La méga contre-attaque de MegaUpload

par Camille Gévaudan
publié le 13 décembre 2011 à 19h02
(mis à jour le 21 janvier 2012 à 13h52)

«Quand je dois envoyer des fichiers à travers le globe... j'utilise MegaUpload. Mega-Mega-Uploaaad !» On a beau se repasser la scène au ralenti en observant à la loupe le mouvement des lèvres, il n'y a pas de doute possible : c'est bien Will.I.am, chanteur des Black Eyed Peas, qui rappe sans trucage un couplet à la gloire de MegaUpload. Et les 4 minutes 12 de la vidéo réservent bien d'autres surprises encore : Snoop Dogg, Kanye West, Chris Brown, Lil John, Alicia Keys, Kim Kardahshian et Serena Williams... Un casting de première classe (il ne manque décidément que Thierry Lhermitte ) défile au micro pour déclarer sa flamme au leader des sites de téléchargement direct. Ce n'est pas qu'ils soient spécialement heureux d'y être massivement piratés : ils ont tout simplement accepté de figurer dans une publicité du groupe Mega visant à redorer le blason de ses sites (MegaUpload et MegaVideo), régulièrement traités de «véreux» ou de «voyous» ( rogue en V.O.) par les lobbys américains de la culture.

Les sites Mega sont tout particulièrement menacés par un projet de loi actuellement débattu aux États-Unis et répondant au surnom de SOPA (Stop Online Piracy Act), qui permettrait, s'il était voté, de bloquer l'intégralité d'un site sur le territoire américain pour une seule et unique infraction au droit d'auteur constatée dans ses contenus. À l'heure actuelle, les ayants droit disposent déjà d'outils juridiques pour demander le retrait d'une chanson ou d'une vidéo piratée sur un site communautaire comme YouTube ou MegaUpload. Ils s'en servent d'ailleurs très régulièrement, et obtiennent souvent gain de cause. Mais ces mesures ne paraissent pas suffisantes aux bâtisseurs de la loi SOPA, qui aimeraient pouvoir filtrer ou couper les fonds des plateformes d'hébergement dérangeantes.

Mais le fondateur des sites Mega, Kim Schmitz, tient à soigner leur réputation : «Nous ne sommes pas concernés par SOPA, déclare-t-il au blog TorrentFreak . Nous sommes un fournisseur de services en ligne légitime, en ligne depuis 7 ans» déjà. Le site de téléchargement direct et son frère spécialisé dans le streaming ne sont pas illégaux en tant que tels, en effet : leur rôle se limite à héberger les fichiers envoyés par les internautes... Et selon les stars figurant dans la pub, toutes sous contrat avec une major de la musique, ils remplissent ce rôle à merveille : «J'utilise MegaUpload pour envoyer mes hits parce que ça va vite» (P Diddy), «parce que c'est rapide et sécurisé» (Def Jam), «parce que ça empêche les gamins de traîner dans la rue» (Snoop Dogg)...

Kim Schmitz veut même aller plus loin pour retrouver une image d'entrepreneur respectable : en rappelant que «87% des 500 entreprises les plus fortunées ont ouvert un compte Premium chez nous» , il propose de transformer Mega en «l'un des plus gros clients de l'industrie culturelle pour oublier ces conneries de "sites voyous". On va payer les créateurs de contenus !»

Son plan, pour le moins ambitieux, est déjà tout prêt. Deux plateformes de téléchargement légal seront lancées : Megabox pour la musique, sur le modèle d'iTunes, et Megamovie pour les films. Les internautes n'auront pas à débourser un seul centime : pour accéder à l'intégralité des contenus, il leur suffira de s'abonner au service Megakey et d'accepter que le groupe Mega prenne le contrôle de 10 à 15% des publicités affichées sur leur navigateur.

«Ça marche comme un bloqueur de pub , détaille Schmitz, mais au lieu de les bloquer, on les remplace par celles venant de notre propre régie publicitaire, Megaclick.» Schmitz, qui n'a peur de rien, envisage donc purement et simplement de «pirater» les espaces publicitaires de sites Internet ne lui appartenant pas. Chez un internaute ayant activé ce système, on verrait par exemple, dans la colonne du milieu d'Ecrans.fr, une pub gérée par Megaclick à la place de cette grande bannière vantant un ordinateur portable. Et lorsque cette pub détournée est chargée sur un navigateur, elle rapporte au groupe Mega plutôt qu'à Libération . «Cela devrait permettre de générer assez d'argent pour fournir gratuitement aux internautes des services et du contenu légal» , conclut Schmitz, fier de son idée.

«Imaginez 450 millions d'utilisateurs de Megakey en 2015, et un total de 5 milliards de pubs affichées par jour... Ça paiera un sacré paquet de contenus !» Actuellement, Mega cumule plus de 180 millions d'utilisateurs inscrits, et 50 millions de visiteurs uniques par jour. Si les futures négociations avec les ayants droit sont fructueuses, le potentiel est effectivement impressionnant.

Mais la stratégie du groupe Mega a rapidement été éclipsée par une mésaventure survenue hier à la vidéo de MegaUpload... «Cette vidéo n'est plus disponible suite à une réclamation pour atteinte aux droits d'auteur soumise par UMG» , peut-on désormais lire sur la page YouTube . Considérant apparemment que certains éléments (certains artistes signés chez eux ?) leur appartiennent, Universal a demandé à YouTube de retirer la vidéo en question, et le site a obéi. Mais Kim Schmitz jure que tout est en ordre de son côté : «Soyons clairs : rien dans notre chanson ou la vidéo n'appartient à Universal Music Group. Nous avons signé des accords avec tous les artistes approuvant Megaupload» .

Sûr de son droit, et constatant que ses tentatives de dialogues avec la major ont échoué, il a décidé de porter plainte contre Universal Music : «Après cette démonstration d'abus de pouvoir par Universal, nous sommes certains qu'un instrument de censure tel que SOPA ne doit pas être mis dans les mains de ces sociétés.»

De son côté, Universal déclare à GigaOM que «quelques uns de nos artistes (et leurs représentants) nous ont dit n'avoir jamais donné leur accord pour figurer dans la vidéo» . Mais s'ils n'étaient pas d'accord, on se demande bien pourquoi il ont chanté «M-E-G-A, mega mega uploaaad» quatre minutes durant.

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