Loppsi : filtrage et usurpation d'identité, le Sénat serre les vis

par Alexandre Hervaud
publié le 19 janvier 2011 à 13h02

Mi-décembre dernier, l'Assemblée nationale examinant le projet de loi Loppsi 2 adoptait l'article 4 du texte , repoussant ainsi l'intervention préalable du juge pour bloquer d'éventuels sites « illicites » (comprendre pédopornographiques, principalement), tout comme l'intervention de la Cnil ou la rédaction d'un rapport d'application annuel jugé «pas nécessaire» par Brice Hortefeux. Hier soir, c'est au Sénat que le texte était examiné en seconde lecture.

À cette occasion, le Ministre de l'Intérieur l'a encore martelé : «le projet de loi modernisera les moyens des forces de l'ordre et renforcera la réponse pénale» . Et d'ajouter , chiffres à l'appui : «plus de 10 000 internautes ont signalé être entrés fortuitement sur des sites pédopornographiques. Ceux-ci, hébergés à l'étranger, sont très mobiles et très dangereux. Le Gouvernement n'entend pas limiter l'accès à internet mais protéger. Est-ce être liberticide (...) que ne pas vouloir que les délinquants soient en liberté ?»

Coupons court au faux suspense : le fameux article 4 a été adopté, et toutes les tentatives d'amendements visant à rétablir l'intervention du juge se sont soldées par des avis défavorables à répétition. On peut citer l'argument de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, Présidente du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche : «il revient à l'autorité judiciaire, gardienne des libertés, de se prononcer sur des mesures susceptibles de porter atteinte à la liberté de la communication. Le Conseil constitutionnel, à propos de la loi Hadopi, a estimé qu'une autorité administrative ne pouvait suspendre une connexion internet. La CEDH comme la Cour de cassation considèrent que le parquet n'est pas une autorité judiciaire au sens du droit européen» . Pour Jacques Mézard, membre du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, «on va vers des contentieux à répétition» .

Les rejets d'amendements de ce genre ont été justifiés par le rapporteur Jean-Patrick Courtois au motif qu' «un recours contre la décision administrative restera possible» . Ouf, on est rassurés. Signalons au passage que l'article 2 du volet cybercriminalité a également été adopté : un délit d'usurpation d'identité passible d'un an de prison et de 15000 euros d'amende est ainsi créé. Etrangement, le faux compte Twitter parodique de Brice Hortefeux n'a pas encore réagi, contrairement à l'inévitable Maître Eolas , qui a lâché un lapidaire : «la Tunisie ouvre son web, la France ferme le sien» (avec la variante «Ben Ali s'est barré, Sarkozy déboule» du Parti Pirate ). Reste désormais à voir de quel bord se rangera le Conseil Constitutionnel, ultime moyen de voir le texte censuré à ce stade.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus