L'Australie veut filtrer en toute discrétion

par Astrid GIRARDEAU
publié le 18 mars 2009 à 18h27

«La première règle de la censure est que vous ne pouvez pas parlez de la censure.» Le site Wikileaks a ainsi réagi alors que certaines de ses pages ont été rajoutées à la liste noire que le gouvernement australien est en train de mettre en place via une autorité gouvernementale, l' ACMA (Australian Communications and Media Authority).

Pour Wikileaks, cela concerne en fait une page affichant justement la liste des quelque 3863 sites bloqués au Danemark. L'information vient d'un activiste autralien anti-filtrage qui a déposé une requête auprès de l'ACMA à propos de cette page. L'autorité y a répondu favorablement. La base d'un système de filtrage budgeté à hauteur de 150 millions de dollars australiens (76 millions d'euros) par an est en effet de savoir garder une liste noire secrète. Pour cela, l'ACMA a menacé de punir d'une amende de 11000 dollars par jour tout ceux qui, sur leur site, feraient des liens vers la liste noire, rapportait lundi le Sydney Herald Tribune .

Aujourd'hui, cette liste contient 1370 sites, qui devait servir de base aux tests pilote de filtrage par les fournisseurs d'accès Internet. Des tests dont la date de lancement est sans cesse retardée . A terme, elle devrait comprendre au moins 10000 sites, avait annoncé Stephen Conroy, le ministre des Communications et de l'Economie numérique.

Depuis que le projet gouvernemental de filtrage de l'Internet a été dévoilé, le contenu de cette liste reste un mystère, et une source d'inquiétude. Les « tests pilote filtreront les contenus interdits sur Internet de la liste noire d'ACMA, essentiellement de la pédo-pornographie, mais aussi d'autres contenus indésirables» , a simplement indiqué Conroy en novembre dernier. On sait seulement que deux types de filtrage sont prévus, l'un à destination des enfants pourra être désactivé, l'autre sera obligatoire sur tous les postes du pays.

Pour Electronic Frontiers Australia, très engagée contre le projet via le mouvement No Clean Feed, le fait que les listes noires danoise, mais aussi thaïlandaise, soient connues montre qu'une fuite de la liste noire de l'ACMA est plus que probable. «Il est manifestement inévitable que la liste du gouvernement soit un jour également exposée. Le gouvernement servirait le pays en s'épargnant, et en nous épargnant, cet embarras» , a déclaré l'association. «Une fois que la censure parrainée par le gouvernement commence pour de bon, il devient très difficile de savoir quand la liberté de choix est compromise» , s'inquiétait Michael Malone , le président du fournisseur d'accès Ilnet, en février dernier.

A noter que l'Australie a fait son entrée dans le rapport Les ennemis d'Internet 2009 (pdf) publié par Reporters sans Frontières la semaine dernière. Il fait partie des deux principaux pays que l'organisation considère comme des démocraties «sous surveillance». «Ce projet de filtrage intervient dans un contexte où la législation sur le terrorisme permet d'ores et déjà de graves atteintes à la confidentialité des correspondances privées» , estime RSF, qui rappelle par ailleurs que «depuis 2001, la loi permet à une agence indépendante du gouvernement d'intercepter tout e-mail suspect et de mener des enquêtes indépendantes y compris en l'absence d'autorisation judiciaire préalable.»

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