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#1 09-02-2012 20:33:55

Emmanuel Cauvin
Membre
Lieu : Etherciel
Inscription : 03-05-2009
Messages : 18
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Télécharger le droit d'auteur

Problème:
Comment appliquer le droit d'auteur à l'Internet, et plus généralement à la chose numérique ? Comment adapter les règles de la propriété intellectuelle au nouveau monde qui se développe à une vitesse hallucinante derrière les écrans ?
Solution:
En étudiant la nature du terrain, en s'efforçant de décrypter les propriétés fondamentales du milieu, pour ensuite attribuer des droits et formuler des interdits adéquats. Comprendre la route avant d'écrire le code. Pour être appliquée, la loi doit d’abord être applicable.

A côté des droits moraux, notre code de la propriété intellectuelle accorde à l’auteur d’une œuvre de l’esprit des droits patrimoniaux, à savoir, présentement, le droit de reproduction et le droit de représentation. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit est illicite. La définition légale du droit patrimonial de l’auteur est bien adaptée aux conditions de vie sur Terre, dans notre environnement naturel. La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'œuvre sur un support solide, et la représentation renvoie quant à elle à tout procédé de communication directe de l’œuvre au public (théâtre, concert, télédiffusion par voie hertzienne etc…). Sous l’angle matériel, ces notions légales couvrent le champ du possible en matière de « consommation » des œuvres, dans son intégralité. Le public peut accéder aux œuvres, soit via un exemplaire fixé sur un support, soit à l’occasion d’une prestation de l’artiste (auteur ou interprète), rien de plus. L’air ne conserve ni les sons, ni les images : la nature met des bornes à la diffusion des œuvres. Inutile par conséquent de prévoir des contrats de licence pour décrire ce que le consommateur a le droit de faire ou de ne pas faire… la nature s'en charge. La propriété littéraire et artistique est ancrée dans la réalité (la réalité des années 1950, à l'époque de la dernière grande loi fondatrice en la matière).

Examinons maintenant la structuration des choses et des comportements dans les flux électroniques. L'individu, seul devant son écran, se plonge dans des émissions, celles qu'il reçoit et celle qu'il produit. A l'écran, tout passe, tout ne fait que passer. En remplacement de la summa divisio reproduction-représentation, nous proposons de décliner le droit patrimonial de l’auteur en droit d’émission et droit de réception. Cette nouvelle structure est seule susceptible de garantir à l’artiste le contrôle de la diffusion de ses œuvres dans le télé-monde. Le consommateur peut être récepteur ou émetteur, ou les deux à la fois, il y a là une réalité incontournable. Il convient donc d’organiser la loi en conséquence. Un droit de réception concédé au client permettra à celui-ci de tirer de l’œuvre un bénéfice similaire à celui qu’il obtient dans l’espace terrestre à l’aide d’un exemplaire tangible, une « consommation » individuelle. Les « r-licences » ou « air-licences » désigneront le contrat passé entre l’auteur et ses récepteurs permettant à ces derniers de s’adresser l’ouvrage à eux-mêmes, à travers l’air, pour leur usage privé. Le droit d’émission, a priori plus onéreux, fera l’objet de licences appelées « e-licences » décrivant avec précision les droits et devoirs du licencié dans l’utilisation et la mise en circulation de l’œuvre à travers l’écosystème électronique.

Il ne s'agit plus d'organiser les relations entre, d'un côté, les producteurs, et de l'autre les consommateurs, en se basant sur les modes d'accession aux œuvres. Il n'y a désormais qu'un seul type d'interlocuteur, un point dans le flux, un nœud de communication, un émetteur/récepteur. Si sa puissance varie, son rôle est toujours le même, il ne fait que deux choses : émettre et recevoir. La barrière entre ceux qui émettent et ceux qui reçoivent, ceux qui vendent et ceux qui achètent, a vécu. La question n'est donc plus de savoir comment les créations sont transmises des premiers aux seconds. La question est de définir les droits et obligations de l'opérateur dans la circulation des oeuvres. Pour cela, le seul moyen est de l'appréhender dans ses deux opérations fondamentales. Le paysage était coupé en deux, il est maintenant totalement atomisé.

Les vedettes des "Majors" sont juste plus riches et plus puissantes que les autres, mais elles ne sont pas différentes. Autrefois, le dispositif technique permettant d'enregistrer de la musique et celui permettant de l'écouter étaient aux antipodes l'un de l'autre (un studio avec quelques tonnes de matériel d'un côté, un "tourne-disque" de l'autre). Aujourd'hui des logiciels d'une valeur de quelques centaines d'euros permettent d'enregistrer de la musique grâce à un simple ordinateur personnel, et cela avec une qualité professionnelle. Producteurs et consommateurs travaillent avec les mêmes appareils.

