuses conservatrices, tel le Family Research Council . Les gouvernements canadien et américain aussi. En particulier le ministère américain du Commerce, le US Departement of Commerce , dont dépend l'ICANN et qui, en 2005 déjà, avait exercé une forte pression sur le vote. Plus étonnant, une partie de l'industrie du X en ligne, dont l'association Free Speech Coalition , s'est également satisfait du vote. Elle craint en effet qu'un tel regroupement leur nuise au final, les soumettant à une légalisation particulière, voire à des sanctions.

Sur le site de la société , Stuart Lawley, le président d'IMC Registry s'est dit : «extrêmement déçu par l'action du conseil.» . Interrogé par Ecrans.fr, il a confirmé son intention de poursuivre l'ICANN en justice. «Nous avons de nombreux arguments» . A commencer par le fait que «l'ICANN ne respecte pas ses propres règlements et processus.» Il nous a déclaré vouloir aussi poursuivre le ministère américain du Commerce «pour leur influence sur la décision» de l'ICANN.

(1) L'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) est une organisation américaine privée qui s'occupe de la gestion des adresses Internet et des noms de domaine pour le monde entier.

(2) Un registrar est une société qui vend des noms de domaines sur Internet. Pour exercer, il doit être accrédité par l’ICANN et payer une redevance.

(3) La demande, d'ICM Registry à l'ICANN, de créer d'un nom de domaine .xxx remonte au 19 mars 2004. Le 15 septembre 2005, l'ICANN votait contre sa création, à 11 voix contre 0. Un refus réitéré le 10 mai 2006 avec 9 voix contre 5.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique