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Betclic, la cote d’or

Avec la libéralisation du secteur, Nicolas Béraud, PDG de la société de paris en ligne, est appelé à devenir un personnage central du sport français. Notamment par le sponsoring.
par Christophe Alix
publié le 4 janvier 2010 à 10h24
(mis à jour le 4 janvier 2010 à 10h24)

Le marché des paris en ligne n'est pas encore officiellement ouvert à la concurrence en France mais Nicolas Béraud lui est déjà parti. Figure de ce bookmaking sportif en ligne qui déboule à toute vitesse dans l'Hexagone, le patron et fondateur de Betclic , 38 ans, pourrait devenir un personnage très courtisé par les milieux sportifs. La future loi autorisera en effet les sociétés comme Betclic à sponsoriser les clubs et à financer les organisateurs qui leur vendront des «droits à parier» comme existent déjà les droits télés. Béraud n'a pas attendu la promulgation de la future loi - toujours en cours d'examen par le Parlement - pour s'attaquer depuis sa base londonienne au marché français.

Sur la Toile tricolore, il compterait déjà un bon million de clients réguliers en toute illégalité. Il a multiplié les accords avec des grands clubs (onéreux contrats de sponsoring pour figurer sur les maillots de l'OL et de l'OM après celui signé avec la Juventus) et avait même commencé à inonder les ondes de publicité avant que le CSA et surtout Bercy ne le rappellent à l'ordre sur le mode «si tu veux ta licence, tiens-toi sage». «De toute manière , n'arrête-t-il pas de répéter, je suis déjà légal au regard de la loi européenne et dispose de licences en Angleterre et à Malte pour pouvoir prendre des paris en ligne.»

Pour Betclic et les autres sites de jeux en ligne, cette année s'annonce capitale. Une course féroce s'est engagée entre anciens monopoles publics (PMU et Française des Jeux) et nouveaux «pure players» d'Internet comme Betclic ou Bwin pour s'imposer sur le marché en plein boom du jeu en ligne - estimé à près de 5 milliards d'euros rien que pour la France. Un marché que devrait booster deux événements cette année : les JO d'hiver à Vancouver et surtout le Mondial de football en Afrique du Sud (estimé à 10% du total des revenus de l'année pour Betclic).

En attendant la délivrance officielle des licences par la future Autorité des jeux en ligne (Arjel) pour avoir le droit d'afficher ses couleurs sur les maillots et dans les médias, Betclic devra rester discret. La publicité est limitée à Internet (sur laquelle le gouvernement ferme les yeux). Au grand dam de Nicolas Béraud qui déplore que les clubs français ne puissent pas encore vraiment profiter de cette manne alors que, dit-il, «financièrement, ils ne sont pas armés pour se battre à armes égales au plan européen» .

Volontiers joueur, en ligne mais plus sur le terrain, ce père de deux enfants résidant dans le chic quartier de Hampstead, banlieue du nord de Londres, se présente comme un «dingue de sport» tombé dans la marmite numérique dès les balbutiements du Web. Cet authentique nerd (dingue d'informatique) farfouillait déjà sur le réseau mondial fin 1990, trois ans avant la naissance du Web. Connecté via son école d'ingénieurs, ce fidèle du PSG y anime alors un newsgroup, ancêtre des forums, Fr.rec.sport. football où se retrouve une communauté de quelques informaticiens accros au ballon rond. De quoi lui donner l'idée de fabriquer un petit logiciel de concours de pronostics dans lesquels s'affrontent les fidèles du forum. Rebelote quelques années plus tard à Canal +, où Béraud embauché à la direction technique monte un concours de pronostics sur l'intranet maison à l'occasion du Mondial 1998. Avant de se décider, avec son futur associé, Eric Moncada, en pleine effervescence de la bulle Internet, à voler de ses propres ailes. Ce sera sport4fun.com , un portail sportif qui propose de parier gratuitement sur des rencontres et que le duo entend rentabiliser avec la publicité. Le site survivra à l'explosion de la bulle et sera revendu à Lagardère. Fin de l'acte I pour Nicolas Béraud qui récolte au passage un petit pactole qu'il réinvestit dans les paris en ligne.

L'acte II débute en 2005, lorsqu'il entend que quelques «brèches»sont en train de fissurer l'édifice juridique bétonné par les Etats pour contrôler les jeux d'argent. Béraud comprend qu'il y a là un «très gros coup à jouer» . Fini le Web gratuit, place aux paris payants. Alors qu'il ne parle pas un mot d'anglais, il part à Londres, apprend le métier de book, trouve des financements (3 millions d'euros) et lance Betclic avec un seul employé, en octobre 2005. Le site, qui vise surtout le public français et sud-européen, grossit très vite (350 employées aujourd'hui).

La rencontre avec le producteur Stéphane Courbit qui, après avoir fait rapidement fortune dans la télé avec l'animateur Arthur et leur société Endemol, entend investir massivement dans le jeu en ligne va tout changer. Courbit met 50 millions d'euros sur la table pour s'emparer de 75% du tout jeune Betclic qui en deux ans aura multiplié par sept ses revenus ! Avec la légalisation des paris en ligne, Béraud entend déménager une partie de ses équipes à Paris et promet de créer «beaucoup d'emplois en France, dès que c'est possible» . Persuadé que grâce à la traçabilité des paris en ligne, un site comme Betclic peut devenir non pas un lieu de fraude mais son «détecteur» , il voit dans son métier un «prolongement» de sa passion du sport. Il trouve d'ailleurs «parfaitement normal» que les paris deviennent un «nouveau moyen de financer le sport et que des règles très précises soient mises en place» . Mais n'allez pas lui parler des dérives du sport business : cela ne l'intéresse pas.

Paru dans Libération du 2 janvier 2010

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