New York, médialopôle

par Alexandra Geneste
publié le 22 juin 2010 à 10h01

De notre correspondante à New York

Michael Bloomberg le martèle depuis plusieurs mois : New York est en passe de devenir la prochaine Mecque de la «tech» , autrement dit des nouvelles technologies. La récession a mis K.-O. Wall Street et, avec elle, des centaines de milliers d'emplois. Le maire de la ville a donc bien l'intention d'encourager le développement d'un secteur naissant et prometteur à Gotham City : celui des nouveaux médias. D'où la création du New York Media Lab qui aura pour mission de favoriser la recherche sur ces technologies au niveau universitaire et d'en faire profiter les entreprises et institutions spécialisées.

L'initiative repose sur un consortium composé notamment de l'université Columbia, dont la prestigieuse école de journalisme sera mise à contribution, et de l'Institut polytechnique, dont l'annexe à Brooklyn abritera cette entité. «Plus de cents établissements universitaires de New York font des recherches sur les moyens de communication, dans des secteurs qui intéressent plus de 10 000 entreprises, mais souvent la connexion entre les premiers et les secondes est lente ou inexistante» , a fait remarquer Bloomberg lors de l'inauguration la semaine passée. Ce projet est l'une des huit initiatives du programme MediaNYC 2020 qu'il a lancé en été 2009 pour soutenir l'industrie des médias face aux bouleversements technologiques et créer 8 000 emplois sur dix ans.

Le concept s’inspire d’un modèle développé par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et par l’université de Stanford en Californie. Mais, à la différence de ces laboratoires pionniers, le Media Lab de New York bénéficiera de fonds publics. La mairie a déjà mis 250 000 dollars (202 000 euros) sur la table.

Car celui que l'on surnomme le «roi Bloomy» a des ambitions pour New York qui vient de le réélire une troisième fois. Le milliardaire n'y est pas devenu le patron d'une agence d'informations financières pour rien. Ce n'est pas dans un garage de la côte Ouest que le jeune Michael a monté, en 1981, la start-up qui porte son nom. Mais dans une grange du Connecticut, à deux pas de Manhattan. Trente ans plus tard, ce self-made man est prêt à tout pour faire en sorte que New York dame le pion à la Silicon Valley. «Ce projet peut vraiment changer la donne pour la ville» , estime Seth Pinsky, le président de l'agence municipale en charge du plan économique qui contribue au financement. L'objectif est ni plus ni moins de faire de la ville un centre de recherches sur les médias de la dernière génération, et sur le développement commercial qui s'y associe.

Cette compétition avec la Silicon Valley ne date pas d'hier. Dès la fin des années 90, New York a su s'imposer comme l'un des centres de la technologie aux Etats-Unis. En quelques années, un technopôle concentrant des entreprises spécialisées dans Internet et les nouveaux médias a émergé dans le quartier Flatiron. Très vite, les New-Yorkais l'ont surnommé «Silicon Alley» .

Le nombre croissant de start-ups qui s'y montent depuis 2003 a propulsé la ville au rang de leader en matière d'innovation, aux côtés de Boston et de San Francisco. Parmi les nouveaux grands gagnants du secteur que compte New York, on citera Foursquare , site de géolocalisation qui connecte les gens d'un même quartier entre eux, OpenTable , un site de réservation de restaurant et Tumblr , un site de «microblogging» via lequel les internautes partagent brefs messages et photos. La consécration de New York comme cité de la tech a été entérinée en 2006 avec l'installation dans ses murs du pôle publicité de Google et de ses 500 employés, à raison d'un loyer de 10 millions de dollars par an.

La présence à deux pas de nombreux médias - New York Times , Time Warner, Viacom, News Corp., Hearst, Bloomberg, Fox News, ABC, CBS, NBC -, a suffi à justifier cette nouvelle adresse.

Si l'innovation technologique sert le secteur des médias et des agences de publicité, ces deux industries sont en effet traditionnellement ancrées à New York. Mais les statistiques parlent aussi en faveur de Big Apple. Les médias représentent l'un des secteurs économiques les plus importants de la ville, avec plus de 300 000 salariés et 30 milliards de revenus par an. Pour le PDG d'AOL, Tim Amstrong, ce projet est la meilleure chose qui pouvait arriver à «New York, la capitale mondiale des médias» , car il «va l'assurer de conserver ce titre tandis que l'industrie continue d'évoluer et d'innover» .

Paru dans Libération du 21/06/2010

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