T’es foutu, Twitter est dans la rue

Net. Des artistes détournent les micromessages et les replacent dans la ville.
par Marie Lechner
publié le 4 juillet 2009 à 6h53
(mis à jour le 4 juillet 2009 à 6h53)

C’est la star du moment. A en croire la presse internationale, ce sont ces gazouillis de 140 caractères qui ont orchestré la contestation iranienne (abusivement décrite comme «la révolution Twitter»). Le chouchou des réseaux sociaux ferait trembler le géant Google, ébranlant son quasi-monopole sur la recherche sur le Web. Google serait prêt à débourser 250 millions de dollars pour avaler le petit poucet.

We Love the Net, collectif de Net-artistes anticipe ce mariage en accouplant Twitter et Google Street View. Stweet permet de voir «ce qui se dit où». Le site affiche en temps réel les micromessages géolocalisés (option que l'utilisateur de Twitter peut activer) sur le panorama de Google Street View. Les messages défilent en même temps que les photos des villes (Paris, Marseille, Londres, Barcelone, Sydney, Milan, Sapporo, Los Angeles…) proposant une «nouvelle manière de voyager autour du monde, via ces gazouillis urbains».

Provenance. L'écran se rafraîchit à chaque fois qu'un nouveau «tweet» (un micromessage) arrive. Par exemple, le 3 juillet au 56 rue Quincampoix à Paris, Silvae écrit «Bon allez ce midi je me trouve des lunettes de soleil #ça-sent-les-vacances.» Au 6 rue Duvivier, Littelfufu envoie «Sweet bossa nova playing, cold mojito, beautifull sunshine, and not worry in the world, life is good to me.» A New York, sur Columbus Avenue 728, Jayhawkbabe écrit : «Je me sens comme James Bond. Je viens de soudoyer un taxi pour qu'il m'emmène illico à l'aéroport. On roule si vite, je me sens malade.» Voir d'où proviennent les messages modifie complètement la manière dont on les réceptionne.

Cette forme de poésie en temps réel, associée à des photographies de rues (qui sont figées dans le passé) procure une étrange sensation de distorsion. L'impression, un peu indiscrète, de saisir des discussions au vol, comme lorsqu'on se promène dans la rue. «Ce projet artistique propose une représentation inédite de ces données qui circulent sur le Net. Twitter présente un flot incessant de mots humains, de mots urbains. Stweet vise aussi à se réapproprier l'immense espace photographique que crée Google, reprendre possession de ce territoire qu'il s'arroge de manière autoritaire. Il s'agit aussi de sensibiliser le public à l'espace d'observation, voire de surveillance, créé à travers la géolocalisation», explique le collectif.

Avec son projet Default to Public, l’artiste berlinois Jens Wunderling tente de rattacher ces flux immatériels à des lieux physiques. Intrigué par la manière dont les gens s’affichent en ligne sans retenue et leur désir simultané de vie privée dans le monde réel, il a imaginé plusieurs projets autour de Twitter visant à diffuser ces conversations en temps réel dans l’espace public.

La plupart des «tweets», souvent de nature privée, peuvent être vus par les utilisateurs dans le monde entier, constate l'artiste allemand. «Sur le Net, les gens disent ce qu'ils pensent, immédiatement, publiquement. Pourquoi pas dans le monde réel ? Est-ce en raison de l'anonymat dont ils bénéficient sur le Net ? Ou est-ce parce qu'ils ne ressentent pas l'Internet comme étant un espace public, alors qu'il touche bien plus de gens et qu'il a une mémoire bien plus persistante ?»

Proximité. Wunderling sort les «gazouillis» du réseau pour les mettre dans la rue, sous différentes formes. Par exemple, Tweetscreen est une projection sur les rideaux des fenêtres des messages écrits à proximité. Les utilisateurs de Twitter, dont les messages ont été sélectionnés, sont avertis que leur «tweet» a été montré dans l'espace public. Une autre déclinaison consiste en une borne placée dans un café qui imprime non-stop les «tweets» émis dans le voisinage sur des petits autocollants, permettant aux passants de s'en saisir et de les coller où bon leur semble, disséminant les messages dans la ville.

Dernière réalisation, peut-être la plus troublante : une sonnette d'immeuble, objet qui sert déjà d'interface entre l'extérieur et la sphère privée, dotée d'un écran qui affiche en temps réel les gazouillis que vous envoyez dans le cyber-espace. «Si vous savez que ce que vous dites peut être connecté à votre domicile, vous y réfléchirez à deux fois avant de twitter.»

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