Aime les artistes ou ça va couper

par Erwan Cario
publié le 4 novembre 2008 à 10h56
(mis à jour le 4 novembre 2008 à 14h21)

Un site contre un autre. Le même sujet : la loi Création et Internet, sa haute autorité et sa riposte graduée. D'un côté, le ministère de la Culture qui se rend bien compte que même si la majorité UMP au Sénat et à l'Assemblée nationale lui assure presque mécaniquement un vote favorable, le projet a bien du mal à passer auprès des internautes. De l'autre, l'UFC-Que Choisir qui s'est prononcé très tôt contre le système de riposte graduée.

«J'aime les artistes» , avec un joli cœur qui montre que tout ça, finalement, c'est une histoire d'amour. Le ministère a décidé de contre-attaquer les arguments forcément biaisés de ceux qui s'opposent à la loi. Il n'y a donc pas de criminalisation des internautes, la loi ne fait pas que défendre les majors, et les abonnés ne seront évidemment pas suspendus pour des actes qu'ils n'ont pas commis. Les arguments n'ont rien de bien nouveau. Mais parfois, on a le droit à une petite surprise qu'on n'avait encore jamais lu. Forcément, ça attire l'œil.

Ainsi ce passage, au point 3 des «Dix idées fausses sur le projet de loi» : «La nécessité d'un tel équilibre entre les droits des créateurs et le respect de la vie privée des internautes a d'ailleurs été récemment soulignée au niveau européen, par la Cour de justice des communautés européennes, dans un arrêt du mois de janvier 2008 dit Promusicae.» Etrange, quand on sait que cet arrêt précisait, d'une part, que les directives européenne «n'imposent pas aux États membres de prévoir (...) l'obligation de communiquer des données à caractère personnel en vue d'assurer la protection effective du droit d'auteur» et que d'autre part, il réaffirmait l'importance du principe de proportionnalité dans le droit européen. Et c'est justement au nom de ce principe que la Cnil a sévèrement critiqué le projet Hadopi .

Le même argumentaire finit d'ailleurs sur une charge contre le principe de licence globale, forcement «dépassé». On notera quand même cette phrase mémorable : «Les formules d'abonnement proposées en nombre sans cesse croissant présentent de toute évidence une capacité d'adaptation plus forte aux contraintes du marché en général et aux besoins des internautes en particulier.» Comme argumentaire étayé, on a vu mieux. Mais dans l'autre sens .

Mais j'aimelesartistes.fr, ce ne sont pas que de longues explications passionnantes, il y a aussi des vidéos. «Eh craignos, la musique c'est pas gratos» , c'est le leitmotiv de deux spots réalisé façon djeunz pour montrer comment c'est trop ringard de pirater. Le tout avec une animation 3D très années 80. Sûr que ça devrait toucher son public... On a aussi droit à une formidable intervention de Christine Albanel qui, sur la question du droit d'auteur, explique que les auteurs c'est important. «il faut remettre les auteurs au cœur du système» , raconte-t-elle. Avant d'ajouter : «Je crois qu'il faut mettre l'accent sur les aides à l'écriture. Il faut travailler sur le thème général du scénario.»

Et c'est parti pour un hors-sujet absolument délirant : «On est un peu en retard par rapport aux Etats-Unis, par exemple. Et c'est pourquoi je voudrais faire une journée autours de ce thème du scénario et des scénaristes pour savoir qu'est-ce qu'on peut faire. Il y a tout le thème général de la formation des scénaristes, c'est également un sujet. Oui, je crois que les auteurs, c'est le sel de la terre et le sel de la création. Et je suis vraiment à leur côté, ne serait-ce parce que je suis un vieux membre de la société des auteurs.» C'est là la seule intervention de la ministre sur le site qui défend son projet de loi.

Il faut donc croire que l'humour est un autre point commun entre les deux sites, car c'est aussi le choix qu'a fait l'UFC-Que choisir avec ca-va-couper.fr . Avant tout, le site présente quatre petites vidéos mettant en scène Dédé, agent de l'Hadopi, face au méchant téléchargeur. Sans grands moyens, elles sont plutôt bien fichues et drôles; même si on est moins fan du quatrième épisode.

Outre le format, pensé pour être fortement relayé sur le net, ca-va-couper.fr renvoie aussi à toute une série de modules explicatifs présents sur le site de l'association. Les arguments sont forcément un peu différents de ceux de jaimelesartistes.fr. «Les 6 principaux griefs contre le projet de loi Création et Internet» , par exemple, décrit précisément pourquoi, selon UFC-Que Choisir, le projet est «répressif» , «liberticide» , «irréaliste» , «non rémunérateur pour les artiste» et «contraire au droit communautaire» . Ouf. On trouvera par ailleurs, et c'est sans doute le plus utile, une synthèse très bien faite du projet de loi tel qu'il a été adopté au Sénat.

Par contre, aucune trace des scénaristes et du retard par rapport aux Etats-Unis. Et ça, c'est un peu dommage.

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