Autrefois, il y avait bien une différence de nature entre une caméra Super 8 et un poste de télévision. Aujourd'hui "Fichier/Ouvrir" et "Fichier/Enregistrer sous…" sont voisins. La matière tourne sur elle-même. L'opération d'écriture n'est pas séparée de l'opération de lecture. Dans l'environnement numérique, consommation et création sont comme cousues ensemble. Les objets se distinguent par l'image qu'ils rendent, le son qu'ils font entendre, ou le processus qu'ils viennent dérouler, pas par leur substance. Producteurs et consommateurs travaillent avec le même matériau. Le milieu met tous les acteurs à égalité dans le domaine de la fabrication des œuvres.

Il en va de même pour leur diffusion. Certes l'héritage des grandes compagnies qui ont construit nos répertoires dans le domaine de la musique et du cinéma est colossal. Mais il faut regarder l'avenir. L'avenir appartient aux serveurs. Or la loi des protocoles de l’Internet est la même pour tous : c’est un fait, les serveurs naissent et demeurent libres et égaux en droit. Les lois de l’environnement placent tous les serveurs, et donc ceux qui les contrôlent, sur un pied d’égalité. Résultat : plus rien ne distingue un "producteur" d'un "consommateur", si ce n'est la puissance financière.
L'envergure des licences doit elle aussi être adaptée. Avec un vinyle ou une cassette vidéo, il n'était guère possible de faire plus que regarder et écouter. La machine se limitait à la fonction "lecture". Aujourd'hui l'ordinateur a remplacé la chaine stéréo, et ce même ordinateur permet au premier pékin venu de lancer aux quatre vents sa propre chaine TV.

Il devrait être possible de faire légalement tout ce qui est possible matériellement. Les e-licences devront s'ouvrir à toutes les possibilités de réutilisation des contenus. Dans notre environnement traditionnel, celui des supports solides et des représentations vivantes, tous les modes d'exploitation des œuvres, toutes les techniques artistiques basées sur la reprise de certains éléments protégés font l'objet de mécanismes légaux ou contractuels. Le droit d'auteur épouse parfaitement les limites de ce qui est possible de faire. Pourquoi ne pas faire de même dans le nouveau monde ? Peut-on concevoir un droit d'auteur qui aboutisse à créer des blocages à la création ? Au-delà d'un certain succès, et après une période de quelques années, le créateur pourrait avoir l’obligation de proposer des e-licences de ses personnages, de ses partitions, de tous les composants détachables de son travail, pour permettre à d'autres de les reprendre, mais à leur manière, et à condition que ceux-ci fassent réellement preuve de créativité et d’originalité.
Faut-il privilégier le monopole d’exploitation de l'auteur ? Ou le développement de nouvelles formes d’expression
artistique ?

Une révolution démocratique s'est opérée dans les structures matérielles de la société, mais sans qu'il se fasse, dans les idées, les mentalités, et dans les lois, le changement qui devrait accompagner cette révolution. Certains, du côté des « Majors » continuent de se croire au-dessus de la masse. Et depuis près de trente ans, s’appuyant sur les principes classiques du droit d’auteur considérés comme intouchables, le législateur s’évertue à ajuster leurs modalités d’application à l’évolution de ce que l’on continue d’appeler « la technique », alors qu’il conviendrait de s’attaquer à ces sacro-saints principes, pour les renverser et les remplacer par d’autres. Le changement à opérer est autant dans les mentalités que dans les lois. L'adaptation du régime légal va consister à substituer une logique d'émission/réception individuelle applicable à tous, à une structuration basée sur la dépendance de consommateurs passifs par rapport à une petite caste de producteurs/diffuseurs.

Avant de lutter contre le téléchargement illégal, tâchons de télécharger la légalité.

Emmanuel Cauvin
(version longue de cet article)
http://etherciel.over-blog.com/article- … 75912.html

Dernière modification par Emmanuel Cauvin (11-02-2012 09:15:21)

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#2 21-03-2012 13:41:32

toto2012
Nouveau membre
Inscription : 21-03-2012
Messages : 2

Re : Télécharger le droit d'auteur

Très bonne analyse et proposition. Elle est certainement à travailler de manière éthitechnique, c'est à dire à en inclure l'éthique dans la manière de concevoir l'architecture même des échanges, de l'internet, de notre préhension de l'écosystème numérique.<br>Merci !

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#3 07-04-2012 15:42:59

Emmanuel Cauvin
Membre
Lieu : Etherciel
Inscription : 03-05-2009
Messages : 18
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Re : Télécharger le droit d'auteur

Bonjour
Merci.
mais "préhension"... "préhension" me gêne.
En effet on n'y met pas les mains.
Les mains ne passent pas derrière l'écran, elles restent devant.
salutations cordiales
E

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